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Par Aziz Boucetta
Au lendemain des élections de novembre 2011, et même un peu avant, la politique était remuante et bruyante, chacun défendant ses positions, attaquant les autres, se liant avec certains et rompant avec les autres.
Certes le niveau n’était pas toujours relevé mais observons ce qui se passe dans les autres pays, aujourd’hui, à l’ère du web tiktokisé et à l’heure de l’internet instagraméen : la politique est un show, fait de petites phrases et de grandes envolées, de punchlines savamment calculées et de coups soigneusement tordus et généralement bas.
Depuis 2011 et même avant, donc, le gouvernement tonnait et le parlement tonitruait, tandis que l’opposition tempêtait du mieux qu’elle pouvait.
Et ce n’était pas seulement du show car tant de choses ont été réalisées : la décompensation, la réforme (même paramétrique) de la retraite, l’accélération industrielle, des lois sociales (comme la 19-12 sur le travail domestique), la gestion rationnelle de la pandémie, la régionalisation très avancée… et d’autres choses encore, réalisées par les deux gouvernements, avec la brochette de partis qui en constituaient les majorités et les oppositions en renfort, le PJD en attaque, le RNI en contre-attaque, l’Istiqlal en embuscade, l’USFP en empoignade, le PPS équilibriste et les partis administratifs en lutte existentielle permanente, et finale. Même le RNI devenu akhannouchiste s’exprimait et donnait de la voix…
Et puis, au lendemain des dernières élections, celles de ce funeste 8 septembre, silence, total, abyssal, sépulcral. On a monté une majorité arithmétiquement parfaite mais politiquement atone. Personne ne parle, chef Akhannouch compris, chef Akhannouch surtout.
Oh, il a bien tenté une sortie médiatique quelques mois après son arrivée à la tête du gouvernement, mais face au désastre que fut cette sortie, plus rien depuis. Sauf quelques saillies parlementaires aussi maladroites qu’inutiles, parfois puériles.
Les autres chefs de partis siégeant autour de la table gouvernementale n’en disent pas plus. Nizar Baraka et Abdellatif Ouahbi gèrent leurs chapelles respectives et cultivent...leur jardin, laissant leur chef Aziz Akhannouch se débrouiller et le délaissant dans son silence, qui en devient gênant. Pourquoi gênant ? Parce que, avec lui, la politique se meurt et parce qu’un pays a, toujours, besoin de politique.
Jamais le Maroc n’a eu de chef de gouvernement/premier ministre aussi dramatiquement taiseux : Abdellatif Filali professait, Abderrahmane el Youssoufi parlait, Driss Jettou s’exprimait, Abbas el Fassi discourait, Abdelilah Benkirane s’exclamait, Saadeddine Elotmani expliquait. Mais Aziz Akhannouch ne dit rien, absolument rien, douloureusement rien.
C’est un peu comme si ses électeurs, une fois l’élection passée, ne comptaient plus ; c’est comme si les Marocains n’importaient pas ; c’est comme si l’opinion publique n’existait pas, dirait l’ex-Cheb Khaled… qu’on pourrait pasticher comme suit : « (il) est passé à côté de moi, sans un regard, (roi) de Saba, j’ai dit (Aziz), prend tout est pour toi. Voici les perles, les bijoux, aussi l’or autour de ton cou, les fruits bien mûrs au goût de miel »…
Ces bruits et bruissements qui font tousser sur l’enrichissement illicite sont sans doute faux, très certainement injustes, tout juste des rumeurs et l’expression d’une fureur rentrée, mais à défaut de les démentir par le propos, la com, une présence, une certaine prestance, elles pourraient définitivement s’incruster dans l’esprit des populations, ce qui tuera encore plus la politique et, plus grave, les espoirs.
Ssi Akhannouch, la politique, ce n’est pas seulement la signature de parapheurs épais, la tenue de rencontres bilatérales, quelques propos tenus devant une assemblée parlementaire endormie et indifférente, des inaugurations avec tambours et trompettes, des sorties d’auto-satisfecits bien calculées, face à des auditoires acquis et passablement somnolents, fondés sur des politiques et des instructions royales.
Aujourd'hui, ce silence s'est banalisé, personne n'attend plus une prise de parole du chef de notre exécutif, et c'est bien dommage, et encore plus regrettable.
La politique, sous la constitution de 2011, c’est faire honneur aux électeurs, c’est redorer la chose politique, c’est réinstaurer la confiance et rétablir l’espoir et pour faire cela, il faut parler, exprimer, argumenter, expliquer ce qui est a fait et justifier ce qui ne l’est pas.
Les Marocains le méritent tellement, ô vous, Ssi Aziz Akhannouch, qui professiez que nous méritions mieux et qui devez toujours le penser. La politique a besoin de foi et nous avons besoin de croire.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost