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Par Aziz Boucetta
L’émigration marocaine ne peut donc être qualifiée de diaspora dans l’acceptation académique du terme mais elle constitue une réalité humaine très particulière, qui devrait être mieux étudiée, plus approfondie, au-delà des initiatives opportunistes à défaut d’être opportunes de certains acteurs de la société civile ou de la classe politique.
Ensuite, des chiffres qui devraient donner à réfléchir : la moyenne de l’émigration marocaine au cours des années allant de 1990 à 2020 serait de l’ordre de 50.000 personnes par an (ONU), et 78% des Marocains installés actuellement à l’étranger ont quitté le Maroc durant la période 2000-2018 et 24% d’entre eux depuis l’année 2015 (HCP, 2020) ! Une hémorragie de matière grise et de talents et, chez de nombreux MdM, un concentré d’amertume d’avoir dû s’en aller et de résignation pour l’avoir fait.
5 millions de personnes, ce sont des cadres, des professions libérales, des commerçants, des enseignants, des travailleurs, des chercheurs, des artisans... le cœur et le noyau de la richesse immatérielle et même matérielle de ce pays. Et pourtant, selon le classement effectué par l’Office international des migrations (OIM) sur l’ordre d’importance accordé aux migrants à travers les institutions qui leur sont consacrées, le Maroc a régressé : alors qu’ils avaient un ministère dédié, puis un ministère délégué, d’abord auprès du chef du gouvernement, ensuite du ministre des Affaires étrangères, avec le gouvernement actuel les MdM sont simplement rattachés à ce même ministère qui, lui, a d’autres préoccupations et priorités.
Le gouvernement Akhannouch abrite un ministère pour le tourisme, pour l’artisanat, pour les transporteurs, pour l’enseignement supérieur… mais pas pour 5 millions de nos ressortissants, 15% de la population totale, beaucoup de matière grise et près de 7% du PIB brut ! Insondable gouvernement.
Les MdM, en plus de leur omniprésence géographique et sectorielle et de l’influence qui va avec, transfèrent au...Maroc plus de 100 milliards de DH par an (et encore, seuls 42,3% transfèrent des fonds), mais ils n’ont même pas de représentation au parlement, bien que la com publique évoque souvent le concept de la 13ème région pour les désigner. Ne méritent-ils donc pas des élus, et même un ministère plein qui leur soit pleinement consacré, qui va à leur rencontre, qui prend en charge les questions qui leur sont liées, qui propose des textes et/ou amendements législatifs en leur faveur ? Parce que plus que les 100 milliards, bien plus, ils sont le cerveau et le cœur du Maroc dans le monde.
Des questions qui, hors des conférences et réunions convenues suite à toute parole du roi, restent encore sans réponse véritable. Voici ce qu’en dit le CESE (Avis de novembre 2022) : « Si la population marocaine émigrée compte de brillants succès, aux compétences de rang mondial dans de nombreux secteurs et plusieurs pays, elle comprend aussi de larges catégories vulnérables ». Or, nos autorités publiques ne s’appuient pas plus sur les « brillantes compétences » qu’elles ne soutiennent les « vulnérabilités ».
En cause, une multitude d’organismes et d’institutions qui s’enchevêtrent sans être déterminants, et une absence de déterminants effectifs pour répondre aux différents et nombreux problèmes qui se posent à notre communauté. A cet effet, l’Avis du CESE apporte des éclairages aussi édifiants que stupéfiants, sur la base d'un sondage : l’offre de soins de santé au Maroc est insatisfaisante (84,4%), les services administratifs aussi (71,2%), ainsi que les services judiciaires (65,8%), et même les services liés à l’investissement (59,7%). Et le même Avis propose des solutions, qui n’attendent que des lecteurs décideurs.
Si certaines timides avancées ont été enregistrées, beaucoup néanmoins reste à faire pour les MdM, tant pour l’aspect moral car ce sont d’abord des citoyens du pays, que le plan scientifique et économique car cette communauté est aussi riche en connaissances que pourvue en finances. Pour ce faire, et pour répondre aux questions royales du mois d’août, il suffit juste de lire, et de bien lire, lentement, l’Avis du CESE, qui devrait être celui du gouvernement.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost