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Avortement au Maroc : entre interdiction et réalité


Rédigé par le Vendredi 17 Mars 2023

Malgré les nombreux drames liés aux grossesses non désirées, la loi interdisant l'avortement au Royaume ne semble pas avoir été modifiée, sauf en cas de danger pour la santé de la mère.



Malgré la mort tragique de Meriem, une adolescente de 14 ans décédée début septembre suite à une IVG clandestine pratiquée en zone rurale avec la présence de sa mère, la question de l'avortement thérapeutique n'a pas encore été résolue. Les tabous culturels et le manque de volonté politique continuent de faire obstacle à la dépénalisation de l'IVG au Maroc.

Au Maroc, les femmes qui avortent risquent une peine de prison de six mois à deux ans, tandis que les personnes pratiquant l'IVG risquent de un à cinq ans d'emprisonnement, à moins que la vie de la mère ne soit en danger. Malgré les lourdes sanctions encourues, des ONG locales estiment que chaque jour entre 600 et 800 avortements clandestins sont pratiqués dans des conditions sanitaires souvent désastreuses.

L’avortement toléré mais un meilleur encadrement

Encore aujourd’hui, l’article 449 du code pénal marocain prévoit des peines de prison de six mois à deux ans contre « l'avorteur et l'avorté ainsi que les personnes intermédiaires, sauf quand il s'agit de préserver la santé ou la vie de la mère ». Cependant, dans la pratique, l’IVG est tolérée dans le pays. Selon les ONG, entre 600 et 800 avortements médicalisés et 200 autres, non médicalisés, sont pratiqués quotidiennement.

« Il y aurait plusieurs centaines d’avortements illégaux par jour au Maroc. Ce qu’il faut savoir, c’est que jamais une femme ne recourt à l’avortement uniquement par caprice », a ajouté la ministre. Selon elle, une loi est nécessaire : « ces cas extrêmes doivent être prévus par la loi en tenant compte des considérations éthiques et religieuses. Cela fera évoluer la législation parce qu’on ne peut pas continuer comme ça (…). La législation actuelle ne permet même pas à une femme victime d’inceste d’avorter. Idem pour les cas de viol. »

Aucune volonté politique

En 2015, une commission instaurée par le roi Mohammed VI avait recommandé l'autorisation de l'avortement dans des "cas de force majeure" tels que le viol, l'inceste, la malformation fœtale et le handicap mental. Cependant, sept ans se sont écoulés depuis et rien n'a été fait. Selon le docteur Chafik Chraïbi, gynécologue militant pour la légalisation de l'IVG et fondateur de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC), le dossier n'a pas été traité avec la priorité qu'il mérite et une absence de volonté politique se fait sentir pour modifier une "loi archaïque" datant de 1963.

Un projet de loi visant à réviser la législation en matière d'avortement a été soumis deux fois au Parlement, mais retiré sans explication officielle. Lors d'une session plénière en octobre, la ministre de la Famille, Aawatif Hayar, a déclaré que le gouvernement accordait un "intérêt sérieux" à la révision du code pénal. Cependant, elle a souligné que les propositions des ONG et des partis politiques devaient être conformes à la charia (loi islamique) et acceptées par la société marocaine. Pour le docteur Chraïbi, la dépénalisation de l'avortement est entravée par le "pouvoir religieux et le conservatisme des Marocains", alors que rien dans la religion ne l'interdit.

Où en est le droit à l'avortement au Maghreb ?

Au Maghreb, seule la Tunisie a légalisé l'IVG depuis 1973, sous l'impulsion du président Habib Bourguiba, et cela ne fait pas l'objet de débat, bien que les femmes qui y ont recours gardent souvent le secret.

En Algérie, l'avortement est considéré comme un délit passible de 2 ans de prison pour la mère et de 5 ans pour les médecins ou toute personne pratiquant cet acte. Un débat avait précédé l'adoption d'une loi en 2018 qui autorise l'"interruption thérapeutique de grossesse".

En Libye, l'avortement est formellement interdit, à moins que la vie de la mère ne soit en danger. Les femmes qui enfreignent cette loi risquent une peine de prison allant de six mois à plusieurs années, tandis que les personnes impliquées dans l'avortement sont également passibles d'emprisonnement.

Cependant, les peines sont réduites de moitié pour les avortements pratiqués au nom de l'honneur familial.


Salma LABTAR





Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 17 Mars 2023

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