Par Aziz Boucetta
Cette élection, c’est comme un super marché, tout le monde peut y trouver son compte, certains beaucoup, d’autres moins, des contents et des récalcitrants. Et finalement, le RNI est premier et il devra composer une majorité. Il le fera plutôt rapidement, et devra s’atteler au travail, à la dure et rude tâche de sortie de crise et de relance de la machine… Le chef du gouvernement désigné devra se résigner à aller vite en besogne. Tout le monde l’attend au tournant, duquel il sortira grandi ou laminé.
Le scrutin aura au final donné lieu à une majorité qui sera ce qu’elle est mais accouchera d’un gouvernement éminemment technocrate. Technocrate ? Oui, car l’ossature sera RNI et on n’y trouvera, donc, pas d’idéologie. Il restera à espérer que cette majorité sera marquée par une bonne méthodologie, et c’est l’essentiel. Le Maroc d’aujourd’hui n’a nul besoin d’idéologie mais de développement, appuyé sur une croissance équitable et inclusive, qui bénéficierait à tous, qui profiterait à tous et où les profiteurs n’auront pas leur place, sinon devant un juge qui aurait une haute idée de sa fonction.
Comment s’en assurer ? Quelle sera l’opposition ? L’opinion publique, tout simplement. On peut oublier que la cohorte des députés du parti désormais premier est formée de promoteurs, et parmi ces promoteurs, de dirigeants sportifs et de promoteurs immobiliers, dont l’apport à la pensée politique universelle ne marquera pas l’Histoire. Celles et ceux qui satisfont à la double condition d’avoir plus de 40 ans et de s’intéresser à la politique savent pertinemment que le RNI n’est aucunement un parti à engagement politique et à positionnement éthique franc et massif.
Il est difficilement envisageable de trouver face à cette majorité peu politique vers laquelle on s’achemine une opposition résolument politique. Dispersée, faible, peu préparée, pour une part mortifiée, elle s’effacera au profit de la rue, qui fait aussi de la politique et qui observera tout cela, l’esprit certes ouvert mais les nerfs à fleur de peau tant les défis à relever sont nombreux et difficiles. Mais tout cela restera secondaire si le royaume s’enrichit, gagne en puissance et gagne des points.
Le chef du gouvernement désigné, lui, n’est pas non plus connu pour un ancrage ou un positionnement politique précis, mais il a montré ses capacités d’organisation et son talent à créer de la richesse. Jusque-là, il l’a fait pour lui-même, et il faut reconnaître que son passage de 14 ans à l’Agriculture aura, quoi que l’on en dise, changé les choses. Peut mieux faire certes, mais tout est perfectible.
Une partie importante de l’opinion publique, sur les réseaux, appelle depuis longtemps à un gouvernement technocrate. Le Maroc aura eu ce « génie » de s’offrir une majorité rompue aux affaires, laquelle majorité sera technocrate et, il est important de le rappeler au risque de se répéter, scrutée à la loupe. Les futurs ministres doivent savoir qu’ils n’auront pas le droit à l’erreur, et que s’ils sont technocrates, ils n’auront ni la latitude ni le loisir de se montrer ploutocrates. M. Akhannouch a donné l’exemple en se retirant officiellement et totalement de ses affaires commerciales ; l’opinion publique attend la même chose de ses futurs ministres.
Alors, quelle majorité et avec quels partis gouverner ? Les tractations ont déjà commencé, mais il faudra aller chercher dans la classe politique ces partis qui pourront apporter le quantitatif pour la majorité et le qualitatif pour le pays. Quel meilleur triptyque que les trois premiers partis, le PAM assurant l’effectif et l’Istiqlal la compétence ? On peut aussi y ajouter (ou pas) l’USFP qui offre des profils intéressants... Mais que des technocrates ! Aller chercher d’autres partis serait, selon un avis de plus en plus partagé, un gage douteux pour l’avenir.
Enfin, il est utile de rappeler à Ssi Akhannouch que s’il pâtit d’un déficit de popularité (il n’a finalement capté que le quart des voix et des députés), il peut en revanche gagner l’estime et la confiance, et cela sera tributaire de ses premières actions en tant que chef du gouvernement : de grandes décisions économiques (moins de rente, plus d’argent et d’audace), des initiatives en matière de libertés individuelles et peut-être aussi le vote d’une amnistie par sa majorité (on peut en douter, mais on peut aussi espérer…), et une meilleure communication. Il faudra oser et surprendre.
Les Marocains sont un peuple résolument optimiste et magnanime. Ils seraient prêts à tout accepter s’ils perçoivent de l’énergie positive. On verra bien.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com