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​Le Hajj n’est plus ce qu’il était…




Par Rachid Boufous

Le pèlerinage à la Mecque n’est plus ce qu’il était et ce depuis plusieurs années. Au lieu que cela soit un rite effectué de manière uniforme et identique pour tous les pratiquants, de nouvelles formes de pèlerinages sont apparues, adaptées à la bourse de chacun, loi très loin, des préceptes initiaux de l’islam. 

Le pèlerinage VIP a fait son apparition depuis quelques années et l’on voit de plus en plus de milliardaires, des chefs d’états, ainsi que  les puissants de ce monde, avoir leurs espaces réservés, luxueux, loin des pauvres, des gueux et des sans grades…
Un Haj 5 étoiles est apparu, répondant sans doute aux désirs vaniteux des puissants musulmans de ce bas monde.

Cela a démarré avec la Omra, où ce petit pèlerinage que l’on peut effectuer toute l’année, a vu éclore des pratiques nouvelles où le confort du pèlerin reste la norme, pour aboutir au Haj qui commence à imiter la Omra dans les mêmes pratiques et usages luxueux.

Ainsi durant le pèlerinage à la Mecque, qui lui, ne peut se faire qu’une fois l’an, une nouvelle version de la quête de Dieu est apparue : celle qui consiste à aller visiter la maison de Dieu à l’aise, très à l’aise…

Bref le rituel du Haj prend une nouvelle tournure. Ainsi pour la station de jbel Arafa, où il faut rester debout du lever au coucher du soleil, les chanceux ne se mélangent plus aux autres, assis confortablement dans des espaces panoramiques ombragés et en hauteur, avec leurs imam attitré, pas loin des réfrigérateurs, des climatiseurs et des toilettes confortables, des fois qu’ils auraient une petite soif, auraient chaud ou auraient une petite envie…

À Mouzdalifa et à Minan, les clients VIP du bon Dieu ont leurs suites climatisées pour passer la nuit avec un service de restauration 7 étoiles, servis par des milliers d’esclaves pakistanais. 

Même pour lapider Ibliss, le mythique diable incarné, qui n’a probablement jamais existé si ce n’est dans la tête des faibles dévots, est aujourd’hui reparti sur 3 endroits distincts, sur cinq étages à chaque fois, les VIP ont leur propre étage où ils peuvent accéder directement en voiture ou en voiturettes de golf pour lapider le perfide diablotin…

Depuis le temps qu’il existe, le diable a fait des petits et surtout beaucoup d’adeptes. D’ailleurs les Quoraichites saoudiens ont trouvé la parade : ils revendent tous les ans les sacs de pierres de lapidations 4,5 dollars pièce, qu’ils ramassent sur les lieux où Ibliss est censé avoir été criblé de jets de pierres l’année précédente… pas mal comme business recyclable !

Les lapidations peuvent aussi se faire en voiture ou en voiturettes. Pas besoin de marcher comme les autres musulmans. L’argent permettant toujours de trouver des accommodement avec les préceptes, pourtant immuables, de la religion…
Une fois les circumambulations ou Tawaf autour de la Kaaba terminées, et qui peuvent être effectuées à bord des mêmes voiturettes électriques, les VIP peuvent rester au frais dans leurs chambres d’hôtels toujours climatisées donnant sur la Kaaba pour y faire leurs cinq prières sans aller à la mosquée du Haram pour les exécuter, c’est à présent halal et permis par les Mouftis capitalistes d’Arabie Saoudite. Les gens puissants ne doivent pas se mélanger à la plèbe, histoire de respecter les différences de classes sociales…

Même dans les hôtels, les VIP ont des étages personnalisés pour manger ou se sustenter et où l’on ne pénètre que munis d’un pass spécial. Toujours cette crainte de se mélanger à la plèbe…

Si le pèlerinage à la base était prévu pour que tous les musulmans puissent vivre la même expérience cultuelle, sans faveur ni distinction de race ou de rang social, il n’en est plus rien à présent !

