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Par Souad Mekkaoui
Sommes-nous tous égaux devant la loi ? Existe-t-il des zones de non-droit ? Que s’est-il donc passé pour que les trois accusés aient pu -on ne sait par quel « mystère » – bénéficier de conditions atténuantes, dans une lourde affaire, qui sous d’autres cieux aurait coûté aux violeurs jusqu’à vingt ans de prison ? Ceux qui ont rendu ce verdict avec une légèreté exaspérante n’ont-ils pas d’enfants ? C’est scandaleux !
Comment est-ce possible que des énergumènes sans cœur puissent vivre en liberté après des atrocités perpétrées sur une enfant ? Crier, dénoncer, s’indigner c’est bien -et on ne fait que cela-, mais est-ce suffisant pour limiter les dégâts puisque les éviter relève de la chimère ? Sommes-nous en train de piétiner toutes nos mœurs et nos valeurs morales et humaines pour vivre dans une jungle ? N’est-ce pas un crime odieux qui remet en cause la question de la protection des mineurs ?
Quel crime a donc commis cette fillette qui se trouve mère à l’âge de 12 ans alors qu’elle doit être à l’école ? Pourquoi maquiller le VIOL avéré en « détournement de mineure » et « attentat à la pudeur avec violence» ?
Faut-il rappeler que selon l’article 486 du Code pénal, les affaires de viols, commis sur la personne d’une mineure de moins de dix-huit ans, sont punies de la réclusion de dix à vingt ans ? Faut-il rappeler que l’article 488 du Code pénal prévoit de 20 à 30 de réclusion lorsqu’il y a eu défloration ? Doit-on rappeler que les violeurs ont menacé, à chaque fois, la victime à l’arme blanche, ce qui constitue un fait aggravant, en principe ? Quel miracle a-t-il donc dissous toutes ces années ?
Quand le jugement devient un crime contre l’enfance
Violer un petit être dans le déni absolu de sa détresse physique et psychologique est un drame humain, un crime contre l’humanité. En conséquence, le châtiment doit être de taille afin de donner à réfléchir et servir d’exemple quand bien même ce ne serait jamais assez pour compenser le mal qui a été fait. Au lieu de cela, le bourreau devient « victime d’un mal psychologique » et on tait le grand tort commis à l’encontre de la vraie victime.
Si les bourreaux ont « tuée » dans l’âme et sans scrupules, la petite Sanae, plusieurs fois, en la violant sauvagement pour assouvir un vice et un besoin bestial, sans aucun égard pour l’enfant inoffensive dont ils ont abusé, profitant de l’absence de ses parents, la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Rabat a asséné le coup de massue à la fillette – et à toutes les victimes de viol- qui a dû vivre le calvaire pendant plusieurs mois et qui devra vivre la peur dans le ventre en craignant les représailles.
Avec ce verdict, les magistrats ont-ils vraiment mesuré la gravité de ce crime odieux, inqualifiable qui nous laisse écœurés, révoltés et enragés ? Le juge a-t-il oublié qu’il prononce son verdict qui doit être JUSTE au nom de Sa Majesté le Roi ?
Comment a-t-il omis qu’en 2013, lors de la 10e édition du Congrès national des droits de l’Enfant, Sa Majesté le Roi a mis en évidence « la première richesse du Maroc, à savoir ses enfants, les bons citoyens de demain et ses ressources humaines formées et qualifiées » ?
« Nous Nous félicitons de l’approche réaliste qui a présidé à votre action depuis la création de l’Observatoire National des Droits de l’Enfant, sous la présidence de Notre sœur, Son Altesse Royale la Princesse Lalla Meryem. Vouée aux questions de l’enfance, cette institution nationale, au sein de laquelle se conjuguent les efforts des différents départements concernés et de la société civile, est à même, Nous en sommes convaincu, de relever les défis. » avait souligné Sa Majesté.
