A lire ou à écouter en podcast :
la construction du barrage …et nous n’aurons plus besoin d’aller mendier de l’argent à Washington, à Londres ou à Moscou ! »
Jamel Abdennacer
« le premier coup de pioche donné en 1859 pour
le percement du canal a été, en fait, le premier coup porté à l’indépendance de l’Egypte. »
Abdel Rahman El Rafei
Le 26 juillet 1956, le président Nasser en annonçait fièrement, dans une hystérie collective, la nationalisation quand les Anglais et les Américains avaient refusé de financer le haut barrage d’Assouan.
L’affront était lavé.
De l’autre côté M. Christian Pineau, devant l’Assemblée nationale, déclarait qu’on ne pouvait plus faire confiance à ce président « qui annonce une mesure juridique par un rire quasi hystérique ».
L’Egypte avait perdu tous ses droits au sein de la Compagnie, les prodigalités du khédive Ismaïl l’avaient amené à céder à l’Angleterre, en 1875, les 44 % des actions que détenait le gouvernement égyptien.
En 1956, la Compagnie universelle franco-anglaise est une vache à lait, elle dégageait 16 milliards de francs en 1955. L’État égyptien en percevait un seul milliard, en plus des 3 milliards d’impôts.
12 milliard devaient revenir aux actionnaires.
La nationalisation du Canal : la guerre
Plusieurs arguments, mélangeant intérêts et propagande sont avancés en France comme en Angleterre en faveur de la guerre :
Le plus clair est qu’on ne peut tolérer qu’ une voie d’eau internationale soit sous l’unique contrôle d’un « dictateur ». il s’agissait de 70 % du pétrole raffiné en Grande-Bretagne et 48 % en France qui transitaient par le canal.
Le 29 octobre 1956, suite aux accords sèvres, Israël envahit l'Est du canal, suivi par les Français et les Britanniques. Les Égyptiens sont battus militairement, les coalisés sont par la suite obligés de rembarquer sur décision des États-Unis et de l'Union soviétique le 22 décembre.
Je me suis permis ce long rappel pour souligner qu’un passage maritime aussi stratégique pouvait être à l’origine de grandes manœuvres financières, politiques et militaires.
C’est dire la gravité des choix devant le gouvernement Égyptien, un problème d’eau avec le barrage et des questions sur le passage maritime qui lui confère son intérêt stratégique et les 6 milliards de dollars par an. Dernièrement, le blocage pendant une semaine a posé de nouveau la question des routes alternatives.
Les alternatives Nord et Sud
L’échouage de l’Ever Given au milieu du canal de Suez a réveillé les stratèges de tout bord pour mettre sous lumière le spectre du blocage prolongé du canal . Le débat sur les routes alternatives reprend.
A court terme, l’alternative première serait de contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance, c’était la route reine avant le canal.
L'autre alternative, passe par l'Océan glacial arctique. C'est la proposition Russe qui dit réfléchir à la diversification des voies maritimes stratégiques.
L’alternative Iranienne
Un diplomate iranien avait affirmé que le corridor de transport international Nord-Sud (INSTC) pourrait servir d'alternative rentable et à faible risque au canal de Suez, obstrué ces derniers jours, causant des milliards de dollars de pertes quotidiennes. (Il s’agit d’un réseau multimodal de plus de 7.000 km de routes maritimes, ferroviaires et routières pour le transport de marchandises entre l'Inde, l'Iran, l'Afghanistan, l'Azerbaïdjan, la Russie, l'Asie centrale et l'Europe). Pour ses promoteurs on pourrait atteindre un délai de 20 jours, ce délai peut être attirant mais il comporte des risques évidents. La pacification de l’Afghanistan pourrait, à mon sens, rendre ce scénario plus plausible. Les Américains s’y attèlent, les Turques comme les Iraniens s’y mettent.
L’alternative Israélienne
Des responsables israéliens avaient mené des discussions aux Émirats pour établir un oléoduc entre l'Arabie saoudite et le port d'Eilat sur la mer Rouge. Israël dispose déjà d’un oléoduc reliant Eilat à Ashkelon sur la Méditerranée. Le Dubai Ports World Group avait signé des accords avec la société israélienne Deportwar pour la promotion du trafic commercial dans la région.
A mon sens, ces différentes solutions ne remplaceront pas totalement le canal de suez , ces démarches pourraient constituer une concurrence sérieuse mais partielle. On tendrait vers une diversification mais cela ne manquera pas d’influencer les manœuvres géopolitiques dans la région.
Dr Samir Belahsen