Soufiane Hennani est un docteur-chercheur en Sciences de la santé à la faculté de Médecine et de pharmacie de l'Université Hassan II de Casablanca et militant actif pour le droit à la diversité sexuelle et la pluralité du genre au Maroc. En plus de ses recherches en santé, il a écrit et publié de nombreux articles mettant en lumière la situation des personnes LGBTQI+ au Maroc et dans d'autres pays. Son intérêt pour les questions liées aux identités Queer marocaines et aux masculinités l'a conduit à créer "Machi Rojoa" en 2020, une plateforme alternative pour repenser et interroger les différentes formes de masculinité au Maroc. Grâce à cette plateforme, il cherche à offrir un espace de discussion ouvert et inclusif pour permettre aux hommes marocains de réfléchir à leur masculinité et de se libérer des stéréotypes de genre toxiques qui ont longtemps été imposés par la société.
- Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Je m'appelle Soufiane Hennani. Je suis docteur chercheur en Sciences médicales, entrepreneur et podcasteur. Je suis le fondateur de la plateforme Machi rojola que j'ai créé en tant que citoyen et défenseur des droits humains pour promouvoir des masculinités positives au Maroc. Ces deux dernières années, je me consacré entièrement au sujet donc j'écris, je donne des ateliers et des conférences sur les masculinités.
- Comment avez-vous commencé votre carrière de podcasteurs
Les masculinités est un sujet auquel je réfléchis depuis mon enfance et mon adolescence. C'est parce que j'ai voulu parler des masculinités que j'ai créé le podcast et pas le contraire.
En Mars 2020, Pendant le premier confinement lié à la covid 19, je cherchais à être productif et créatif et l'idée de lancer un podcast sur les masculinités s'est vite imposée à moi. J'ai commencé en tant qu'amateur et après j'ai cherché à apprendre le processus de création d'un podcast professionnellement. Au début j'ai collaboré avec des professionnels et après je suis allé à Paris pour une formation professionnelle sur la création sonore.
Aujourd'hui il y a d'autres sujets qui me parlent et qui me font réfléchir et sur lesquels j'aimerais faire des podcasts aussi dans le futur.
- Comment préparez-vous vos entrevues et vos épisodes ?
Je choisis le sujet et puis j'identifie les invité.e.s, je me documente sur elles et eux et je les contacte. dès que j'ai leur accord, je commence à préparer les questions. J'enregistre et puis je passe à l'étape du montage que je fais en collaboration avec un ingénieur du son.
- Comment gérez-vous la production et la publication de votre podcast ?
La publication se fait par saison. Je suis à la troisième saison qui va être diffusé à partir du mois de février 2023. Mais pour les prochaines étapes je compte produire plus régulièrement et peut être même arriver à un épisode par semaine.
Je ne vous cache pas que personnellement je fonctionne au feeling. Et il y a des périodes où je ne produis rien. Je lis, j'écoute d'autres podcasts et je pense aux prochains prochains.
Même si certains followers me reprochent mon absence des fois, je ne publie que quand je suis satisfait à 100% du résultat.
- Comment engagez-vous votre public et développez-vous votre audience ?
Via les réseaux sociaux mais aussi en allant voir les gens. Surtout les jeunes.
Je vais souvent dans les associations, dans le écoles et les centres culturels pour parler aux jeunes.
J'essaie de rester en contact avec les gens qui s'intéressent au sujet sur les réseaux sociaux même si pour produire un épisode, je dois souvent m'éloigner des réseaux sociaux et penser en lisant un livre, en regardant un film ou en écoutant un podcast sur les masculinités.
J'ai aussi une stratégie digitale mais elle n'est basée ni sur le buzz ni sur l'achat des followers.
- Comment travaillez-vous avec vos invités pour garantir une entrevue cohérente et informative ?
J'essaie de faire parler leur cœur. Un sociologue qui travaille sur les masculinités c'est bien mais c'est encore mieux quand il se livre aux auditeurs et il leur parle à coeur ouvert. L'information sincère passe par cela. J'essaie de tisser un lien de confiance avec mes invitées et leur expliquer pourquoi je fais ça. Je pense que le podcast a ce don de faire passer une information sincère et engagée juste par le son et j'essaie d'en profiter.
- Comment décririez-vous votre style de podcasts et comment voulez-vous que votre travail impacte votre public cible ?
Engagé. C'est le mot. Macho Rojola est un podcast Engagé. Il y a un point de vue Tout en laissant aux invités la liberté de s'exprimer sur les sujets abordés. Je me positionne dans le podcast en disant aux auditeurs que je que je un homme positif qui lutte contre le patriarcat. Après à travers les conversations j'essaie de réfléchir et apprendre comme toute personne qui écoute.
Machi rojola est aussi un podcast indépendant, free et principalement en darija même si certains épisodes sont en français quand l'invité est francophone.