Aujourd’hui donc, il est du devoir du Ministre de la Justice d’intervenir afin de rendre justice à la fillette et à son enfant et réparer le tort.
Ce drame humain n’est pas un cas unique et le fait d’en parler comme un simple fait divers, alors qu’il n’en est pas un, est une autre injustice inadmissible. Le viol sévit sous nos cieux nous mettant face à notre impuissance, notre dégoût et notre rage que l’injustice accentue donnant libre cours à un mépris sociétal qui risque de tout dévaster sur son chemin.
Aussi est-il de notre devoir à toutes et à tous de dénoncer et de condamner cette injustice parce que nous sommes tous concernés, d’autant plus que conformément aux Hautes Orientations de S.M le Roi Mohammed VI, tout le monde est responsable de la protection de l’enfance : « Nous invitons tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse du gouvernement, d’organismes publics, de collectivités locales, de société civile, de secteur privé ou de médias, à faire preuve d’une mobilisation et d’une coordination accrues, pour améliorer la situation de l’enfance ».
« Il leur appartient de mobiliser tous les moyens nécessaires pour en assurer la mise en œuvre et prodiguer à l’enfant une éducation qui favorise son développement et son épanouissement, et le rende apte à se prendre en charge, à contribuer à l’édification de sa société et à se réaliser pleinement comme citoyen à part entière ».
Or on assiste à une injustice qui ne dit pas son nom à l’égard de cette fillette qui porte le visage de tous les enfants victimes de viols et d’agressions. Comment peut-on attendre de cette enfant qu’elle soit une citoyenne à part entière si on l’a amputée de son enfance, de son innocence et de son insouciance ? Comment doit-elle porter « ça » tous les jours ?
Comment peut-on imaginer la vie de cette fillette dont l’enfance a été violée ? Quel sera son destin que des monstres inhumains, censés représenter pour leurs enfants la sécurité et la protection, ont brisé à tout jamais ? Quel avenir attend ce bébé qui n’a pas choisi de venir dans ce bas monde dans de telles circonstances ? Peut-on juste se mettre à leur place pour comprendre ce qu’ils auront à vivre tous les jours ?
En somme, on aura une « femme » qui devra vivre toute sa vie avec une plaie ouverte et qui prendra en haine une société qu’on ouvre à tous les vents, avec sur les bras, un enfant sans identité et sans ancrage. Heureusement, que des âmes charitables comme Miriam Othmani, présidente de l’Association Insaf ait pris en charge la petite pour l’arracher un tant soit peu à la férocité d’un monde difficile à apprivoiser quand la pauvreté et l’analphabétisme s’associent.
Sa Majesté le Roi est animé par une volonté infaillible qui se traduit sur le terrain par des actions menées inlassablement en faveur de l’enfance et donne ses instructions afin que le Maroc soit un modèle en matière de protection des droits de l’enfant. Comment ose-t-on alors essuyer d’un revers de main tous ces efforts déployés ?
Qu’en est-il des journées de lutte contre la violence et des campagnes de sensibilisation contre le viol ? Comment la justice peut-elle être injuste à ce point ?
Est-il besoin de rappeler à quel point le viol, notamment de mineurs, est devenu un fléau dans notre pays ? Il est temps de revoir nos textes et nos lois. Les enfants doivent être en sécurité dans un monde de plus en plus immonde. Aussi une protection juridique adaptée s’impose-t-elle urgemment.
Autrement, si l’impunité perdure, cela n’engendrera que de l’anarchie, les viols procréeront et les criminels continueront à endosser, crânement, leurs crimes odieux défiant en cela l’Autorité. Une loi citoyenne pour une juste condamnation sociétale et judiciaire des violences sexuelles est nécessaire dans un Maroc qui ne souffrirait plus aucune indulgence ni complaisance dans ce genre d’affaires.
Sinon, disons-le, l’horreur est à nos portes et l’impunité ouvre tous les accès aux délits sexuels.
Rédigé par Souad Mekkaoui sur Maroc Diplomatique