Par Mustapha Sehimi
Mekki Zouaoui, acteur culturel de terrain, fortement impliqué à travers ses engagements dans des associations artistiques, a évoqué les phases qu'il a traversées depuis des décennies dans l'appréhension du patrimoine musical : son vécu, oui sans doute, mais surtout son "ressenti".
Ahmed Aydoun, docteur en économie de la culture et musicologue de renom, a traité spécifiquement des dimensions musicales et culturelles. Des innovations ont été introduites par de nouveaux genres musicaux ; des emprunts sont ainsi faits à la tradition et à sa substance ; des formes différentes de musicalité émergent et s'accentuent.
Elles sont plus instrumentales que vocales avec le phénomène Nass El Ghiwane. C'est là une école qui va marquer toute une génération : une tonalité ? Plus encore, un exutoire artistique face à telle ou telle forme de nihilisme répandu ailleurs...
Singularité et pluralité
Ce mouvement culturel a-t-il été un renouveau ? Pour le professeur Benmlih, historien, les décennies 60 et 70 ont été marquées par des mutations dans la sphère politique mais aussi et surtout culturelle. Des dynamiques étaient en marche dans ce domaine.
Ebouriffées peut-être, brouillonnes, elles n'étaient pas moins induites par une aspiration au changement, 1'appel du grand air après un certain huis clos - une respiration démocratique de liberté par et à travers la musique. Patrimoine musical, dit-on ?
Oui, les expressions musicales au Maroc dépassent la centaine, selon M. Aydoun qui a conduit des recherches. Il y a là une singularité mais en même temps une pluralité musicale.
Une chance mais peut-être aussi un handicap, un poids lourd à porter pouvant "décourager une action de véritable promotion et de valorisation du patrimoine musical". Que faire alors ? Préserver 1'immense répertoire de la tradition musicale - une exigence.
A laquelle se superpose une seconde : promouvoir la créativité. Ce qui implique d'œuvrer pour la naissance et le développement de nouvelles idées musicales en concordance avec le grand potentiel des jeunes. Un art moderne est à mettre en relief et à valoriser avec cependant une base de "ressourcement interne".
Si tel n'était pas le cas, alors la "modernité ne serait qu'un pur mimétisme". Il faut dans cette même ligne, veiller à préserver le répertoire ancien en se gardant de "son évolution vers seulement le divertissement et l'amusement des publics". Un risque qui n'est pas virtuel : tant s'en faut.
C'est qu'en effet, ses dépositaires se rarifient et pâtissent des insuffisances voire même des défaillances du système de transmission et de reproduction du style et du patrimoine musical. Réécouter donc ce patrimoine : voilà une ardente obligation des politiques publiques.
Mais comment ? Deux voies sont à retenir : soit s'inspirer des formules mélodiques et rythmiques et générer par delà le modèle existant ; une production nourrie par une bonne dose de créativité ; soit encore reprendre l'acquis dans une perspective d'amélioration de la qualité d'interprétation lyrique et instrumentale.
Tradition et renouveau : voilà les termes de référence à l'ordre du jour de la musique et plus largement du patrimoine musical au Maroc.
Question d'identité qui rythme la vie et le quotidien des Marocains. Les festivals, les moussems et autres manifestations ne sont de que l'une des expressions visibles de ce capital artistique et culturel.
C'est aussi un élan donné à l'ouverture du Maroc sur le monde avec des genres comme le rap. Les réseaux sociaux ont été investis par la musique et certains genres ; les plateformes confortent cette évolution technologique.
La musique se démocratise. L'univers numérique est devenu une scène à part, nationale et mondiale, de partage du contenu musical, avec des reprises ou des créations. Gnawa, chaâbi, musique berbère et andalouse.
Des styles différents auxquels il faut ajouter depuis les années 80 le phénomène "World Music" et le "mix" de la musique traditionnelle avec les rythmes rock, métal, blues, reggae, etc. Un patrimoine effervescent qui se vivifie avec une autre grammaire musicale...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid