Ce 6 janvier, cela faisait un an que le Capitole des États-Unis avait été attaqué et pris d’assaut par des centaines de partisans de Donald Trump. Il s’agissait d’une attaque sans précédent contre la démocratie américaine. Et pourtant, cela ne pourrait être que le début. Les prévisions d’un politologue canadien ne sont en tout cas pas très bonnes…
Dans une tribune dans le très sérieux journal canadien The Globe and Mail, Thomas Homer-Dixon, professeur de sciences politiques et directeur du Cascade Institute à l’Université Royal Roads en Colombie-Britannique, est plutôt pessimiste sur le futur de la démocratie aux États-Unis.
Une dictature d’ici 2030 ?
« D’ici 2025, la démocratie américaine pourrait s’effondrer, provoquant une instabilité politique intérieure extrême et des violences dans la société civile. En 2030, si ce n’est plus tôt, le pays pourrait être gouverné par un régime dictatorial d’extrême-droite », estime le professeur.
Il voit également d’un très mauvais œil une éventuelle réélection de Donald Trump à la tête du pays. Thomas Homer-Dixon qualifie l’ancien président de « boulet de démolition qui détruit la démocratie ».
La présidentielle de 2024 peut-elle tourner au scénario catastrophe ?
C'est l'inquiétude qui plane dans les milieux universitaires outre-Atlantique ces dernières semaines.
Des universitaires américains redoutent , par ailleurs , une nouvelle tentative de subversion du scrutin présidentiel par les républicains dans trois ans. Avec cette fois plus d'efficacité.
Et si la présidentielle de 2024 voyait la démocratie américaine s'effondrer ?
Dans un long éditorial publié dans le Washington Post fin septembre, l'historien néoconservateur Robert Kagan décrit avec force détails la manière dont pourrait dérailler le système politique américain.
Selon lui, deux menaces principales se profilent à l'horizon. Tout d'abord, sauf problème de santé, "Donald Trump sera le candidat républicain à la présidence en 2024". Ensuite, l'ex-président "et ses alliés républicains se préparent activement à assurer sa victoire par tous les moyens nécessaires". Le lit d'un potentiel nouveau "chaos" électoral.
Dans un billet publié une semaine plus tôt, le professeur spécialiste en droit électoral à l'Université de Californie Irvine, Richard Hasen, faisait part des mêmes préoccupations.
"Les États-Unis courent un risque sérieux que l'élection présidentielle de 2024 et d'autres élections américaines futures ne se déroulent pas de manière équitable et que les candidats à l'élection ne reflètent pas les choix libres faits par électeurs", a-t-il écrit, cité notamment dans le New York Times.
"A vrai dire, je n'ai jamais été aussi inquiet pour la santé de la démocratie américaine que je ne le suis actuellement. L'aile trumpiste du parti républicain a cherché à voler l'élection présidentielle en 2020, et il y a tout lieu de croire qu'elle sera encore mieux placée pour le faire en 2024", confie Richard Hasen, interrogé par L'Express.
L'envie de retour de Donald Trump ne semble en tout cas guère faire de doute.
"Nous ne sommes pas encore censés en parler (...) mais je pense que vous allez être heureux", avait-il lancé à un journaliste le questionnant sur cette éventualité le 11 septembre dernier. Donald Trump continue d'ailleurs d'écraser toute concurrence au sein du parti Grand Old Party (GOP). Selon un sondage Emerson publié début septembre, 67% des électeurs républicains lui apporteraient leur soutien en cas de primaire, loin devant le gouverneur de Floride Ron DeSantis (10%) et l'ancien vice-président Mike Pence (6%).
Pression sur les votes
Pour preuve, depuis le début de l'année, 19 Etats sous contrôle républicain ont voté pas moins de 33 lois visant à restreindre l'accès aux urnes, selon le Brennan Center for Justice
. Si ces mesures sont présentées comme devant garantir l'intégrité du scrutin, dans les faits, elles visent bien souvent à limiter la possibilité pour les minorités, historiquement favorables aux démocrates, d'exercer leur droit de vote.
En Géorgie, il est ainsi désormais interdit de distribuer de l'eau ou des collations aux électeurs faisant la queue devant les bureaux de vote. Une nouvelle règle dénoncée par les démocrates comme visant spécifiquement la communauté afro-américaine : les files d'attente étant plus fréquentes dans les zones où la population noire est importante, notamment en raison d'un nombre plus faible de bureaux de vote.
De la même manière, au Texas, les responsables électoraux s'exposent aussi maintenant à des poursuites pénales s'ils encouragent les électeurs à voter par correspondance (un mode de scrutin plébiscité par les démocrates).
"Il ne faut pas sous-estimer ces mesures, parce que quelques pourcentages de plus ou de moins dans certains États peuvent avoir un impact décisif sur le résultat final", souligne Omar Wasow, professeur assistant au département de politique du Pomona College. En Géorgie, Joe Biden ne s'était imposé en 2020 que de 12 000 voix.
Les craintes concernent aussi le bon déroulement du scrutin en lui-même. En cause, le remplacement des secrétaires d'Etat locaux - chargés entre autres de certifier les résultats des élections - par des fidèles de Donald Trump.
D'après l'agence Reuters, qui avait interrogé 15 candidats républicains à cette fonction en 2022, 10 d'entre eux mettent en doute le résultat du scrutin présidentiel de 2020. Manière de mettre la pression sur ceux qui sortent du rang, comme Brad Raffensperger en Géorgie, accusé de déloyauté pour avoir refusé de "trouver" 12 000 bulletins de vote au nom de Donald Trump lors du précédent scrutin.