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La retraite russe de Kherson, une « Maskirovka » ?


Rédigé par le Samedi 12 Novembre 2022

Les Russes évacuent Kherson ! Une défaite politique ? Cela est, sûrement, le cas. Un revers militaire décisif ? Rien n’est moins sûr.



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L’opinion publique mondiale voit les troupes russes se retirer de la rive Ouest du fleuve de Dniepr, abandonnant ainsi la ville de Kherson aux Ukrainiens.

La Russie a, donc, cédé une portion de territoire de l’oblast de Kherson, qu’elle réclame, pourtant, entièrement sien, depuis le référendum de fin septembre. C’est, donc, un véritable camouflet pour le président Poutine, autant sur le plan interne que sur la scène internationale.

D’un point de vue militaire, l’analyse du repli russe de l’Ouest du Dniepr est plus nuancée. Les troupes russes se sont retirées en bon ordre, en un temps relativement record, sans essuyer trop de pertes humaines et matérielles.

L’argument « Kakhovka »

La principale crainte du Général Sergey Surovikin, commandant chargé de l’opération spéciale militaire russe en Ukraine, était de voir les forces ukrainiennes, soutenues par l’Otan, détruire le barrage de Kakhovka situé en amont de la ville de Kherson et dernièrement soumis à d’incessants tirs d’artillerie.

Si ce barrage venait à céder, toutes les rives du Dniepr en viendraient à être inondées. Les soldats russes stationnées à l’Ouest du fleuve se seraient, alors, retrouvés coupés de leurs lignes d’approvisionnement, encerclés et taillés en pièces par les forces ukrainiennes.

Prendre la décision de repli des troupes russes de l’Ouest du Dniepr, désastreuse pour l’image du président Poutine et de ses chefs militaires, n’était pas chose facile.

Trouver le courage de le faire laisse penser que les dirigeants politiques et militaires russes sont sûrs de la solidité des assises de leur pouvoir.

La Crimée à bout de Himars

L’état-major ukrainien, pour sa part, devine que le retrait des forces russes de l’Ouest du Dniepr n’est pas vraiment une victoire, après avoir perdu de nombreux soldats, ces dernières semaines, à tenter de prendre la ville de Kherson à l’assaut.

A partir des positions plus avancées nouvellement acquises par les forces ukrainiennes dans l’oblast de Kherson, ces dernières disposent désormais de la possibilité de prendre la péninsule de Crimée pour cible de leurs systèmes d’artillerie, dont le fameux lance-roquettes multiples américain Himars.

Mais comme rien n’est simple dans une guerre, les militaires actifs sur le terrain ayant, par ailleurs, la fâcheuse tendance de ne pas adapter leurs plans et stratégies aux attentes des médias et autres niaiseries des pseudo-experts de plateaux télés, l’état-major ukrainien se dépêche de redéployer une partie de ses forces mobilisées à Kherson plus au Nord, vers la capitale Kiev et l’oblast de Kharkov.

Le facteur « raspoutitsa »

Les Ukrainiens semblent appréhender un coup de jarnac de la part des Russes. Avec la baisse des températures, le gel solidifie les sols, offrant ainsi aux forces russes la possibilité de manœuvrer leurs blindés dans les vastes et plates steppes du Nord de l’Ukraine, actuellement impraticables à cause de la boue.

La « raspoutitsa » désigne, en ukrainien, un terrain tellement boueux que tout véhicule chenillé s’y enfonce jusqu’à ne plus pouvoir bouger. Or, un char statique est un char rapidement détruit.

La difficulté à opérer en terrain boueux est, d’ailleurs, la raison pour laquelle la ligne de front n’a pas subi de changements majeurs, au cours des dernières semaines, à l’exception, bien sûr, des batailles acharnées dans l’oblast de Kherson.

Les états-majors des deux camps en confrontation ont, donc, les yeux fixés sur le thermomètre, sourds aux déclarations fantasques de politiciens et pseudo-experts en mal de publicité.

Les déficits critiques

Moscou booste ses effectifs, avec l’adjonction des soldats récemment mobilisés et en cours de préparation au combat. Une rude leçon a été tirée des batailles qui se sont déroulés lors des mois écoulés.

Ce n’est pas avec quelques 200.000 hommes, même si renforcés par les volontaires des républiques séparatistes du Donbass, les Tchétchènes de Kadyrov et les mercenaires de Wagner, que les Russes peuvent mettre à genoux Kiev, tenue à bout de bras par l’Otan.

Les Ukrainiens, de leur côté, font l’inventaire de leurs stocks d’armes et de munitions, consommés plus vite sur la ligne de front que leurs alliés occidentaux ne peuvent leur en fournir.

Que la lassitude de l’opinion publique occidentale envers les envois d’armes et d’argent à l’Ukraine augmente aussi vite que se vident ses arsenaux et que baisse la température qui fait geler les sols, et ce sera le désastre assuré.

Par le feu et par la ruse

Les Russes appellent « Maskirovka » l’art de la ruse et de la tromperie à la guerre. Les Ukrainiens et leurs alliés occidentaux sont très bien placés pour en vérifier le bien-fondé dans la réalité des champs de bataille.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Samedi 12 Novembre 2022

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