L'ODJ Média




L’insoutenable hypocrisie sur les libertés individuelles


Oh certes, ce sujet a déjà été maintes fois évoqué, sans pourtant jamais avoir été résolu, mais il est si important qu’il importe d’y revenir avec récurrence et insistance. Quoi de plus inepte en effet qu’une loi qui interdit les amours, et quelle est cette personne qui peut se permettre de s’ériger en gardien de la vertu ? Pourquoi la loi a-t-elle été votée et par qui ? Et surtout, est-ce nécessaire de maintenir un texte qui, en plus d’être inapplicable, est liberticide et ridicule, ridiculement liberticide.



Écouter le podcast de cet article :


Par Aziz Boucetta

489 contre l’homosexualité, 490 contre les relations sexuelles entre adultes non mariés et 491 réprimant l’adultère. Ces articles, et essentiellement le 490, sont un vestige du protectorat puisque remontant à un texte de loi de 1953, reconduit après l’indépendance.

Cela fait donc 70 ans, trois quarts de siècle, que les Marocains n’ont pas le droit de s’aimer hors mariage. Pour un pays qui chante et loue sa modernité, on fait mieux.

Et aucun gouvernement parmi les dizaines qui se sont succédés depuis tout ce temps n’a eu l’idée, l’intérêt ou l’audace de considérer la profonde ineptie de ce texte, puis de la réparer.

Cela donne une idée sur la qualité de nos politiques, à travers le peu de cas qu’ils font des libertés individuelles et de l’existence des gens. Et la vie continue…

C’est l’été, les gens sont en relâche, en vacances et en vadrouille, en maraude et en mal d’amour. Les couples se font et se défont, les jeunes roucoulent et se tiennent par la main, au vu et au su de tous, tous qui savent pourtant que ces jeunes couples ne sont pas mariés, sans que cela ne les offusque le moins du monde.

Mais attention, les uns et les autres, moins nombreux certes qu’avant mais toujours assez nombreux, défendront avec la dernière énergie la « vertu » de la sœur, de la fille, de la cousine ou de la fille du quartier. Hypocrisie sociale.

Ces couples s’aiment et s’enlacent, essaiment un peu partout et s’embrassent, près de la maréchaussée qui a la délicatesse de regarder ailleurs, alors même qu’un délit advient sous ses yeux. Et heureusement qu’ils détournent les yeux, les policiers et gendarmes !

Mais alors, c’est l’hypocrisie de toute une société qui choisit d’avoir des lois qu’elle ne respecte pas, ou peu, ou parfois, ou quand il faut pour celles et ceux qui sont en porte-à-faux.

Au Maroc, les amours libres sont interdites, et les partis politiques s’en accommodent parfaitement. Si on lui parle d’abroger les aussi fameux qu’infâmes articles 489/490/491, le PJD hurle à la mort (de la société), l’Istiqlal montre son embarras (feint), le RNI s’en moque (comme de tout) et le PAM n’a pas le courage de ses opinions (comme d’habitude).

Seuls PPS et USFP ont des vues...progressistes sur la question, mais ils doivent progresser dans leur combat, organiser des conférences, sensibiliser l’opinion publique et prendre des risques, ce qui ne saurait être difficile vu qu’ils ne risquent électoralement pas grand-chose. Hypocrisie politique.
 

Un collectif d’intellectuels et d’acteurs de la société civile, dont l’islamologue Asma Lamrabet, le médecin Chafik Chraïbi, l'avocate Khadija Lamrani, Jalil Benabbés-Taarji ou Monique Elgrichi et d’autres, a décidé de monter au créneau et a contacté des oulémas qui ont répondu qu’au regard de la religion et de la Tradition, le débat est ouvert sur ces libertés individuelles ainsi que sur bien d’autres sujets.

Dans ses propositions de réformes des libertés fondamentales au Maroc, ce collectif multiplie les propositions et les réflexions ; il ne manque plus qu’une classe politique ouverte mais qui, bien funestement, reste aujourd’hui renfermée sur elle-même.

