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Par Aziz Boucetta
Il ne fait de doute dans l’esprit de toute personne sensée que la question du Sahara a depuis longtemps dépassé son point d’inflexion, dans un sens favorable au Maroc malgré les gesticulations et autres rodomontades des gens du Polisario et de leurs donneurs d’ordre algériens, ou plutôt algérois. Cela n’empêche pas les grandes chancelleries étrangères de persister à (feindre de) croire, sans relâche et sans fatigue, l’histoire du référendum d’autodétermination. Mais ces chancelleries sont peuplées de personnes élues ; il est donc important de s’adresser, au-delà d’elles, à leurs opinions publiques. Puisque l’affaire du Sahara est celle de tout le monde, c’est tout le monde qui doit la porter et la défendre.
Même les Américains, dont le pays reconnaît pourtant solennellement et officiellement la marocanité des provinces du sud marocain, ont dernièrement évoqué par la bouche de leur secrétaire d’Etat Antony Blinken une « solution politique et digne pour le peuple du Sahara occidental et de la région ». Et cela est, bien que le Maroc ne lésine pas sur le lobbying, recrutant des cabinets conseil qui ont leurs entrées au Capitole et qui se retrouvent dans ses dédales. En Europe, les représentations diplomatiques marocaines sont sur bien des fronts pour expliquer la justesse de cette cause et sa profondeur historique. Think tanks et personnels politiques sont approchés, parfois accrochés pour entendre raison et prendre les positions justes et légitimes.
Mais malgré tous ces efforts, on continue d’entendre l’éternelle et sempiternelle ritournelle du « peuple sahraoui », de « l’autodétermination », des « territoires occupés », du « pillage des ressources », de la « répression des Sahraouis », et autres joyeusetés du genre. Des journalistes en quête de scoops et des élus en mal de notoriété s’invitent régulièrement dans la zone, sont tout aussi régulièrement expulsés par les autorités marocaines, ce qui nuit systématiquement à la réputation du royaume, présenté invariablement comme un « occupant » par des médias étrangers trop complaisants et trop peu curieux de la profondeur historique de l’affaire. Ou intéressés par autre chose.
Ce qui « nuit » à notre position est précisément la petite ampleur de ce conflit, dont l’opinion publique en Occident, en Chine, en Inde, en Afrique, e Amérique latine et ailleurs se moque. Ainsi qu’on le qualifie, le conflit au Sahara est de base intensité, et donc, tant que les uns et les autres font leurs affaires au Maroc et que les clients de l’Algérie pour son gaz obtiennent ce gaz, personne dans les chancelleries ne bougera vraiment dans le bon sens. Pire, on persistera à agiter et remuer les choses pour faire durer et perdurer ce conflit, une perpétuation de l’antagonisme algéro-marocain arrangeant les affaires de tant de monde, du moins plus qu’un règlement de ce conflit.
Alors il faut non pas changer de politique, puisque celle qui est menée actuellement... semble porter ses fruits dans le sens d’une reconnaissance de fait de la marocanité de nos provinces, mais l’appuyer et la soutenir par une action plus résolue en direction des opinions publiques pour les sortir de leur immense indifférence. Ce sera du lobbying certes, comme l’autre, mais un lobbying non payant, désintéressé, conduit par des Marocains en faveur de leur pays, le Maroc.
On se souvient quand, en 2015, la Suède se préparait à reconnaître la RASD, la « gauche » marocaine s’était envolée en Suède, dûment mandatée et missionnée. Les responsables de ces partis avaient rencontré leurs pairs scandinaves, leur avaient exposé les choses, les avaient plus ou moins convaincus de la justesse des arguments marocains. Et la Suède était, même provisoirement, revenue à de meilleurs sentiments…
Ce qui manque à la défense de la thèse marocaine, c’est ce lobbying permanent, qui agit à bas bruit, dans l’intimité des salons et avec l’efficience de la convivialité. Aller vers les corps constitués, sans autre enjeu particulier que d’expliquer les faits, d’exposer les arguments, de rappeler le passé, la grande Histoire et les petites histoires. Les Algériens, les Algérois, dans leur hystérie anti-marocaine et leur obsession antimonarchique, nous aident en martelant leur neutralité d’observateurs tout en étant sur tous les fronts.
Leurs médias nous insultent, leurs officiels nous malmènent, leurs généraux nous haïssent, leurs diplomates nous harcèlent, leurs parlementaires nous taclent, leurs services nous menacent… Et c’est ce qui fait notre force, si nous savions plus et mieux y faire, si nous mandations notre société civile, puisque eux n’en ont pas, puisque leur société civile est en opposition avec son propre Etat.
Des passerelles doivent être jetées entre les différents corps sociaux, professionnels, politiques, d’une manière savamment conçue et soigneusement concertée, systématique et même « systémique ». On dit bien au Maroc que la question du Sahara n’est pas l’affaire du seul Etat mais de l’ensemble de la société. Alors pourquoi la société n’est-elle pas impliquée dans sa défense à l’extérieur de nos frontières, en permanence, en profondeur ? Universitaires, professions réglementées, ordres professionnels, syndicats, partis, parlementaires, étudiants, sportifs, artistes, associations féminines et féministes, associations de jeunes et Jeunesses, Marocains du monde, et même nos minorités chrétiennes, juives, LGBT… tout et tout le monde pourrait être mobilisé dans la défense d’une cause naturelle et légitime. La diplomatie viendrait en appui et le lobbying payant serait l’appoint, et non le fer de lance. Une cause nationale, des institutions ne sont jamais mieux défendue que par leur opinion publique, leur société civile, leur population.
La diplomatie fait son travail certes, mais en acceptant de mutualiser son effort, en engageant tout ce monde, le Maroc gagnerait du temps. Et le temps c’est de l’argent, de l’argent qui manque tant à notre développement.