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Journal d’une psychiatre en Devenir




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Dr Inès DIOURI

Ma naïveté me jouait souvent des tours quant au délire de certains patients qui me racontaient leurs histoires plus rocambolesques les unes que les autres. 
 
Je tiens d’abord à préciser que cet article est un retour purement subjectif et qu’il ne reflète que le fruit de ma modeste expérience dans le domaine de la psychiatrie. Comme on dit dans notre langue « je vous raconte ça comme un conte », je vous laisse le soin de faire la traduction en darija.


Naissance de mon intérêt pour la psychiatrie : une graine qui a germé
 
Tout a commencé par les fameux cours en amphithéâtre, souvent connus pour leur effet soporifique sur les étudiants. Pour moi, c’était loin d’être le cas en ce qui concerne l’enseignement de psychiatrie. 

Cette matière a tout de suite suscité mon intérêt tant sur le fond que sur la forme de l’enseignement. 

La passion des enseignants était communicative, c’est d’ailleurs l’une des seules matières dont je me souviens avec autant de détails.

Il demeurait une grande question à laquelle je n’avais pas encore de réponse : allait-je être capable d’aimer la pratique en psychiatrie autant que son enseignement théorique ? 

Serait-je capable d’affronter tant de souffrance, moi qui me considère comme étant une personne « sensible » ?

Premier contact avec la psychiatrie : entre anxiété et excitation

Le moment du premier stage de psychiatrie est enfin arrivé, je suis affectée à l’hôpital Bouafi de Casablanca où on hospitalise que les hommes. 

L’hospitalisation des femmes a été remplacée par le placement des patients de « Bouya Omar » à la suite de sa fermeture, qui est un exploit en soi. 

Je me disais tout de même que c'est comme « déshabiller Pierre pour habiller Jean » ou plutôt, pour l’adapter à notre contexte, « déshabiller Karima pour habiller Omar ».

Je me souviens du premier jour de stage, l’encadrante nous a demandé qui était intéressé par cette spécialité. Nous étions deux à nous manifester timidement. Finalement malgré mes appréhensions le stage s'est bien passé, même si ma naïveté me jouait souvent des tours quant au délire de certains patients qui me racontaient leurs histoires plus rocambolesques les unes que les autres. 

J’ai consolidé cela en faisant un second stage l’année d’après à Kénitra, ma ville natale.

Arrivée en 7e année, c’est le moment de choisir un sujet de thèse.

Je décide alors de continuer à approfondir mes connaissances en psychiatrie et choisis de travailler sur « La prescription de médicaments psychotropes par les médecins spécialistes non psychiatre » avec mon encadrante et mon mentor : Pr Benjelloun Roukaya. 

Mon travail de thèse m’a valu les félicitations du jury ainsi qu’un droit à la publication. J’étais enfin décidée, je voulais devenir psychiatre.

Le résidanat en psychiatrie : l’apogée

Après avoir tenté à 2 reprises le concours d’internat sans succès, je m’apprête à passer le concours de résidanat. C’est la course contre la montre, je viens tout juste de soutenir ma thèse et je n’ai qu’un mois pour passer non pas 1 mais 2 concours : celui du CHU Ibn Rochd et celui du CHU Cheikh Khalifa qui allait se dérouler à seulement 2 semaines d’intervalle. 

Une chose est sûre, je souhaite rester dans mon pays. 

La tension est palpable, je commence à être à bout de nerfs mais je ne lâche rien. Finalement je décroche mon post de psychiatrie bénévole au CHU Cheikh Khalifa, et je me dis que mes efforts depuis toutes ces années n’étaient pas vains. Le choix de spécialité a été fait comme une évidence pour moi. 

Il a fallu immédiatement affronter le regard des autres. Malheureusement la psychiatrie est souvent stigmatisée, même au sein du corps médical. Les réactions étaient souvent réticentes quand je partageais mon choix de spécialité, mais j’ai eu le privilège d’avoir une famille et des proches qui n’ont fait que me soutenir et m’encourager dans mes choix.

Je débute enfin mon cursus de spécialité et j’ai la chance de pouvoir faire un stage dans l’incontournable « Centre Psychiatrique Universitaire « ou « Pavillon 36 » « l’hôpital des fous » dans la mémoire collective de tous les marocains. 

Une déflagration de stress m'envahit, entre le staff, le service, les gardes aux urgences, j’ai encore une fois peur, est-ce que je vais y arriver ?

Je commence à essayer de prendre mes repères, le service est plutôt bien organisé et je m’intègre assez facilement, l’environnement est par ailleurs très féminin au sein de l’équipe soignante. 

J’ai le sentiment de « briser le mythe du 36 », je vois enfin les conditions d'hospitalisation mais aussi les conditions de travail qui ne sont pas toujours faciles. Mais une chose est sûre, tout le personnel fait de son mieux pour accomplir ses tâches et améliorer un tant soit peu les conditions. 

Je me rends encore une fois compte que les femmes ne disposent que de 20% de la capacité litière du service, contre 80% pour les hommes. 

S'en suit le début de mes gardes aux urgences psychiatriques. 

Une légère boule au ventre, mais je prends mon courage à deux mains. Attention, attachez vos ceintures, il faut faire face à plusieurs choses en même temps, pas tant sur le plan des pathologies psychiatriques au sens purement médical du terme, mais beaucoup plus la gestion du manque de places, la détresse des familles voire les rejets sociaux etc …

Toutes ces problématiques me rappellent à quel point il est important que je préserve ma propre santé mentale et que j’apprenne à allier ma vie personnelle et professionnelle en veillant à bien compartimenter l’une de l’autre, et tout cela dans l’optique d’être la plus efficace dans la prise en charge des patients.  

Mais ce n’est que le début, j’ai encore quelques années de formation pour développer ces compétences.
 
Aujourd'hui, je suis fière d’apporter mon infime pierre à l’édifice après ce parcours semé d'embûches.

La souffrance psychique est très dure à la fois à verbaliser et à comprendre. Elle n’est pas tangible. 
J'espère que cet article pourra sensibiliser certaines personnes à s’interroger sur la question et à s’entraider quant à notre santé mentale.

A suivre ……..

Rédigé par Dr Inès DIOURI 



Jeudi 15 Septembre 2022


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