C’est pourtant avec la Omra ou petit pèlerinage qui peut être effectué toute l’année, et qui est moins contraignant que le Haj, que cette tendance à un pèlerinage 7* est apparue. 

Le capitalisme d’obédience arabe étant une valeur cardinale chez les bédouins, ils ont commencé à construire des hôtels de plus en plus luxueux autour de la Kaaba, qui ont trouvé tout de suite preneur, à telle enseigne que le pèlerinage aujourd’hui est devenu une très belle opération touristique pour les saoudiens qui engrangent chaque année, plus de 50 milliards de dollars de ce juteux commerce autour des lieux saints et toujours au nom de Dieu…

De toutes les façons Dieu a toujours rapporté gros pour tous les marchands du temple, et ce, depuis que Dieu existe, toutes les religions s’étant positionnées sur le même registre, celui de soutirer un maximum de blé aux naïfs pèlerins...

D’ailleurs la Mecque est devenue un immense parc d’attraction autour des lieux saints. Tu remplaces la Kaaba par une attraction de Disney, cela ne changerait rien à la donne, c’est ainsi, sauf que Allah rapporte plus que le pâle Walt et ses souris…

À la Mecque et à Medine de gigantesques Malls et hôtels ont été édifiés pour pousser les Hajjis à consommer sans compter. Entre les chapelets, les tapis de prière, le Oud, les Corans, les Taguias et autres Foquias, sans oublier les bijoux, tout est à vendre et à acheter dans des boutiques dont les commerçants, souvent des yéménites, sont là au service de Hajji devant absolument revenir avec un souvenir des lieux saints. Cela sans compter la fameuse eau de ZemZem aux vertus miraculeuses et que chaque pèlerin se doit de ramener dans des jerricans en plastique… 

Rien que le marché des cadeaux souvenirs achetés par les pèlerins pendant la saison du Hajj et de la Omra représente à lui seul, quelques 30 milliards de rials saoudiens, soit 8 milliards de dollars, selon la Saudi Travel and Tourism Investment Market (STTIM), les chapelets et tapis de prière représentent environ 40% de ces marchandises…

Toutefois les saoudiens ont fait des efforts monstrueux et en matière de gestion de flux, car des millions de personnes se ruent partout avec des objectifs divers. Canaliser toute cette foule est une véritable prouesse, tant à l’arrivée que durant le séjour et au retour. 
Maintenant, quels que soient les conditions des hajjis, ce qui fond le coeur c’est la saleté endémique des lieux et les ordures partout, les gens mangent, boivent et jettent là où ils le peuvent leurs déchets, sans aucun respect pour les lieux saints ni pour les pauvres pakistanais qui, sous un soleil de plomb, doivent tout ramasser toute cela derrière les pèlerins…
Bref, le pèlerinage dans les lieux saints de l’islam est devenu un folklore et n’a rien à envier aux stations touristiques huppées à travers le globe, l’objectif étant de passer un bon moment entre soi, sans se mélanger, tout en faisant mine d’effectuer les rites religieux. Hypocrisie sociale quand tu nous tiens…!

N’empêche que 1400 pèlerins seraient morts d’insolation et à cause de la chaleur intense qui a sévit sur les lieux saints cette année. Des dizaines de gens étaient étendus par terre, inconscients, totalement abandonnés à leur sort. Il faut dire que 2,5 millions de pèlerins à gérer en même temps, ça ne laisse pas assez de temps aux ambulanciers pour intervenir partout à la fois…

Les autorités saoudiennes ont essayé de justifié cette hécatombe en proclamant que 80% des victimes étaient des illégaux venues sans la fameuse autorisation du hajj et n’ont donc pas pu bénéficier des soins d’urgence… mon œil !
Bref, il est dit et écrit dans les préceptes de l’islam que le Haj est réservé à celles et ceux qui le peuvent, physiquement et pécuniairement parlant. 

