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Aziz Akhannouch a enfin ’’parlé’’, la situation est donc grave


Quand dans une situation donnée, Aziz Akhannouch s’exprime et Abdellatif Jouahri se tait, c’est que les choses vont mal. Or, le wali de Bank al-Maghrib na pas fait son point de presse traditionnel après le conseil de la banque centrale et le chef du gouvernement a – finalement – « parlé », en réponse au débat qui est né suite à cette inflation qui commence à être sérieusement inquiétante. La situation est donc grave.



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Par Aziz Boucetta

Etat des lieux. L’inflation s’est confortablement installée dans le pays, touchant tout le monde mais particulièrement les catégories vulnérables désormais encore plus vulnérables et les classes moyennes, par définition dangereuses si elles venaient à se vulnérabiliser.

Cela faisait des décennies que le Maroc n’avait pas connu cela avec en plus, cette fois, facteur aggravant, des conditions inflationnistes inédites face auxquelles les gouvernements du monde entier semblent désarmés. En février dernier, l’inflation au Maroc a dépassé la barre psychologique des 10%.

Cette inflation qui menace d’échapper à tout contrôle devient donc un problème pour l’Etat, bien plus que pour le gouvernement. Et la machine de l’Etat semble se mettre en branle, dans une direction qui ne semble pas toutefois être encore bien définie.

Acte I. Le gardien du temple monétaire se réunit en conseil et décide d’augmenter, pour la 3ème fois consécutive, son taux directeur à 3%, démentant au passage les prévisions de croissance et d’inflation présentées par un gouvernement trop optimiste pour être conscient et trop inconscient pour être réaliste.

En outre et enfin, Bank al-Maghrib rappelle cette très douloureuse vérité de la décompensation des produits de 1ère nécessité programmée par le cabinet Akhannouch, qui n’aime pas évoquer la question, en 2024.

Acte II. Le Haut-commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi, tonton flingueur national, flingue et dézingue à tour de bras. Il considère l’inflation comme structurelle, conteste la politique agricole qui ne tient pas compte de cette vérité du réchauffement climatique, et appelle le gouvernement à dire l’amère vérité, en l’occurrence que l’inflation est là pour durer et que la très préoccupante incohérence des politiques ne saurait ainsi perdurer sans danger.

Acte III. Le PPS, seul parti à faire encore sens, sort sa grosse artillerie. Etonnamment et coupablement silencieux dans la très délicate affaire de l’examen des avocats, le parti dirigé par Nabil Benabdallah tient son Politburo, rumine contre le gouvernement et fulmine contre son silence.

Puis il ajuste le tir, et ouvre le feu dans une lettre ouverte, contre le gouvernement, son « indifférence », sa « légèreté » et, en creux, dénonce son incompétence. Il n’y a vraisemblablement pas de lien avec les deux sorties précédentes mais gageons que les planètes s’alignent.

Acte IV. Face à l’ambiance générale d’inquiétude et de doute, d’incertitude et d’un début de colère, le chef du gouvernement s’est donc... résigné à faire ce qu’il apprécie le moins, en l’occurrence s’exprimer. Une communication plutôt curieuse, faite dans un média francophone écrit pour donner des explications à une population plutôt arabophone qui lit peu, surtout en français… Il égrène ses milliards habituels engloutis dans la santé et avalés par l’éducation, chiffres qu’il connaît par cœur à force de les répéter, puis il assure beaucoup de choses sans rassurer beaucoup de monde.

En gros, droit dans ses bottes mais bottant en touche pour les difficultés : ce n’est pas moi, ce sont les autres, l’inflation importée, le climat, la saisonnalité de l’agriculture… Mais le chef du gouvernement assure que tout en combattant ce dont il n’est aucunement responsable, il fera le reste. Comment ? L’histoire ne le dit pas…

… et, acte IV bis. Puis le chef des ministres « mandate » un de ses ministres, pour dire plus. Mais sous couvert d’anonymat, toujours chez nos confrères de Médias24. L’homme, ou la dame, explique sans convaincre, règle au passage ses comptes avec le PJD (ce qui conduit à penser que notre ministre est RNI), égratigne Abdellatif Jouahri sans le nommer, dément Ahmed Lahlimi sans le citer, et assène cette puissante vérité sur l’agriculture : « Aucune politique agricole (…) ne peut prospérer sans l’eau et le foncier ».

En effet. Sauf que tout cela relève davantage de l’amateurisme que d’une quelconque gestion ou communication de crise.

 

Ce que le gouvernement ne comprend pas, c’est que la politique s’appuie en partie sur le facteur émotionnel, dont l’existence, ou non, appelle à l’adhésion, ou pas. C’est pour cela que des statistiques, des études et des mesures du moral des ménages et des entreprises sont établis.

Or, la perception générale de ce gouvernement est très négative et le sentiment de rejet atteint des sommets.

Alors, que se trame-t-il ? Y a-t-il une raison à la sortie de tout ce monde, en même temps, chacun appuyant là où le gouvernement a mal ? Peut-être aucune, et ce serait regrettable car cela reviendrait à trahir les espoirs et tromper les attentes d’une population qui, disait naguère le RNI, « mérite mieux » (« testahel hsen » en VO).

Mais peut-être que ce remue-méninges augure de grands changements politiques dont le Maroc a besoin pour faire face aux déséquilibres et menaces internes et aux défis et mutations externes. Et un grand changement, c’est peut-être davantage qu’un simple remaniement technique, ou même politique, du gouvernement…

L’inflation menaçant d’appauvrir encore plus les catégories pauvres et les classes moyennes, dans la durée, c’est la paix sociale qui est menacée et l’Etat, par effet mécanique, directement impliqué ; et dans ce cas il devient nécessaire de revoir le casting général et ne pas se contenter de sacrifier de malheureux lampistes et autres seconds couteaux.

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost 



Dimanche 2 Avril 2023


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