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Héritage au Maroc : entre dogme religieux et droits des femmes


Rédigé par le Samedi 8 Avril 2023

Les défenseurs des droits des femmes critiquent vivement le système successoral au Maroc, qui accorde aux femmes la moitié de l'héritage des hommes. Ce système, qui repose sur le ta'sib et la qiwâmah, suscite des interrogations et des débats dans le pays.



Le droit au Maroc est caractérisé par une hybridation entre les domaines de l'homme, de la religion et de l'ijtihad (effort de compréhension et d'interprétation), qui ont été adaptés et encadrés par le législateur.

Le système successoral de la propriété, l'héritage, est réglementé par des lois qui s'inspirent du rite malékite. Le droit musulman codifie les parts revenant aux héritiers dans le système successoral.

Selon les Oulamas, le texte coranique prévoit six parts obligatoires : la moitié, le quart, le huitième, le tiers, le sixième et les deux tiers. En pratique, cela implique que quinze hommes peuvent hériter alors que seulement dix femmes sont susceptibles d'hériter.

Le ta’sib, le hic

Au Maroc, l'héritage se fait selon la règle de l'agnation appelée "ta'sib". Cette règle stipule que les orphelines ou les ayants droits de sexe féminin qui n'ont pas de frère doivent partager leur héritage avec les parents masculins les plus proches du défunt.

En vertu de cette règle, le parent masculin qui reçoit une part de l'héritage doit assumer la responsabilité de prendre soin de sa mère, de son épouse, de ses sœurs, de ses nièces, etc.

Cependant, ce système successoral favorise les hommes les plus proches du défunt au détriment des femmes, qui sont souvent exclues de l'héritage. Toujours selon les Oulamas, dans la loi successorale, il n'y a pas de traitement inégal entre les héritiers.

L'homme hérite d'une part double de celle de la femme car il est censé en prendre soin, conformément au principe de la "qiwâmah" (c'est-à-dire la capacité et l'aptitude à prendre soin). En revanche, la femme n'est pas tenue de prendre soin d'autrui.

Ce principe organisationnel des relations entre hommes et femmes au sein de la famille et de la société, basé sur une hiérarchie et une économie présumées, est considéré comme intouchable. En fait, remettre en question ce principe est souvent considéré comme un blasphème.

Certaines personnes et associations estiment qu'il est crucial de réviser le Code de la famille de 2004 afin qu'il soit en conformité avec la Constitution de 2011 et les conventions internationales ratifiées par le Maroc.

Cependant, si la "qiwâmah" est l'explication du "ta'sib", pourquoi est-ce qu'elle est considérée comme une obligation morale alors que les règles successorales sont d'ordre juridique ?

Aucun fondement coranique

Si un certain ijtihad a été fait concernant les condamnations par lapidation, main coupée ou peine de mort, une question qui reste en suspens : pourquoi le volet de l’égalité des parts entre les genres bloque-t-il donc toujours ? Parce que selon les Oulamas, on ne peut pas autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce qu’il a autorisé.

Malgré cela, plusieurs militants pour les droits de la femme affirment que le ta'sib pose non seulement un problème d'inégalité, mais n'a également pas de fondement coranique, car il n'y a aucun verset dans le Coran qui prescrit qu'un oncle ou un parent mâle peut s'approprier les biens d'une famille qui n'a pas de fils.

Une réforme pour parer à l’injustice

Le droit successoral est une problématique complexe où des aspirations divergentes s'affrontent : d'un côté, certains défenseurs du statu quo qui souhaitent préserver des règles héritées du passé, et de l'autre, ceux qui espèrent une société plus moderne, évoluée, juste et équitable.

Pourquoi ne pas modifier le ta’sib en appliquant, comme pour le cas de la Tunisie, la technique du “radd”. Ceci peut représenter une grande avancée pour le Maroc.

Le principe du radd est mis en œuvre lorsque quelqu'un meurt sans laisser d'héritiers mâles directs. Dans ce cas, l'héritage est partagé entre ses filles, sans que les parents collatéraux agnatiques soient appelés à partager l'héritage.

Ceci permettrait de restreindre les différentes manières de contourner cette règle.

Il y a également une tendance dans la société à rejeter cette inégalité, ce qui se reflète dans des pratiques visant à éviter la loi en vigueur.

Il est nécessaire d'avoir une volonté politique pour apporter des changements. Malheureusement, personne n'ose aborder officiellement le sujet de l'héritage au Maroc, pourtant c'est un débat crucial qui peut avoir des conséquences sur l'avenir de la société.

Il est indispensable d'avoir une classe politique audacieuse, capable de proposer des lois, de les adopter et de changer les choses. Si l’égalité en matière d’héritage tarde à se concrétiser, c’est que la volonté politique n’y est pas.

Aujourd'hui, la question qui se pose est de savoir quelle réforme de l'héritage pourrait émerger de cette configuration idéologique.


Salma LABTAR





Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Samedi 8 Avril 2023

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