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Par Mustapha Sehimi
Participation massive mais... fraudes
Vingt-cinq partis se sont disputés 1e vote de quelque 1,8 million d'électeurs dans le premier scrutin du 13 mai, la participation électorale a été élevée, à hauteur de 71,8 % - un taux significatif de mobilisation citoyenne.
Le parti présidentiel a obtenu 80 sièges et ses alliés 36, soit 116 au-dessus de la majorité absolue (89). L'opposition, elle, n'a pu décrocher que 24 sièges dont 9 seulement pour le mouvement islamiste Tewassol, les autres répartis entre des petites formations et Sawab d'obédience nationaliste arabe.
Ce dernier a tiré profit d'une alliance avec le militant anti-esclavagiste, Biram Dah Abeid, classé deuxième qui avait réussi à obtenir 18,60 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle de 2019.
Dès la proclamation des résultats, le 13 mai dernier, les partis de l'opposition ont dénoncé des "fraudes énormes". Même une dizaine de partis de la majorité présidentielle ont mis en cause des "manquements et des faiblesses notoires dans le fonctionnement de la CENI (commission nationale électorale indépendante ».
Ce que conteste le président de cette institution, Dah Ould Abdeljalil, qui a salué" lui, la participation massive du peuple mauritanien dans le calme et la discipline..." en relevant cependant au passage" les difficultés énormes auxquelles elle a dû faire face dans la tenue de ce triple scrutin".
Les scrutins des 13 et 27 mai ont sans doute pour le président Ghazouani le goût de la victoire. Mais en même temps, il ne peut évacuer cette interrogation: celle de l'inconnu dans un avenir prévisible lié à l'élection présidentielle prévue en 2024.
C'est qu'en effet il doit faire face désormais à une opposition : elle conteste avec force les résultats électoraux ; et elle s'est totalement reformée autour de nouveaux profils.
Ses principaux challengers sont le mouvement islamiste Tewassol ainsi que le Sawab, dirigé par Abdesselam Ould Horma. Ce parti fait le procès du bilan du président El Ghazouani soldé par " la mauvaise gestion des richesses économiques du pays qu'elles soient piscicole, animale, minière, agricole ou la mauvaise gestion des richesses économiques autres".
Quant au parti Tewassol, i1 rêve toujours de victoire et d'application stricte de la loi islamique qui "créera la richesse et redonnera espoir au pays"…
Pacte social problématique
Cela dit, il vaut de noter cet acquis de ces scrutins des dernières semaines: celui d'un consensus sur leur organisation. Par ailleurs, au plan économique, un ralentissement est intervenu avec la pandémie de Covid- 19 en 2020-2021.
Aujourd'hui, la tendance est à la reprise due pour 1'essentiel à la bonne performance de la consommation et de l'investissement et du secteur tertiaire. Après 2020 (-0.9%) 2021, la croissance a rebondi à 2,4%.
En 2022, elle s'est encore redressée à hauteur de 5,2 %. Selon les prévisions de la Banque mondiale, la croissance économique pourrait atteindre 6,5% en 2023-2024.
Une tendance confortée par la prochaine mise en service du champ gazier Grand Tortue- Ahmeyin (GTA) ainsi que par 1'augmentation de la production de fer par la SNIM et de celle de l'or (extension de la mine de Tasiast).
Pour autant, l'inflation a été de 10% environ en 2022 et elle pèse sur le pouvoir d'achat des ménages. Ce qui a poussé le président El Ghezouani à mener un programme social ambitieux accompagné de distributions de vivres et d'argent aux catégories les plus démunies.
Le Chef de l'Etat bénéficiera d'un autre crédit en ce sens qu'il a été - comme général - 1'un des grands artisans de la lutte et de la réussite mauritanienne face au jihadisme.
Il dispose désormais d'un dispositif en vue du scrutin présidentiel de l'année prochaine : les élus de son parti à la tête des 13 conseils régionaux et de la majorité des municipalités avec ses alliés.
Le scrutin présidentiel a cependant une autre dimension : il polarise la compétition entre lui président sortant et un - ou des candidats - de l'opposition.
La démocratie y gagne aujourd'hui peut-être formellement mais le pacte social, lui, reste problématique...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid