Par Professeur Mohamed Chtatou
- J’ai une voiture ;
- Je suis content ; etc.
- J’ai mangé une pomme ;
- Je suis allé voir des amis ; etc.
- Posséder ;
- S’accaparer ;
- Amasser ;
- Ajouter ; etc.
- Je suis triste ;
- Je suis ému ;
- Je suis outragé ;
- Je suis pauvre
- Je suis riche ; etc.
Le communisme a, tant mal que bien, essayé de s’accaparer des avoirs de ceux qui « ont » de la richesse (les riches) et les distribuer parmi toute la population équitablement. Pour ce faire, ils se sont débarrassés de la liberté, la représentativité, la démocratie, etc. au profit de la dictature des masses ou plutôt de la dictature du prolétariat. En réalité, cela n’a jamais été la dictature des masses mais la dictature de la classe dirigeante, comme dans l’ancienne URSS et l’Algérie d’aujourd’hui ou cette classe est actuellement contestée par le peuple.
Donc, en quelque sorte ce modèle s’est délibérément débarrassé d’« avoir » au profit d’ « être » mais il n’est jamais arrivé à ériger cet « être », comme cela a été théorisé par les pères fondateurs du marxisme, en un monde meilleur. Dans le système communiste, les gens, travaillaient dur, mangeaient à leur faim sans être ni satisfaits, ni contents, et ni en paix avec eux même. Ils étaient tristes, moroses et totalement dubitatifs de leur mode de vie et lorgnaient jalousement du côté ou « avoir » était le maître mot, c'est-à-dire l’Occident.
Là-bas, Ils avaient de belles voitures, de belles maisons, de beaux vêtements et étaient heureux, tandis qu’eux du côté « être » (être égalitaire, être maître de son destin, etc.) n’étaient pas égaux comme on leur disaient, ni heureux. Ils voulaient passer du côté « avoir » pour s’acheter des jeans, mâcher du chewing gum, manger chez McDo, écouter de la pop music, voir des films d’action comme James Bond ou de science-fiction comme la saga Star Wars, au lieu des films de propagande communiste, monotones et insipides.
Un jour le mur communiste de Berlin se fissura et tomba en ruines et l’URSS devint la Russie, l’Allemagne fut réunie et les gens du côté « être » sont passé du côté « avoir » et certains sont devenus très riches, tandis que d’autres ont érigé des empires mafieux très puissants qui ont reproduit les inégalités, sans oublier pour autant, l’injustice et l’impunité.
Mais en réalité, la vraie histoire de ce couple de verbes n’est pas dans le contexte du capitalisme et du communisme mais plutôt de ce qu’on « a » et ce qu’ont « est ».
Si l’on fait une visite du côté des favelas marocaines qu’on appelle communément « douars ou bidonvilles » on trouve que leurs rues étroites créent une certaine complicité délicieuse parmi les habitants et une solidarité agissante, sans pareil. Il semble que leur leitmotiv principal est :
« Ce qui est à moi et est à toi aussi mon proche et mon frère ».
Il semble, ainsi, que le sens de la propriété privée est majestueusement dilué dans le communautarisme ambiant. Si vous êtes parmi eux le jour du Vendredi, après la prière, par exemple, ils vous inviteront, avec un grand sourire partager avec eux un couscous et un verre de thé et ils tirent un grand plaisir de ce geste de générosité, sachant pertinemment qu’ils sont sans le sou dans, la majorité des cas.
Par contre si vous vous baladez dans les grandes artères des quartiers riches et huppés. A un moment vous êtes interpelés par des agents de police motorisée qui veulent vérifier votre identité, vous l’intrus. En réalité votre présence a été signalée par les vigiles employés par les riches pour « protéger leurs avoirs », et dans leur monde tout « étranger » à leur environnement est un « voleur » potentiel qu’il faut écarter sans ménagement.
Les verbes « avoir » et « être » c’est aussi une question de générosité (mécénat, un mot qui vient de l’Arabe محسن ), solidarité, partage et amour de son prochain. Chez les Amazighs, bien que pauvres en richesse pécuniaire (avoirs) ils sont riches en bonté, amour, sympathie, empathie et amitié pour autrui (état d’âme : « être »). Dans la culture amazighe la solidarité agissante et une réalité quotidienne véhiculée par le grand concept culturel de « twiza ».
Si vous voulez entreprendre une action quelconque et vous n’avez pas les moyens financiers nécessaires, vous faites appel au concept de « twiza » au niveau du clan et des gens vont se porter volontaires pour construire votre maison, cueillir vos fruits ou moissonner et battre vos céréales. En contrepartie de leur travail, vous les nourrissez et vous les logez durant la période de votre projet. « Twiza » peut aussi prendre la forme de collecte de fonds pour une hospitalisation, un voyage ou un mariage, etc.
Malheureusement dans les villes, les riches marocains, dans la plupart des cas, ne veulent rien avoir avec les pauvres, pire ils les stigmatisent sans relâche : ils sont violents, sales, voyous, voleurs, arnaqueurs, etc.
Maintes fois j’ai vu des riches refuser de payer un dirham pour les gardiens de leurs voitures (les gilets jaunes marocains pacifiques) mais par contre ils vont payer 10dh ou plus, selon la durée du parking de leur voiture, dans un horodateur. Ces gens pensent qu’à « avoir » et ne peuvent aucunement cohabiter et « être » solidaires.
Récemment une femme riche en argent (avoirs) et riche en bonté (être), de Settat avait fait don, dans un geste incroyable de générosité et de partage, d’une somme phénoménale au Ministère de l’Education Nationale pour construire des écoles dans sa région. Par contre on trouve que la majorité des banques et sociétés marocaines qui font des chiffres d’affaires incroyables sont incapables de faire des dons en numéraire ou services au profit de la classe pauvre, comme c’est le cas en Europe.
Il semble malheureusement que les riches marocains en « avoirs » sont pingres et avares et ne pensent pas à l’état d’âme « être » de leurs concitoyens pauvres et indigents, pour le moment.