Intitulé « Comment les Etats-Unis ont détruit Nord Stream » et publié le 8 février sur le blog de son auteur, l’article de Seymour Hersh est un gros pavé dans la mare de Washington.

Journaliste indépendant âgé de 85 ans, Hersh affirme dans son écrit que l’opération de sabotage du gazoduc, détruit dans la nuit du 26 au 27 septembre 2022, a été exécutée par des plongeurs en eau profonde de l’Us Navy.

Washington aurait fait appel à leurs services autant pour leur savoir-faire qu’en raison du fait qu’ils ne font pas partie des forces spéciales, et ne sont donc pas, comme ces derniers, dans l’obligation légale de tenir le Congrès de leurs activités secrètes à travers le monde.

Les plongeurs américains auraient bénéficié de l’appui de confrères de la marine militaire norvégienne, réputés pour leur expérience en matière d’exploration pétrolière et gazière en haute mer acquise le long de plusieurs décennies.

Les deux pays sont producteurs de gaz naturel et trouvent avantage, en effet, à l’arrêt du gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne, en passant par les fonds sous-marins de la Mer Baltique.

L’article en question a été largement ignoré par les médias de masse américains, qui avaient vainement tenté de faire croire que c’était la Russie qui avait détruit son propre gazoduc, se privant ainsi, volontairement, d’un levier de pression dans des négociations avec les pays d’Ue.

Les médias qui ont remis en cause le contenu de l’article reprochent à son auteur de s’appuyer sur une source anonyme dans le milieu glauque des services de renseignement.

Or, à moins de se condamner volontairement à une vie d’exil, comme l’ancien informaticien de la CIA et lanceur d’alerte, Edward Snowden, réfugié en Russie, aucun agent des services de renseignement américains n’est stupide au point de faire des révélations aussi explosives en public.

L’autre règle que semblent avoir oublié les confrères d’outre-Atlantique est qu’un journaliste digne de ce nom ne révèle jamais ses sources. C’est non seulement un grave manquement à l’éthique professionnelle, mais également l’assurance que plus aucun lanceur d’alerte n’oserait s’adresser à la presse.

La stature de l’auteur de l’article, Seymour Hersh, pose problème à la meute des pourfendeurs de tout ceux qui remettent en cause la narrative officielle, qu’ils s’empressent de marque au fer rouge du signe de l’infamie des temps modernes : l’accusation de complotisme.

En 1968, Hersh publie un article exposant un massacre perpétré par des soldats américains dans un village vietnamien, May Lai, qui lui vaut un prix Pulitzer décerné en 1970.

C’est également à lui que l’on doit les révélations sur les actes de torture commis par des soldats américains sur des prisonniers irakiens dans la devenue tristement célèbre prison d’Abou Ghraib.

Suite à ces divulgations sur les activités de la CIA sur le territoire même des Etats-Unis, le chef du contre-espionnage de la CIA a été forcé à la démission. Autant dire qu’il s’agit d’un multirécidiviste endurci.

Seymour Hersh a déjà été contesté pour avoir remis en question le récit officiel sur l’exécution de Ben Laden, mais son professionnalisme et sa crédibilité, démontrés en 63 ans de carrière, peuvent difficilement être mis en doute. Il ne s’agit pas de le croire sur parole, mais de prendre en considération les hypothèses avancées.

Le hic est que, jusqu’à présent, les autorités suédoises n’ont publié aucun détail de leur enquête à propos du sabotage du gazoduc Nord Stream.

Pas plus que les Allemands, dont les experts avouent, néanmoins, n’avoir aucune preuve d’un sabotage russe.

Au Bundestag, le parlement allemand, des voix commencent à s’élever pour réclamer que la lumière soit jetée sur cette sombre affaire. L’Allemagne est, en effet, la première victime de ce sabotage.