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Ressources humaines : le PLF 2025 manque-t-il de vision à long terme ?

Analyse, 5 questions de l'opposition et 5 questions de la majorité


Rédigé par le Mercredi 23 Octobre 2024

Le PLF 2025 prévoit la création de 36 000 nouveaux postes dans la fonction publique marocaine, principalement dans des secteurs critiques comme la santé, l'éducation et la justice. Cependant, cette politique de recrutement, bien qu'importante, semble répondre uniquement à des besoins immédiats sans véritable vision à long terme. Il est crucial de s’interroger sur la capacité de cette stratégie à répondre aux défis structurels et à garantir une administration publique moderne et efficiente.



Administration publique : vers un simple remplacement des effectifs

Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2025 propose la création de 36 000 nouveaux postes dans l’administration publique, mettant en avant une approche visant à moderniser et renforcer les effectifs dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé, et la justice. Cependant, en prenant un angle critique et en tenant compte des défis persistants, on peut se demander si ces mesures sont réellement suffisantes pour répondre aux besoins structurels de l’administration marocaine.

Bien que la création de 36 000 postes soit une avancée notable, elle semble avant tout être une réponse à des besoins immédiats plutôt qu’à une stratégie de long terme. Le ministère de l’Éducation, par exemple, recevra environ 12 000 nouveaux enseignants, mais cela ne fait que compenser les 7 000 départs à la retraite attendus cette année. Dans d'autres secteurs, tels que la santé et la justice, les nouveaux postes visent également à combler des vides laissés par des départs à la retraite. Cette gestion de l’effectif ressemble davantage à une course pour maintenir le statu quo qu’à un véritable effort pour anticiper les futurs besoins démographiques et sociétaux.

En réalité, la planification à long terme est essentielle pour éviter de recruter simplement pour combler des manques ponctuels. Par exemple, dans le secteur de l’éducation, une approche plus audacieuse visant à réduire les ratios élèves/enseignant, améliorer la qualité des infrastructures scolaires, et promouvoir la formation continue des enseignants serait bien plus transformative que de se concentrer uniquement sur le recrutement.

Le PLF 2025 met en évidence les 15 000 départs à la retraite prévus d’ici la fin de l’année, soulignant ainsi la nécessité de renouveler les effectifs. Cependant, ce renouvellement pourrait être perçu comme une occasion manquée d'introduire de nouvelles idées et méthodes de gestion publique. Plutôt que de se contenter de remplacer les fonctionnaires partants par de nouveaux, une véritable refonte de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique serait nécessaire pour optimiser les performances des équipes en place.

Cela pourrait inclure des réformes dans la mobilité interne, la formation continue, et l’introduction de nouvelles compétences liées à la digitalisation des services publics. Cette approche garantirait que le personnel recruté soit en phase avec les besoins d'une administration moderne, prête à relever les défis d'une société marocaine en pleine mutation.

Le PLF 2025 met l’accent sur la rationalisation des concours, en modulant les ouvertures de postes en fonction des priorités du gouvernement. Si la maîtrise des coûts est évidemment nécessaire, cette approche pourrait cependant être trop restrictive et risquer d’entraver la flexibilité de l’administration publique à répondre aux besoins urgents, notamment dans les régions rurales et enclavées. Le ministère de la Santé, par exemple, créera 8 000 nouveaux postes, mais cela reste insuffisant pour combler les 3 000 départs dans un secteur déjà en souffrance, notamment dans les zones reculées.

L’accent mis par le PLF sur la maîtrise de la masse salariale reflète une volonté d’éviter l’envolée des dépenses publiques. Pourtant, ce souci de rationalisation budgétaire pourrait freiner l'ambition d’améliorer les services publics. À vouloir trop limiter la croissance de la masse salariale, l’État risque de ne pas allouer suffisamment de ressources aux secteurs critiques comme la santé ou la justice, où des recrutements massifs sont nécessaires pour maintenir un service de qualité.
Le recours à des experts externes via des appels à candidature spécifiques, bien qu'il soit présenté comme un outil d’optimisation, risque également de créer une administration à deux vitesses, où les experts externes, souvent mieux rémunérés, prennent le pas sur des fonctionnaires de carrière. Cela pourrait nuire à la cohésion interne et à l’efficacité à long terme des services publics.

