Écouter le podcast en entier :
Par Gabriel Banon
La réussite économique de l’Empire du Milieu n’a rien d’inattendu. Pendant que l’Amérique entretient et développe 725 bases militaires de par le monde, la Chine a investit ses ressources dans son économie et son modèle économique. Dans ces quarante dernières années, la Chine n’a fait face ou entrepris aucune guerre, pendant que les Etats-Unis engageait son armée en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Vietnam, au Laos, au Cambodge sans parler des guerres par procuration en Afrique et ailleurs. Depuis le discours-testament de fin de mandat du président Eisenhower en 1959, attirant l’attention de ses concitoyens sur la place illégitime que prenait le complexe militaro-industriel, ce dernier a, au contraire, avec son partenaire, le Pentagone, augmenté son emprise sur l’Amérique profonde et sur la politique étrangère de Washington.
Les dépenses militaires qui s’élèvent pour la seule année de 2018 à 649 milliards de dollars, représentent 45% des dépenses militaires mondiales. Cette orgie de dépenses, qui s’accompagne d’un endettement fédéral abyssal de 22175 milliards de dollars, a déclenché une course aux armements mondiale. Les États ont dépensé 1822 milliards de dollars en 2018, soit 26% de plus qu’en 2017. La Chine avec 250 milliards arrive deuxième, loin derrière les Etats-Unis. L’Arabie saoudite, l’Inde et la France ferme le top 5. L’Europe affiche sa volonté de s’unir dans la défense, mais cette vision n’est pas partagée par tous les pays de l’Union. La Russie consacre ses moyens à l’armement nucléaire sophistiqué, convaincue que s’il y a guerre, elle sera nucléaire.
Ce haut niveau des dépenses militaires reflète l’état du monde. Personne ne souhaite la guerre, tout du moins officiellement, mais tous s’y préparent. L’atmosphère est délétère. Le monde est devenu instable, dangereux, avec des tensions entre voisins en Asie, dans le Pacifique, le Golfe, des guerres en Afrique et au Levant, sans parler des actions terroristes. Mais le plus inquiétant est la situation des Etats-Unis avec ses déséquilibres budgétaires et une dette dont l’apurement ne peut s’obtenir qu’au travers d’une guerre que le complexe militaro-industriel souhaite ouvertement. L’Amérique ne peut pas continuer à vivre à crédit, en pompant l’épargne du reste du monde.
Les ingrédients d’une troisième guerre mondiale s’agrègent petit à petit. Heureusement que le pire n’est jamais certain. Le capitalisme de connivence et l’impérialisme communiste, en mettant à leur service la mondialisation, ont plombé les valeurs de l’universalisme. Les Américains, fidèles à la doctrine Brzezinski, ont continué à considérer la Russie comme leur ennemi numéro1 et aujourd’hui la Chine comme un danger existentiel. Aussi ils ont nourri un conflit ouvert et sévère qui dresse plusieurs pays libres contre la Chine communiste. Nulle question ici d’idéologie, mais de lutte pour maintenir l’hégémonie et le leadership des Etats-Unis. Il y a eu la guerre commerciale, apparemment gagnée par la Chine, puis la guerre économique et technologique, toujours en cours. Avec la guerre froide voulue par le président américain, nous sommes à l’ultime étape où il ne peut y avoir qu’un vainqueur, soit par la puissance du soft power, soit par les armes. C’est le retour des blocs.
La « guerre économique » a révélé toute l’hypocrisie d’une mondialisation prétendue de libre échange, mais qui en fait s’est trouvée dominée par les grandes puissances. L’économie de marché implique le respect réciproque des obligations contractuelles, Donald Trump a fait fi des engagements qui en découlaient. Il a considéré que ces règles portaient atteintes aux intérêts des Etats-Unis.
Aujourd’hui, l’économie n’est plus « génomique », n’étant plus tributaire des ressources naturelles et par conséquence la localisation des acteurs importe peu. Les opérations financières se déplacent en un clic, les biens et les services voyagent à la vitesse de l’aviation sonique, subsonique, transsonique et supersonique. La vraie mondialisation met en œuvre l’extrême diversité des êtres humains, de leur talent, leur travail, leur épargne, leur connaissance, et de leur art d’entreprendre. Les Chinois ont exploité avec cynisme les mœurs protectionnistes de la plupart des États réputés démocratiques.
Si l’implosion de l’URSS et la chute du mur de Berlin, ont été le signal de l’abaissement des frontières politiques, on constate, aujourd’hui un retour en force du nationalisme économique. L’exercice de la démocratie, les politiques professionnels l’ont ramené à la séduction de la clientèle électorale. Nous avons alors une complicité entre classe politique et milieux d’affaires, c’est ce que l’on appelle le « capitalisme de connivence ». C’est l’essence même du protectionnisme L’économie de marché devient une machine de guerre.
Ainsi s’est engagée la « guerre économique » entre la Chine et les États-Unis. Le protectionnisme américain est une tradition isolationniste dans le pays, c’est la doctrine Monroë remise au goût du jour par Donald Trump : « l’Amérique aux Américains ». Le protectionnisme chinois déguisé doit être dénoncé, mais pas par Washington, maîtresse dans cet art. C’est ici que la guerre économique et technologique devient une guerre politique, une guerre froide. Washington se donne alors comme objectif de déséquilibrer le pouvoir chinois et Pékin veut démontrer que le système chinois est le meilleur et le plus efficace. C’est la conquête du leadership mondial dont il s’agit
La « route de la soie » est une façon de raccourcir le chemin entre la Chine et l’Union européenne, à travers des investissements massifs, d’abord en Grèce, et maintenant dans plusieurs pays, y compris la France. La crise du Covid-19 née en Chine, a été l’occasion de démontrer la domination chinoise, « accompagnée » par l’OMS. La pandémie a mis en évidence la rapidité et l’importance de l’aide apportée par la Chine. Pékin offrira au monde l’image d’un capitalisme politiquement organisé, et d’un communisme conquérant grâce à la supériorité technique et à la qualité civique du peuple chinois.
L'Europe n'existe pas comme acteur géopolitique, pour plusieurs raisons. La première est l’absence dans l’Union de la Russie, la deuxième est que l’Union européenne ne parle pas d’une seule et même voix. Les pays membres n’ont pas franchi le pas vers un véritable État fédéral. Les individualités ne peuvent alors être que des satellites de l’un des blocs.
Actuellement, il y a une seule certitude à court terme : sans désarmement commercial, la guerre actuelle vaudrait une stagnation d’amplitude et de durée comparables à celle des années 1930. Mais comment désarmer, quand les organisations mondiales comme OMS ou CNUCED sont dépassées depuis longtemps, quand les accords « régionaux » sont difficiles à obtenir et à respecter ?
Aucune société ne peut durablement survivre sans le libre échange, la libre entreprise et l’État de droit. Seule une société de libertés est capable de progresser parce qu’elle met en œuvre la diversité des êtres humains, et parce qu’elle leur offre la liberté, la responsabilité, la propriété et la dignité conformes à sa nature profonde.
Rédigé par Gabriel Banon sur Gabriel Banon