Par Aziz Boucetta
Pour le RNI, la consécration est là et pour ses membres, les plus hauts du moins, le jour de gloire semble arrivé. Ils y ont cru et ils y sont arrivés. Ils dirigent désormais la majorité, qu’Aziz Akhannouch vient de présenter au bon peuple : avec le RNI, au panthéon, le PAM et le vieux et vénérable parti de l’Istiqlal qui s’est contenté de la troisième marche du podium.
Pourquoi parler du podium ? Parce que M. Akhannouch ne s’est pas trop compliqué la vie, prenant les deux premiers après lui et s’alliant avec eux pour former une majorité, puis un gouvernement, puis des conseils communaux, régionaux, provinciaux. Mais qu’on se le dise, c’est le RNI le chef, c’est lui qui dirigera la troupe, c’est ce qu’il attendait… et nous l’attendons au tournant.
1/ L’idéologie ou l’ancrage théorique. Il n’y en a pas, ou plus, malgré le positionnement conservateur de l’Istiqlal et son côté plus ou moins libéral, plus ou moins égalitaire, plutôt historique, et agissant ici comme une sorte de « caution morale »... Pour le RNI et le PAM, aucune idéologie connue en dehors du libéralisme tantôt éclairé, tantôt agressif.
Ainsi donc, la majorité est faite de bric et de broc, numérique, quantitative, et son avantage est d’avoir pu (et surtout su) attirer les élites entrepreneuriales pour le RNI, quelques profils académiques et universitaires pour l’Istiqlal, et pas grand-chose de connu pour le PAM.
L’opposition, pour sa part, est un véritable patchwork qu’on pourrait définir par défaut : « Font partie de l’opposition les partis qui n’ont pas été retenus dans la majorité ». Un peu de gauche (pour reprendre une nomenclature française), un zeste de régionalisme, un chouiya d’islamisme et un résidu d’administratif. On peut d’ores et déjà prédire que le parlement ronronnera, voire ronchonnera, cinq années durant…
2/ Le programme. On a vendu et même survendu le programme du RNI, dûment chiffré, résolument pragmatique, se voulant social,… L’Istiqlal, lui aussi, a produit un programme venu droit des cogitations parfois utopistes de ses économistes. Quant au PAM, de la prose, quelques chiffres, et surtout un secrétaire général qui a assuré le show.
On peut cependant être sûr d’une chose : à force de dire que ce seront des compétences qui siègeront au gouvernement, on comprend qu’au final, nous aurons des technocrates dont le seul objectif sera de mettre en place le Pacte national pour le développement. « Ce pacte pourrait être adopté de manière solennelle par les acteurs concernés et constituerait un engagement moral et politique fort devant Sa Majesté le Roi et la Nation tout entière », dit le rapport de la Commission Benmoussa. Il est là, le programme gouvernemental… et pour ceux qui veulent en savoir plus, cliquez ici.
3/ Les profils. Aziz Akhannouch aura la très lourde responsabilité de placer les compétences nécessaires aux fonctions adéquates, et on peut en douter, au vu de la composition de certains conseils communaux, comme celui de Casablanca par exemple. Il devra donc composer et, plus il composera et plus il négociera les fonctions et les postes, plus il perdra en crédibilité et en efficacité.
Comment, par exemple, justifier de la présence d’un Abdellatif Ouahbi, l’homme qui avait traité son désormais chef de tous les noms durant la campagne électorale ? Comment accepter au gouvernement la présence d’un homme qui avait fanfaronné un jour pas très ancien que soit il est chef de gouvernement, soit il plongera dans l’opposition ?
Et alors que plusieurs affaires relevant de la moralisation restent en suspens, la moindre n’étant pas celle exposée à l’examen du Conseil de la concurrence – que personne n’oublie parmi les observateurs –, il reviendra à M. Akhannouch de montrer qu’il a bien basculé de l’homme d’affaires qu’il fut (à ses dires) à l’homme politique qu’il dit être devenu (sans rire). En quoi faisant ? En tranchant sur les profils, en proposant au Roi des compétences qui n’ont rien sur la conscience…
L’avantage avec cette coalition et avec le RNI comme parti leader est qu’il ne faudra vraiment pas longtemps pour comprendre si elle réussira ou non. Si de grandes décisions ne sont pas prises tout de suite, sur les engagements et leur opérabilité, les ministres et leur efficacité, les politiques et leur crédibilité, alors autant attendre déjà les prochaines élections et tirer un trait sur les cinq années à venir.
Le triangle composé par les trois partis ne devra pas se transformer en Triangle des Bermudes où les illusions et les espoirs disparaissent…
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com