- Comment restez-vous inspiré et motivé pour continuer à produire des épisodes de qualité ?
C'est le fait de travailler sur un thème qui me passionne qui me permet de continuer. Je prends du recul de temps en temps. Je prends le temps de m'informer, de me ressourcer après je reviens.
C'est cette certitude de légitimité qui me permet de continuer.
Je suis persuadé que ce que je fais a et aura de l'impact sur les jeunes de mon pays et leur perception de ce que c'est qu'être un homme.
- Quand avez-vous créé votre page Instagram ? Et c'était quoi votre but au début ?
La page "Machi Rojola" sur Instagram est un des outils pour promouvoir le podcast et toutes les activités que je fais autour des masculinités. Je l'ai créé au lancement du podcast pour cibler un public plus large et d'une façon complément organique.
Aujourd'hui elle me permet d'échanger et même de débattre avec les femmes et les hommes qui me suivent.
- Vous êtes fondateur de la plateforme “Machi Rojola”, que souhaitez-vous transmettre à travers cette dernière ?
Créer un débat public sur ce qu'est qu'être un homme aujourd'hui au Maroc dans le but de promouvoir une masculinité capable de transformer les rapports de domination en rapport de solidarité.
- Selon vous, quel est le rôle et l’impact des réseaux sociaux et de la communication numérique dans le changement de mentalité ?
Je pense que les réseaux sociaux ont cette capacité à libérer la parole des jeunes et à la démocratiser. Ma parole s'est libérée d'abord sur les réseaux sociaux. Il y a aussi le fait qu'un livre, un film ou un podcast il faut plutôt aller vers eux alors que les réseaux sociaux viennent vers toi. Il joue un rôle primordial dans la promotion de la création quelque soit sa nature.
- Pouvez-vous expliquer aux lecteurs ce qu'est la masculinité positive ? Et pourquoi est-ce important ?
Une masculinité positive est une masculinité qui ne se sent pas supérieur aux autres genres ni aux autres expressions des masculinités. Elle est l'opposé de tout ce qu'on pense qu'être un homme aujourd'hui. Elle est solidaire, basée sur l'amour et la bienveillance envers les autres comme l'explique très bien la philosophe bell hooks.
Une masculinité positive est capable de transformer positivement les rapports entre les hommes et les femmes mais aussi entre les hommes.
- Comment elle diffère des stéréotypes de genre traditionnels associés à la masculinité ?
Si la masculinité toxique est basée sur la domination et elle s'inspire des fondamentaux patriarcaux, la masculinité positive est basée sur la solidarité et elle se veut égalitaire. Elle veut libérer les femmes de l'oppression masculine mais aussi les hommes des stéréotypes patriarcaux.
- Comment les hommes peuvent être des alliés pour promouvoir la masculinité positive et encourager les autres à en faire autant ?
En donnant un bon exemple. Je crois beaucoup à la représentativité et c'est pour cela que je pense que Machi Rojola pourrait contribuer au changement des mentalités.
Je pense qu'un père qui est capable d'exprimer ses émotions devant ses garçons et qui les laissent exprimer leurs émotions va forcément les aider à construire une masculinité positive. A être plus à l'aise dans l'expression de leur masculinité.
L'enfance joue un rôle important dans la construction d'une masculinité positive. Donc c'est surtout à la famille famille à l'école d'inculquer ces valeurs positives liées à la masculinité. Un professeure qui promouvoit une masculinité positive est capable
- Quels sont les défis auxquels les hommes sont confrontés lorsqu’ils cherchent à adopter une masculinité positive et comment peuvent-ils y faire face ?
Un homme qui s'identifie comme homme positif subit le regard patriarcal de la société. Beaucoup d'hommes me disent qu'ils ont du mal à défendre le féminisme dans les espaces des hommes. Aussi certains hommes pensent que les femmes préfèrent les hommes dominants.
Je pense que ces questions devraient être abordées de plus en plus dans la société pour lever le voile sur la méconnaissance et le manque de dialogue qui existent entre les femmes et les hommes et aussi pour que les hommes puissent parler ouvertement de leurs masculinités positives.
- Selon vous, comment la masculinité positive peut contribuer à l’égalité des sexes et à la promotion d’une société plus juste et équitable pour tous ?
Une masculinité positive est une masculinité qui prend sa part de responsabilité dans la construction d'une société égalitaire et je pense qu'un homme positif et responsable devrait être une personne qui utilise tous les privilèges qu'il a entant qu'homme pour lutter contre le patriarcat et toute forme d'injustice sociale.
La masculinité positive pourrait contribuer à l'égalité des sexes par la solidarité et l'alliance. Je m'explique : En plus de ne pas avoir des idées et des comportements sexistes qui oppressent les femmes, les hommes doivent être solidaire envers les femmes et toutes les catégories opprimées dans la société .
Salma LABTAR