Pour y aller il est scrupuleusement dit qu’il ne faut laisser aucune dette derrière soi, y compris des prêts bancaires, des fois que le débiteur ou la débitrice ne revienne pas de l’auguste voyage…

Mais les temps ont bien changé depuis l’époque du prophète. On va au Haj et la Omra comme on va à Courchevelle ou aux Maldives. Cela devient un acte social du « m’as-tu vu » à la mode. L’hiver â Gstadd, le Ramadan et le Hajj à la Mecque !
Le Haj comme la Omra existaient avant l’islam et étaient des procession et des actes de contrition religieuse où l’on devait se dépouiller de tous les atours de la vie terrestre pour se plonger dans un moment de retraite spirituelle en contact direct avec le créateur.

L’islam a hérité de ces croyances pensant à juste titre que les adeptes de la nouvelle religion allaient s’inscrire dans la même lignée de quête de Dieu. Cela a duré plusieurs siècles avec de plus en plus de sophistication. Il faut savoir qu’à partir du 18eme siècle la Kiswa ou enveloppe de la Kaaba qui se fabriquait en Égypte n’était transportée à la Mecque qu’une fois les pèlerins marocains et du Maghreb étaient arrivés au Caire. Et c’était alors une très longue procession de dizaines de milliers de pèlerins qui s’élançait vers les lieux saints à pieds ou à dos de dromadaires avant de traverser le golfe d’Akaba et la mer rouge sur de frêles esquifs… Tout cela était un autre temps !

Le voyage au Hajj durait plusieurs mois et n’était pas sans dangers. En remerciement, les marocains surtout, achetaient beaucoup de biens immobiliers à Medine et à la Mecque qu’ils édictaient en Waqfs ou biens de mains mortes, qui étaient loués et dont les revenus servaient à venir en aide aux pauvres et aux nécessiteux. 

Aujourd’hui on se pose la question sur le devenir des recettes du Haj engrangées par les saoudiens. Les millions de têtes de moutons égorgés devraient être redistribués aux pauvres de la Oumma Islamique, ainsi que les revenus du Haj. On n’en voit pas la couleur nulle part en terre d’Islam. Même les étoffes de la Kaaba découpées en morceaux sont revendues. Allah n’appartient pas aux saoudiens et ils doivent permettre à tous les musulmans d’avoir leur part du juteux magot de Dieu généré par la Omra et le Haj. Cet accaparement égoïste des revenus du Haj par une seule nation est pour le moins malsain et contraire aux préceptes de l’islam. 

Sinon chaque nation aurait le droit de créer son propre Haj, comme le firent les Regragas au 17eme siècle au Maroc à une époque où le voyage religieux était difficile à entreprendre en inventant le Daour, ce Haj des pauvres qui durait 40 jours  et dont Moulay Ismael eut peur qu’il créa sa propre procession à Marrakech sur 7 jours et qu’il fit appeler le pèlerinage des Sabaatou Rijat ou pèlerinage des 7 saints de Marrakech…

Bref, le pèlerinage à la Mecque n’est plus ce qu’il était et même si les gens continuent à y attacher une importance plus que de raison, il est plus utile de venir en aide aux nécessiteux autour de soi et chez soi, c’est plus important que d’aller donner 10 ou 20 millions de centimes aux saoudiens. 

Faire le bien chez soi et autour de soi est à mon sens le meilleur des pèlerinages, Dieu privilégiant les gens qui viennent en aides aux nécessiteux, aux veuves et aux orphelins, beaucoup plus que celles et ceux ceux qui se prosternent hypocritement devant lui, tout en continuant à vivre hors sol et loin de ses préceptes…

Si on aime Dieu et que l’on veut sa miséricorde, il faut juste aider son prochain qui est dans le besoin, c’est cela la finalité de la religion, quelle qu’elle soit…

Rachid Boufous 
29/06/2024



Dimanche 30 Juin 2024

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