A lire ou à écouter en podcast :
Tout au long de ma carrière télévisuelle, j’ai eu à gérer le traitement d’informations relatives à l’Algérie. Nous abordions, alors, tout sujet concernant notre voisin, avec un souci de respect. Oui, nous considérions que les tensions politiques et diplomatiques, ou les sorties médiatiques violentes de organes de presse officiels, ne devaient pas impacter notre professionnalisme. Jamais l’insulte et la calomnie n’ont inspiré nos choix éditoriaux, jamais l’atteinte aux fondamentaux de l’Algérie n’a été au menu de nos rédactions.
La sortie récente de l’une des chaînes algériennes n’honore ni l’Algérie, ni les Algériens, et encore moins les journalistes algériens. Ces derniers, et j’en ai croisés dans mon parcours national et international dans les chaînes de télévision, sont reconnus pour leur professionnalisme. Plus que cela, ils m’ont toujours fait part de leur regret de voir leur pays adopter une attitude hostile vis-à-vis du Maroc. Leurs yeux brillaient à chaque fois que des perspectives communes étaient évoquées.
Des appels à une relance entre les deux pays, c’est le plus souvent, pour ne pas dire toujours, le Maroc qui en a pris l’initiative. Dans le sillage de ses Prédécesseurs, le Roi Mohammed VI a toujours placé l’Algérie au coeur de sa vision géostratégique. Plusieurs appels au dialogue, à l’ouverture des frontières, au traitement sans tabou de tous les sujets conflictuels, à l’élaboration d’une vision économique commune, ont été évoqués par le Souverain. Le dernier appel date du 6 novembre 2018. Il y a tendu la main de l’amitié et du bon voisinage à l’Algérie. En réponse, le Maroc n’a enregistré que des déclarations non officielles, alimentées par les mêmes réflexes d’il y a 30 ou 40 ans, visant à faire valoir la force militaire algérienne. Triste interprétation d’une démarche visionnaire qui place les intérêts des peuples au dessus de toute autre considération.
Quel dommage que nous en soyons encore là aujourd’hui ! Au moment où les enjeux économiques, sociaux et culturels de notre région n’ont jamais été aussi cruciaux, nos deux pays se tournent le dos. Nos peuples respectifs ne le comprennent pas, pour ne pas dire notre peuple commun ne le comprend pas.
Le Roi Mohammed VI a toujours exprimé l’espoir de tous les marocains pour qu’une nouvelle page soit ouverte avec son voisin naturel, l’Algérie. Oui les marocains aiment les algériens et voudraient tant le leur dire en face, sans les biais des discours officiels et des médias télécommandés. Oui nous aimons le franc parler des algériens, nous aimons leur humour, nous aimons quand ils nous appellent « Al khaoua », nous aimons quand ils chantent « Marsoul Alhob » et nous raffolons de leurs rythmes musicaux. Je garde un souvenir mémorable de la mobilisation des Marocains pour soutenir l’équipe algérienne de football, contre l’Egypte en 2009, pour une place en coupe du Monde. Avant le match, nous avions tendu le micro aux marocains dans toutes les régions du Royaume. Le résultat était sans concessions : pour tous les interviewés, l’Algérie qualifiée c’est équivalent au Maroc qualifié. Diffusé sur les antennes de Médi1TV, le reportage a fait le buzz tellement les expressions de bons sentiments se font rares entre les 2 pays. Après la victoire algérienne, des milliers de drapeaux des deux pays ont envahi les avenues des villes marocaines. Un véritable moment de bonheur partagé, que nous aurions souhaité plus fréquent.
Des sujets qui fâchent, ne nous voilons pas la face, il y en a. Il faudra qu’ils soient traités selon des priorités à définir d’un commun accord entre nos institutions respectives. En attendant, 2 principes pourraient être édictés.
Premier principe, le respect des fondamentaux de chaque Pays. Pour nous marocains, Notre Souverain est une ligne rouge à ne pas franchir. Un respect est du à Notre Chef d’Etat.
Deuxième principe, activer tout ce qui nous unit au lieu d’attiser les divisions. Il est vrai que vue du côté marocain, la persistance des officiels et des médias algériens à ternir de manière l’image du Maroc est absolument sidérante et incompréhensible. Quelle énergie déployée! Quels moyens financiers et humains mobilisés! Quel acharnement! Si les mêmes efforts avaient été injectés dans la coopération, nous aurions enregistré 2 à 3 points de croissance en plus dans les deux pays. Quel gâchis !
Peut-être devrions nous créer des espaces de débat entre marocains et algériens avec comme axe éditorial : comment construire un avenir commun ? Une démarche plus vertueuse que la regrettable imitation des guignols de l’info. Cela permettrait aux sociétés civiles et aux médias indépendants des deux pays de se parler et d’être enfin entendus.
Mostapha Mellouk
Membre fondateur de la Conférence Permanente de l’Audiovisuel en Méditerranée.
Ancien Dirigeant de Médi1TV / Aljazeera kids TV / 2M