Si le PLF 2025 marque une avancée en matière de gestion des ressources humaines, il semble prioriser des mesures à court terme et privilégier la rationalisation budgétaire aux dépens d'une approche globale et ambitieuse de modernisation de l’administration publique. Les défis actuels du secteur public marocain nécessitent une réponse plus audacieuse, avec une révision en profondeur des processus de recrutement, de formation, et de gestion des ressources humaines, plutôt qu’un simple remplacement des postes vacants.

Si j'étais parlementaire de l'opposition, j'aurai posé ces 5 questions à Madame la Ministre des finances

  1. Madame la Ministre, bien que 36 000 nouveaux postes soient prévus, ne pensez-vous pas que cette mesure est davantage une réponse à des besoins ponctuels, comme les départs à la retraite, plutôt qu'une réelle stratégie à long terme pour moderniser l'administration publique ?
  2. Le PLF 2025 semble se concentrer sur la rationalisation des recrutements. Cette approche ne risque-t-elle pas de freiner les besoins urgents dans des secteurs critiques comme la santé, en particulier dans les zones rurales où le manque de personnel est criant ?
  3. Avec 15 000 départs à la retraite d’ici la fin de l’année, comment justifiez-vous l’absence d’une réforme structurelle de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique pour introduire des nouvelles compétences et moderniser l’administration, au lieu de simplement remplacer les fonctionnaires partants ?
  4. La maîtrise de la masse salariale est un objectif louable, mais cela ne risque-t-il pas de limiter les investissements nécessaires dans des secteurs comme la santé et la justice, où des recrutements massifs sont cruciaux pour maintenir un service de qualité ?
  5. En introduisant des experts externes pour certaines missions, ne risquez-vous pas de créer une administration à deux vitesses, où ces experts mieux rémunérés prennent le pas sur les fonctionnaires de carrière, ce qui pourrait nuire à la cohésion interne et à l’efficacité à long terme des services publics ?

Si j'étais parlementaire de la majorité, j'aurai posé ces 5 questions à Madame la Ministre des finances

  1. Madame la Ministre, pouvez-vous nous expliquer comment la hausse de 18,47 % des recettes fiscales, tout en augmentant la pression fiscale, contribuera à financer des projets stratégiques essentiels pour le développement du pays, notamment dans les infrastructures et les services publics ?
  2. La politique fiscale du PLF 2025 prévoit une augmentation de l’impôt sur le revenu et sur les sociétés. Comment le gouvernement entend-il utiliser ces recettes supplémentaires pour soutenir les entreprises, en particulier les PME, et stimuler l’innovation et l’emploi dans le contexte post-pandémie ?
  3. L’augmentation de la TVA, bien que critiquée, vise à soutenir la consommation intérieure et les investissements publics. Quelles mesures d'accompagnement sont envisagées pour protéger les ménages à faibles revenus et atténuer les impacts sur leur pouvoir d'achat, afin de maintenir un équilibre entre relance économique et justice sociale ?
  4. La hausse des taxes sur les produits énergétiques et les tabacs semble nécessaire pour renforcer les capacités budgétaires de l’État. Pouvez-vous détailler comment cette augmentation s’inscrit dans une vision plus large de transition énergétique et de santé publique, et comment elle pourrait à long terme bénéficier aux citoyens marocains ?
  5. La politique protectionniste concernant les droits de douane, avec une hausse de 35,7 %, est un choix stratégique pour soutenir l’industrie locale. Comment cette stratégie s’intègre-t-elle dans la vision du gouvernement de renforcer la souveraineté économique du Maroc tout en attirant des investisseurs étrangers dans un environnement commercial mondialisé ?

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Mamoune ACHARKI
Journaliste junior passionné par l'écriture, la communication, les relations internationales et la... En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 23 Octobre 2024

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