L'ODJ Média



Quand la culture Woke dérive ..


Rédigé par le Vendredi 5 Novembre 2021

Connaissez-vous la culture Woke et le Wokisme ?
Le terme anglo-américain woke désigne le fait d'être conscient des problèmes liés à la justice sociale et à l'égalité raciale et de demeurer vigilant et éveillé .



Quand la culture Woke dérive ..
Je suis Woke , donc je suis cool ! 

Passé simple du verbe anglais to wake, qui signifie en français « se réveiller », le mot « woke » a pris un sens véritablement idéologique dans la langue vernaculaire afro-américaine pour désigner le fait d’être conscient des injustices subies par les minorités ethniques, sexuelles, religieuses, ou de toutes formes de discriminations , et de demeurer mobilisé à leur sujet.

Avant d’arriver dans d'autres pays en Europe notamment , le terme s’est répandu outre-Atlantique dans le contexte historique de la lutte pour les droits des Noirs. 

« Cette expression argotique a cheminé dans le monde africain-américain à partir des années 1960 »,  explicait au Monde en février dernier l’historien Pap Ndiaye. Ce spécialiste de l’histoire sociale des Etats-Unis rappelait que la grande figure du mouvement des droits civiques américains, Martin Luther King,  avait exhorté les jeunes Américains à « rester éveillés » et à « être une génération engagée », lors d’un discours à l’université Oberlin, dans l’Ohio, en juin 1965.

Cette conscience militante chez les Afro-Américains serait même déjà apparue au début des années 1990 .

En 1923, le philosophe et activiste jamaïcain Marcus Garvey, précurseur du panafricanisme, exhortait : « Réveillez-vous l’Ethiopie ! Réveillez-vous l' Afrique ! 

Un article du  site américain Vox a repéré l’usage en 1938 de l’expression « stay woke » dans  une chanson   protestataire du musicien de blues Lead Belly sur l’histoire d’un groupe d’adolescents noirs accusés du viol de deux femmes blanches à Scottsboro (Arkansas).

Le terme s’inscrirait même dans une histoire du militantisme encore plus ancien , à en croire certains spécialistes, qui rapportent l’utilisation de l’expression « wide awake » par les anti-esclavagistes du   XIXe siècle qui s’affirmaient déjà « bien éveillés » sous la présidence d’Abraham Lincoln.L’expression fait son retour en 2008, par la chanteuse américaine Erykah Badu qui chante « I stay woke » (« je reste éveillée ») dans son titre Master Teacher, puis en 2012 lorsqu'elle tweete son soutien au groupe de rock féministe russe Pussy Riots, dont des membres avaient été condamnés  à la prison pour « incitation à la haine religieuse ».

 


Que défendent les personnes qui se disent « woke » ?

Comment le terme « woke » a remplacé le « politiquement correct »
 

Mais c’est à la faveur du mouvement Black Lives Matter  que le terme prend une tout autre envergure. 

Les émeutes de Ferguson (Missouri) en 2014, après le meurtre de Michael Brown, jeune noir de 18 ans tué par la police, ont provoqué une grande vague de protestation contre les violences policières. Le mouvement fait émerger une nouvelle génération de militants antiracistes, plus présents sur les réseaux sociaux, qui dénoncent le racisme systémique et appellent les citoyens à être « éveillés » contre l’oppression subie par la population noire aux Etats-Unis. 

Un documentaire sorti en 2016, Stay Woke : The Black Lives Matter Movement, ancre durablement le terme dans ce mouvement.

Le mot woke s’est par la suite répandu à travers le monde, et au sein d’autres sphères militantes pour dénoncer toutes formes d’injustices subies par les minorités, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses.

On l’a vu notamment apparaître sur de nombreuses pancartes lors de la « marche des femmes » en janvier 2017, un rassemblement politique organisé aux Etats-Unis après l’élection de Donald Trump. Il s’agissait alors de dénoncer le sexisme et la misogynie du nouveau président américain.

Au début des années 2010, ce concept a permis aux minorités de s’unir autour d’une perception et d’une expérience partagées des discriminations. Une personne se définissant comme « éveillée » est consciente des inégalités sociales, par opposition aux personnes « endormies » ou franchement indifférentes face à l’oppression qui pèse sur les femmes, les personnes lesbiennes, gay, bi et trans, les populations d’origines étrangères, etc.

Indépendamment de la façon dont les attitudes individuelles ont pu changer, les personnes « woke » estiment que les sociétés à travers le monde demeurent inéquitables et parfois destructrices pour certaines minorités. Elles reconnaissent que l’on peut être traité différemment selon son milieu social, sa couleur de peau, sa religion, son handicap, son sexe ou son genre. Ainsi, s’attaquer aux inégalités structurelles rendra le monde plus sûr et meilleur, selon elles.

Si le terme est historiquement lié à la lutte contre le racisme envers les Afro-Américains, les individus qui se revendiquent aujourd’hui « woke » embrassent plusieurs grandes causes :

- la lutte antiraciste et contre les violences policières (le mouvement Black Lives Matter    encore très actif).

- le réchauffement climatique (les fortes mobilisations lors des marches pour le climat).

- les combats pour l’égalité femmes-hommes (#metoo).

On pourra même rajouter les végétariens/taliens et autres ! 

« Il est question de changement de mode de vie, de manière d’habiter, de se déplacer, de cohabiter sur la Terre avec ses habitants non humains. Les assignations de genre et les identités sexuelles sont profondément remises en question », résumait Pap Ndiaye.

Les détracteurs du « woke »  dénoncent un « totalitarisme woke » –,   les dérives de l’idéologie woke et s’inquiètent de la montée d’une intolérance à l’égard d’opinions opposées, et d’un muselage de la liberté d’expression.

Remplaçant le "politiquement correct " , le mouvement ou la culture Woke a néanmoins très bien réussi à organiser la mobilisation politique des jeunes . Mais en prenant de l'ampleur , ce mouvement n'est-Il pas une dérive excessive qui remet en question les valeurs d'égalité avec de nouvelles formes de discriminations positives qui peuvent prendre des allures hégémoniques et totalitaires  !?

Si les militants Woke ont été bien admis par les moeurs du système politique  des États-Unis , en Europe la pilule  passe carrément moins bien du côté du discours dominant qui voit d'un très mauvais oeil ce " communautarisme " anti raciste et anti-sexiste ... 

Au fond , c'est juste une réponse aux limites et au conservatisme qui sévissent auprès des démocraties libérales .

Mais, on ne dira pas que trop de démocratie et de libertés nuisent dangereusement aux fondements de ces démocraties libérales où les divers communautarismes s'organisent pour exister !

  Hafid FASSI FIHRI 

Avec Le Monde et RTBF






Hafid Fassi fihri
Hafid Fassi Fihri est un journaliste atypique , un personnage hors-normes . Ce qu'il affectionne,... En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 5 Novembre 2021

Chroniqueurs invités | Lifestyle | Breaking news | Portfolio | Room | L'ODJ Podcasts - 8éme jour | Les dernières émissions de L'ODJ TV | Communiqué de presse | Santé & Bien être | Sport | Culture & Loisir | Conso & Environnement | Digital & Tech | Eco Business | Auto-moto | Musiczone | Chroniques Vidéo | Chroniques Radio R212 | Bookcase | L'ODJ Média | Last Conférences & Reportages



Bannière Lodj DJ