« Si les partenaires tiennent parole et respectent les délais, une victoire inévitable nous attend », a déclaré le président Volodymyr Zelensky, un an, jour pour jour, après l’entrée des troupes russes sur le territoire de l’Ukraine.

Un optimisme qui est très loin d’être partagé par la Rand Corporation, un think-tank américain réputé proche du Pentagone.

Dans un rapport récemment publié, dont les médias occidentaux se sont fait peu l’écho, les experts de la Rand tiennent un tout autre discours.

Intitulé «  Eviter une longue guerre », les rédacteurs du rapport, Samuel Charap et Miranda Priebe, estiment que : « Les coûts et les risques d’une longue guerre en Ukraine sont significatifs et surpassent les bénéfices possibles de cette trajectoire pour les États-Unis ».

La situation conflictuelle en Europe orientale est donc passée d’une franche volonté des pays occidentaux, menés par les États-Unis, « d’affaiblir la Russie », à la crainte qu’un prolongement de la confrontation militaire en Ukraine ne débouche plutôt sur un affaiblissement des États-Unis.

Alors que l’Union européenne a décidé, à l’occasion du premier anniversaire du début des hostilités en Ukraine d’un 10ème paquet de sanctions contre la Russie, le monde entier constate que les précédentes sanctions, aussi radicales soient-elles, sont restées relativement sans effets sur la capacité de la Russie à mener la guerre.

Et pendant que le ministre de la défense ukrainien, Oleskii Reznikov, fanfaronne : « Nous frapperons plus fort et à de plus grandes distances, dans les airs, sur terre, en mer et dans le cyberespace. Il y aura notre contre-offensive », le site d’information turc « Hürsuda Haber » a publié un bilan des affrontements en Ukraine établi par le service de renseignement israélien, le Mossad.

Les chiffres sont parlants. 157.000 morts ukrainiens, contre 18.480 du côté russe, 244.000 blessés ukrainiens, contre 44.400 russes, 17.230 prisonniers détenus par l’armée russe, contre 323 détenus par l’armée ukrainienne, 6.320 véhicules blindés (chars, véhicules de combat d’infanterie et transporteurs de troupes) ukrainiens détruits, contre 889 côté russe.

Les dirigeants militaires américains, qui ne sont pas brillants comme le prouve la succession d’échecs en Irak et en Afghanistan, contre de simples groupes d’insurgés modestement armés et formés, ne sont pas stupides non plus.

L’armée ukrainienne n’a littéralement aucune chance d’emporter le conflit face à l’armée russe.

Autre source d’inquiétude potentielle des dirigeants militaires américains, un passage du récent discours du président russe Vladimir Poutine, ou il traite de l’appui militaire qu’apportent les pays de l’Otan à l’Ukraine
« Cela signifie qu’ils (Ndlr : les pays de l’Otan) prévoient d’en finir avec nous une fois pour toutes. En d’autres termes, ils prévoient de transformer un conflit local en une confrontation mondiale. C’est ainsi que nous le comprenons et nous répondrons en conséquence, car cela représente une menace existentielle pour notre pays ».

La signification de « menace existentielle » est évidente. Le Kremlin est prêt à aller jusqu’au bout pour arracher une victoire militaire, la défaite n’étant pas du tout une option, puisque synonyme de disparition.

Le problème est que cette guerre d’Ukraine est aussi devenue existentielle pour les États-Unis, alors qu’initialement les stratèges de Washington prévoyaient que ses conséquences, autant militaires qu’économiques, devaient rester confinées à la seule vieille Europe.

Les sanctions prises contre la Russie ont non seulement largement échouées, mais elles ont également eu un effet pervers imprévu, l’amorce d’une dé-dollarisation de l’économie mondiale. L’Arabie saoudite a d’ores et déjà décidé de vendre son pétrole à la Chine en Yuan.

Doucement, mais sûrement, le pétrodollar cède la place au pétroyuan.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et la conférence de Bretton Woods, en 1944, les États-Unis ont amplement bénéficié du « privilège exorbitant » du dollar, selon l’expression du Général De Gaulle.

Comment Washington pourra-t-elle supporter le poids d’une dette de plus de 31.000 milliards de dollars si la monnaie verte perd son statut de principale monnaie d’échange du commerce international ?

Un « stress psychique » taraude les dirigeants des pays de l’Otan, estime l’ancien diplomate et espion britannique, Alaster Crooke, du fait qu’ils peinent à avouer à leurs opinions publiques que le fameux «  l’Ukraine est en train de gagner, la défaite de la Russie est proche » n’était rien de plus qu’une bravade.

D’où la conclusion essentielle du rapport de la Rand corporation sur la guerre en Ukraine : « puisque éviter une longue guerre constitue la priorité la plus élevée, derrière la minimisation des risques d’escalade, les États-Unis devraient plus rapidement mener des actions mettant fin au conflit à moyen terme ».

Le monde entier, victime collatérale de la guerre d’Ukraine à travers l’explosion de l’inflation, partage sûrement cet espoir de la Rand.

Il n’est, toutefois, pas certain que les néoconservateurs qui hantent la maison blanche parviennent à admettre la victoire de la Russie, qui signifie une défaite pour les États-Unis.

Quand deux puissances nucléaires en viennent à une confrontation considérée comme existentielle par les deux parties, le bouton de l’apocalypse n’est plus bien loin.