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Le véritable test pour l’Europe




Par Aziz Boucetta

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Le champ de bataille est toujours couvert par la fumée et les gravats, les combattants se faisant toujours face, le naseau soufflant et le cheveu tout aussi en bataille. Marocains et Espagnols ne sont toujours pas sortis de leur confrontation bilatérale, et la sortie de crise pourra prendre plusieurs formes, même les plus inédites. Ce n’est pas là qu’est le véritable test, mais un peu plus au nord, à Strasbourg, où le parlement européen est invité à prendre parti dans cette affaire. Ou non. Ou d’une manière judicieuse qui porte respect pour les deux camps.
 

Le jeudi prochain 10 juin de l’an de grâce 2021, les parlementaires européens devront débattre de deux motions visant en creux à « sanctionner » le Maroc pour son usage (supposé) de mineurs dans la crise qui l’a opposé – et l’oppose toujours, à l’Espagne. Une action européenne à l’ « ancienne », comme on punirait un mauvais élève pour une quelconque raison qui reste de la subjectivité du maître.
 

Cette approche relève en effet du passé et de l’Histoire, non du présent et de l’avenir qui devra nécessairement être co-construit, dans des règles de respect mutuel et de considération réciproque, sans esprit clanique ou étroitement européen. La semaine prochaine donc, les eurodéputés se prononceront sur cette affaire migratoire, occultant la véritable raison de la crise bilatérale entre l’Espagne et le Maroc, en l’occurrence l’accueil réservé à Brahim Ghali, chef du Polisario, entré en Espagne sous fausse identité pour le soustraire à d’éventuelles poursuites judiciaires pour crimes imprescriptibles (crimes de guerre et génocide). Il appartiendra aux Eurodéputés de traiter cette affaire dans sa globalité, par souci d’équité certes, mais aussi en préservation de l’ancrage moral de l’UE, et de ses intérêts matériels.
 

Il serait tellement heureux que nos amis européens intègrent dans leur réflexion politique le concept d’ « étranger proche », dont le Maroc constitue un pilier aussi porteur que prometteur. Le contraste pour ce point est flagrant entre le renoncement européen, volontaire ou pas, à ce concept et son intégration par des puissances plus éloignées, essentiellement les Etats-Unis de Joe Biden, la Chine de Xi Jinping et la Russie de Vladimir Poutine. Leur géopolitique africaine est de nature à éloigner le continent africain de l’Europe, bien plus que ne l’avait fait Héraclès voici quelques siècles… Aux Européens de choisir de renoncer à leur « étranger proche », ou non.
 

Les Européens seraient avisés de regarder leur réalité qui, aujourd’hui, consiste à être en délicatesse avec l’ensemble de leur voisinage, Turquie à l’est, Russie au nord, des prémisses de dissension avec le Royaume-Uni à l’ouest, suite à un divorce difficile appelé Brexit… et aujourd’hui, le risque de s’aliéner le Maroc, malgré sa loyauté passée, ses atouts présents et ses perspectives d’avenir, et pour la seule raison de la solidarité institutionnelle avec une Espagne dont les relations avec le Maroc relèvent fortement de l’historique bilatéral, en dépit du vœu de Madrid d’y impliquer l’Europe.
 

Le Maroc est une vieille, très vieille nation, qui fut un Empire, lequel avait entretenu des relations avec toutes les nations européennes actuelles… qui existaient alors. Le royaume fut également et de tous temps bien plus tourné vers l’Afrique que vers l’Europe, à l’exception des huit siècles de présence au sud de l’Espagne (ceci expliquant en partie l’hostilité abusive et peu contrôlée de certaines formations espagnoles à l’égard du Maroc).
 

Il appartient aux Eurodéputés, avant de voter ce jeudi, d’intégrer tous ces éléments, et surtout celui de la loyauté du Maroc à l’égard de l’ensemble des Européens, allant de son implication lors de la seconde guerre mondiale aux côtés des alliés (bien qu’il fut sous protectorat vichyste) à ses portes grandes ouvertes pour les investisseurs européens, dans le secteur automobile pour les Français, les services publics pour les Espagnols, l’énergie verte pour l’Allemagne, et bien d’autres secteurs… dans lesquels le royaume résiste aux pressions des autres puissances.
 

« Sanctionner » le Maroc reviendrait pour l’UE à rompre cette relation de confiance séculaire avec son « étranger proche », un concept que le Maroc a toujours su intégrer, y compris avec l’Algérie du temps où elle était possession française. Le Maroc est un pays pacifique et pacifiste, et il l’a à maintes fois prouvé. Qu’il s’irrite pour la question de Ghali est légitime et s’il y a eu crise migratoire dans l’intervalle, les crises se gèrent dans le respect mutuel.
 

Le vote du parlement européen de ce jeudi 10 est donc bien plus un test pour l’Europe qu’un casse-tête pour les Marocains qui ont montré et montreront encore bien des capacités de résilience.
 

A l’Europe de choisir.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com




Samedi 5 Juin 2021


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