Revenons alors au PJD et à l’Istiqlal… leurs positions sont directement fondées sur le corpus religieux, vous savez, le haram et le halal, mais ces positions sont éminemment hypocrites, défendant publiquement ce que l’on ne pense pas en privé, pratiquant discrètement ce qu’on s’interdit ouvertement, tolérant allégrement ce que Dieu aurait prohibé.

Mais ledit corpus religieux interdit aussi l’hypocrisie, et il existe même une sourate du Coran, la 63ème, pour dénoncer vigoureusement les hypocrites. Alors comment faire pour éviter l’hypocrisie ? Deux solutions : interdire vraiment, réellement l’amour et les amours hors mariage, en plus de l’homosexualité, et il n’y a plus qu’à souhaiter bon courage au gouvernement insensé qui voudrait tracer, traquer et matraquer les centaines de milliers de couples qui fricotent et se bécotent ; ou alors, s’occuper d’autre chose que des alcôves des uns et des libidos des autres et se concentrer sur plus important. C’est aussi simple que cela, au risque de persister à vivre dans l’hypocrisie qui est la nôtre.

Et au passage, notons que la dépénalisation des relations hors-mariage apporterait un très sérieux coup de pouce au tourisme local, avec toutes ces chambres d’hôtel qui pourraient être occupées par de jeunes et moins jeunes couples en mal d’intimité. On ne leur opposera plus cette stupide demande de « l’acte de mariage », que l’on ne demande pourtant pas à deux personnes de même sexe allant dans une chambre d’hôtel…

Comment permettre tous les droits dans notre belle constitution et maintenir sous cloche des libertés aussi fondamentales que le droit de disposer de son corps ? Comment attendre d’une société qu’elle avance alors qu’on la prive de ses droits les plus élémentaires ? Pourquoi le Maroc persiste-t-il à vivre dans une hypocrisie sociale, politique, religieuse, intellectuelle qui bride tout espoir de développement ? Quand donc les politiques réagiront-ils, agiront-ils ?

Autant de questions encore sans réponse, sans même perspective de réponse. Il y a plus important, rétorquent les politiques. Soit, restons dans notre hypocrisie.

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost 



Jeudi 27 Juillet 2023


Dans la même rubrique :
< >

Vendredi 22 Novembre 2024 - 12:44 L’Occident et le fascisme d’un genre nouveau

Chroniqueurs invités | Lifestyle | Breaking news | Portfolio | Room | L'ODJ Podcasts - 8éme jour | Les dernières émissions de L'ODJ TV | Communiqué de presse | Santé & Bien être | Sport | Culture & Loisir | Conso & Environnement | Digital & Tech | Eco Business | Auto-moto | Musiczone | Chroniques Vidéo | Chroniques Radio R212 | Bookcase | L'ODJ Média | Last Conférences & Reportages



Bannière Lodj DJ

Avertissement : Les textes publiés sous l’appellation « Quartier libre » ou « Chroniqueurs invités » ou “Coup de cœur” ou "Communiqué de presse" doivent être conformes à toutes les exigences mentionnées ci-dessous.

1-L’objectif de l’ODJ est de d’offrir un espace d’expression libre aux internautes en général et des confrères invités (avec leurs accords) sur des sujets de leur choix, pourvu que les textes présentés soient conformes à la charte de l’ODJ.

2-Cet espace est modéré  par les membres de la rédaction de lodj.ma, qui conjointement assureront la publication des tribunes et leur conformité à la charte de l’ODJ

3-L’ensemble des écrits publiés dans cette rubrique relève de l’entière responsabilité de leur(s) auteur(s).la rédaction de lodj.ma ne saurait être tenue responsable du contenu de ces tribunes.

4-Nous n’accepterons pas de publier des propos ayant un contenu diffamatoire, menaçant, abusif, obscène, ou tout autre contenu qui pourrait transgresser la loi.

5-Tout propos raciste, sexiste, ou portant atteinte à quelqu’un à cause de sa religion, son origine, son genre ou son orientation sexuelle ne sera pas retenu pour publication et sera refusé.

Toute forme de plagiat est également à proscrire.

 










Rubrique à la Une

Publicité









Revue de presse


Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html