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1/ Le communiqué du cabinet royal. Le texte nous apprend que c’est par lettre que le roi Mohammed VI a été informé par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou de la décision de reconnaître la souveraineté marocaine sur son Sahara. Nous apprenons également qu’un consulat devrait être ouvert à Dakhla, mais pas d’affirmation claire à ce sujet, et que cette décision est une décision d’Etat et non de gouvernement.
Mais la concision du communiqué royal, contrairement à celui du 10 décembre 2020 (six fois plus long), peut conduire à penser que le Maroc, qui savait qu’une telle décision devait et allait être prise un jour ou l’autre, ne s’attendait sans doute pas à ce timing.
2/ Les effets de cette reconnaissance. Israël est le second Etat occidental d’importance qui reconnaît la marocanité de ce territoire universellement appelé « Sahara occidental », s’ajoutant ainsi aux dizaines d’autres pays ayant adopté la même position et dont une trentaine ont ouvert une représentation consulaire à Laâyoune ou Dakhla.
Cet acte est d’autant plus important si l’on considère l’aura d’Israël et son influence sur les opinions publiques occidentales, et donc sur leurs chancelleries, malgré ses dérapages et dérives dans sa gestion brutale et illégale de la question palestinienne.
La décision israélienne pourrait ainsi conférer plus de poids à l’argumentation de Rabat dans la défense de son intégrité territoriale.
3/ La préparation de la reconnaissance d’Israël. Il semblerait que cette décision soit davantage une décision dictée par la politique intérieure de l’Israël de Benyamin Netanyahou qu’un acte exclusivement diplomatique, soigneusement concerté avec le Maroc.
Le Premier ministre, confronté à de sérieuses difficultés internes, peut vouloir s’appuyer sur la très forte communauté israélienne d’origine marocaine, traditionnellement ancrée à droite et forte de plusieurs centaines de milliers d’âmes. Benyamin Netanyahou est connu pour ses décisions unilatérales qui surprennent même ses plus proches alliés.
Aujourd’hui et depuis son retour au pouvoir fin 2022, Benyamin Netanyahou est singulièrement affaibli, en interne avec sa réforme judiciaire largement réfutée par son opinion publique, et à l’étranger aussi ; il entretient en effet des relations particulièrement tendues avec Joe Biden, distantes avec les Européens, froides avec l’ensemble des dirigeants arabes, même ceux qui ont conclu – avec lui – les Accords d’Abraham ; quant aux autres dirigeants du monde, ils l’évitent...
Sans doute le premier ministre israélien pensait-il qu’avec cette reconnaissance du Sahara comme territoire marocain, il allait se rapprocher de Rabat et plaire aux amis du royaume. Rien n’est moins sûr, surtout que cette reconnaissance est présentée comme une « décision...d’Etat », ce qui signifie que quand Netanyahou partira, la décision lui survivra, et qu’il n’y aura pas le même suspense qu’avec Washington avec l’arrivée de Joe Biden en 2021.
Il est en liaison constante et permanente tant avec l’Autorité palestinienne qu’avec le Hamas, donc le chef Ismaël Haniyeh étant en déplacement au Maroc en juillet 2021, à quelques semaines de la visite de Yair Lapid, l’alors ministre des Affaires étrangères d’Israël.
Le Maroc a par ailleurs besoin de sa relation stratégique, militaire et économique, avec Israël, mais son histoire et sa tradition diplomatique ne peuvent l’éloigner de la question palestinienne.
L’opinion marocaine sait cette complexité, et le roi Mohammed VI réussit à gérer cet antagonisme, même apparent, avec succès. D’où, sans doute, la réaction fort modérée de la partie marocaine à la décision d’Israël de reconnaître la marocanité du Sahara. Rabat joue la montre.
5/ Les suites diplomatiques à prévoir. Cette reconnaissance est une confirmation et une consolidation de l’Accord tripartite du 22 décembre 2020 et une affirmation plus robuste de l’axe Tel Aviv-Rabat-Washington, mais elle aura des conséquences en Europe eu égard à l’influence israélienne sur le Vieux Continent, en dépit des critiques dont il fait l’objet aujourd’hui en raison de la brutalité et de l’extrémisme de son gouvernement actuel.
Les regards se porteront, bien évidemment, sur la France, où des voix commencent déjà à s’élever pour inviter le président Macron à reconsidérer sa position sur le Sahara.
La pression s’exercera d’autant plus sur le chef de l’Etat français que sa « politique algérienne » semble échouer.
La position de la France est importante car de cette position dépend celle de l’Europe, tant en multilatéral qu’en bilatéral. L’idée que « la France a la main sur le Maroc » a fait son chemin et rien ne se fera eu Europe si Paris ne change pas sa position. On peut donc prévoir une pression encore plus forte qu’elle ne l’est déjà de Rabat sur Paris. Bien plus forte.
Quant à notre voisinage de l’est, il se contentera d’agir à son habitude, c’est-à-dire à proclamer urbi et orbi qu’il n’est pas concerné par ce conflit, tout en déversant un torrent de haine contre le Maroc et Israël, et en ouvrant encore plus sa manne financière pour rassembler le plus d’Etats possibles contre le Maroc.
Mais la dernière sortie d’Abdelmajid Tebboune à Moscou et ses déclarations irréfléchies et insensées face à Vladimir Poutine sur l’euro, le dollar les BRICS et l’Ukraine, devront avoir de lourdes conséquences.
Pour l’instant, et comme Marocains, nous ne pouvons que nous réjouir de cette reconnaissance israélienne de la marocanité du Sahara, confortant encore plus le royaume dans sa légitimité et soulignant davantage l’efficacité et la nature long-termiste de sa diplomatie.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost