Entretien avec M. Abdelkrim BENNANI, Président de l’association Ribat Al Fath pour le développement durable
L’odj : Vous avez mis en place avec l'UMV de Rabat un partenariat pour la création d'une Chaire d'études et de recherche, en matière de développement durable. Que préconise cette charte ?
M. Abdelkrim BENNANI : L’Association Ribat Al Fath a, depuis 2003, recentré ses activités autour du développement durable. Elle milite depuis pour la culture dans nos comportements, nos études, notre formation, et dans tous les problèmes majeurs que connait notre pays, en matière de développement économique, social, culturel et environnemental.
Notre expérience cumulée en la matière n’a fait que renforcer nos choix et démontré que la politique de notre pays repose sur cette stratégie principale de développement durable. Le temps nous a d’ailleurs donné raison. Tout ce travail élaboré, à travers nos adhérents et experts en la matière, a permis aussi de mesurer la maturité de la société marocaine, quant à l’acceptabilité sociale des changements.
L’odj : Pourquoi ce passage vers la formation universitaire ?
M. A. B. : Le développement durable commence évidemment par la formation dans la petite cellule principale qui est la famille, puis par l’école primaire et secondaire. Seulement, on arrive à l’université mais avec moins de bagage qu’il n’en faut pour avoir un mode de réflexion sur ces problèmes majeurs de développement durable. L’étape suprême n’est autre que l’introduction dans le domaine universitaire. Notre projet, Chaire d’études sur le développement durable, a été soumis et accepté par la Présidence de l’Université Mohammed V de Rabat. Le groupe de travail constitué a finalisé le contenu de la convention et la Chaire sera hébergée, en premier lieu, à la Faculté des Sciences économiques, juridiques et sociales de l’Agdal, de l’UMV, avec laquelle nous avons des partenariats de longue date.
Une structure sera mise en place pour élaborer un programme d’étude annuel et permettre au milieu académique d’approfondir l’étude de ce champ disciplinaire stratégique en toute indépendance, de contribuer à son enseignement et à la réalisation de travaux transdisciplinaires. L’expérience de notre association sera mise à profit des étudiants qui vont poursuivre des études approfondies en développement durable et permettre d’avoir ainsi un véritable centre de recherche en la matière.
L’odj : La recherche dans ce domaine est une première au Maroc et une opportunité pour les deux partenaires. Quelle sorte de recherche est la cible ?
M. A.B. : C’est effectivement une première au Maroc, dans le domaine universitaire, mais nous ne voulons pas que cette idée de développement durable s’éloigne de la réalité de notre pays. Nous cherchons à développer notre pays par tous les moyens, mais dans un cadre spécifique et bien défini autour du développement durable et de l’environnement. La Chaire va donc se pencher sur cette question de la recherche en matière de développement durable.
Pour cela, nous nous basons sur l’un des discours d’il y a quelques années de Sa Majesté le Roi. Le plus important est de susciter une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et de développement, actuels et futurs, et d’identifier les meilleurs moyens d’y faire face, en termes de gouvernance, de sciences, de technologies et de renforcement de compétences. Notre but est justement le renforcement des compétences pour pouvoir agir au niveau de la gouvernance, de la diffusion des sciences, de l’appropriation des technologies et c’est exactement ce que Sa Majesté nous a tracé comme ligne de conduite en matière de développement durable.
Cette Chaire va permettre aux étudiants marocains de développer leurs compétences en la matière et de faire une véritable recherche qui ne restera pas dans les tiroirs comme ce qui se fait malheureusement un peu partout. Ce sera le moyen le plus sûr de concrétiser tous les programmes de développement, dans un environnement protégé sur le plan économique et social.
L’odj : Allier l’associatif à l’académique est une valeur ajoutée, qu’en pensez-vous ?
M. A. B. : C’est certain. La société civile a montré, depuis trois décennies, qu’elle pouvait apporter un plus dans la réflexion, mais également sur le terrain, étant aussi une force de proposition. L’association Ribat A Fath a agi depuis sa création dans ce sens. En se rapprochant de l’université, elle apporte son lot de connaissances et d’expériences, émet de nouvelles idées et enrichit la réflexion en matière d’enseignement et de formation. L’intérêt de tous se retrouve réuni entre pouvoirs publics, organismes élus et société civile. D’ailleurs, dans le Nouveau Modèle de Développement présenté à Sa Majesté le Roi, la société civile marque sa présence dans le système de développement du Maroc.
L’odj : La Charte porte-t-elle les valeurs du NMD ?
M. A. B. : En effet, la convention signée avec l’université stipule, dans ses missions, de valoriser les approches d’inter-normativité afin de mettre la question de développement durable en relation avec la transition énergétique, la croissance économique, le changement climatique, la sécurité et la technologie. Elle s’assigne aussi de promouvoir les études sur les systèmes terrestres afin d’examiner la part de responsabilité de l’Homme sur le bouleversement climatique et les solutions pour y remédier ; et de permettre d’analyser les corrélations entre inégalités sociales et environnementales. Ce qui est extrêmement important pour notre association, dans une perspective de justice environnementale et d’émergence de nouvelles politiques publiques durables.
Dans le cadre des Droits de l’Homme, la Chaire a pour rôle de contribuer à valoriser le droit à l’environnement en tant que droits de l’Homme et à la création d’offres pédagogiques favorisant des dynamiques entre les structures de recherche de l’université et la société civile pour ne pas rester éloigné du terrain. Cette dernière peut être un point de rencontre des uns et des autres pour compléter cette formation et pousser la recherche plus loin, en s’appuyant sur la réalité du terrain.
Il y a d’autres missions inscrites à cette Chaire comme encourager la création de masters ou de programmes de formation spécifiquement dédiés aux enjeux du DD, favoriser les échanges entre institutionnel et universitaire au travers de colloques, forums et rencontres aussi bien au Maroc qu’à l’étranger, puisque nous avons prévu de sortir du cadre purement classique, et permettre de développer la réflexion et le terrain.
Sur le plan pratique, nous avons proposé à ce que cette Chaire puisse contribuer à conclure un contrat doctoral, en vue d’effectuer des recherches de dimension internationale et régionale sur le développement durable, d’encourager la mobilité enseignant-étudiant afin de dynamiser les échanges universitaires et institutionnels autour des enjeux de développement durable et promouvoir le partage des connaissances. Et c’est cette idée qui a toujours été au centre de l’activité de l’Association Ribat Al Fath. La connaissance est la clé du développement et, le savoir et la culture sont des éléments essentiels pour le développement de notre pays.
La publication de tous les travaux qui sont en rapport avec les missions et les activités de la Chaire, reste un créneau très important. Nous avons prévu pour cela un petit comité scientifique qui devrait se réunir périodiquement pour le choix des publications à mettre à la disposition de tout le monde.
Entretien réalisé par Bouteina BENNANI