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Le doux commerce, une mort programmée ?


Au début du XIXe siècle apparait pour la première fois dans le langage européen, le terme de libéralisme. Il exprime les doctrines des partis qui se crée autour d’une recherche de la garantie constitutionnelle des libertés individuelles, de l’essor économique et de la libre concurrence. Le grand let-motif du moment est d’assurer le bien-être de tous .



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Par Gabriel Banon

Le doux commerce, une mort programmée ?
Dans le sillage de Montesquieu, Albert Hirschman, économiste allemand puis américain, dans son livre « Les passions et les intérêts » nous parle du modèle normatif du « doux commerce ». Il y développe qu’au XVIIe et XVIIIe siècles, la reconnaissance de la capacité du commerce à réguler les passions violentes, notamment politiques, a favorisé des comportements orientés par le gain et a donc aidé au développement du capitalisme dans l’Europe des Lumières.

Le « doux commerce » décrit par Montesquieu n’a rien d’une doctrine. Catherine Larrère, professeur de philosophie émérite française, spécialiste de la pensée de Montesquieu, reprend le fil tissé par ce dernier pour repenser la généalogie de son paradigme libéral. Il n’y a pas de volonté, chez Montesquieu de chercher à proposer des lois universelles ; mais à comprendre des logiques locales, ses règles spécifiques. Pour Montesquieu, le libéralisme ne fait pas appel à une anthropologie réductrice il est d’abord un positionnement politique, bien plus qu’économique.

 Le doux commerce par les relations commerciales entre des pays, crée des liens d'interdépendance entre ces derniers, et ces liens incitent les gouvernements à éviter les conflits armés.  Mais depuis Montesquieu, nos temps modernes ont bouleversé les paradigmes qui régissent nos économies contemporaines, en entrant, de gré ou de force, dans l’ère du tout-numérique ! Au siècle des Lumières, Montesquieu a été le premier à établir un lien entre douceur et commerce.

Il a observé les logiques, les règles, les attitudes et les conséquences de ce qui sera qualifié beaucoup plus tard de « doux commerce » par l’économiste américain Albert Hirschman, notamment dans son essai Rival Views of Market Society, paru en 1992.

Pour Montesquieu, il était clair que civilisation et commerce allaient de pair, tout comme le commerce et la communication. Les notions émises par Montesquieu demeurent fort pertinentes. Oui, le commerce est pacificateur, il permet et même impose l’ouverture au dialogue, aux relations, aux accords en tout genre entre les peuples.

Le philosophe a d’ailleurs écrit : « L’histoire du commerce est celle de la communication des peuples. » Montesquieu a également mis en évidence, que le commerce se définit à l’origine dans son sens étymologique premier, qui fait référence à une attitude, à une posture de curiosité et d’ouverture envers l’autre. Bossuet évoquait quant à lui le comportement des êtres de « bon commerce ». Des individus motivés par l’échange et par le lien, une forme d’amabilité, d’humanisme. Montesquieu insiste sur l’effet naturel du commerce qui est de porter la paix.

Si, à l’origine, le métier de commerçant consistait à échanger les produits de son savoir-faire et à le proposer sous la forme d’un négoce agréable, force est de constater que l’organisation et les structures du commerce moderne ont rapidement vu apparaître les grands groupes qui font fi des échanges individuels.

Ces acteurs de poids ont tissé avec d’autres gros acteurs, industriels, producteurs ou fabricants, des liens privilégiés et affairistes. Les grandes chaînes de distribution ont dès lors, contrôlé les marchés sur deux axes principaux : le choix (le volume) et le prix. La qualité et la relation client sont ainsi passées au second plan, ces rôles relevant dès lors du marketing.

Depuis l’ode au « doux commerce », les époques et les générations ont changés.  Des modèles impersonnels, permettent à chacun de choisir et de commander de chez soi les articles de son choix, forçant ainsi les acteurs économiques à revoir la donne, toute la donne. 

Ce premier phénomène va-t-il redonner au « petit » commerce un regain d’énergie. Aujourd’hui, les boutiques artisanales et spécialisées font florès. Pour le reste, il y a Internet. Un dialogue inédit s’instaure, de multiples plateformes comprenant qu’il s’agit d’une variable indispensable de l’équation commerciale. Acheter en ligne est devenu un geste d’une facilité déconcertante. Ce n’est pas une mode passagère mais un mouvement de fond et ce pour toutes les générations. 

De quelques règles et préceptes édictés jadis par Montesquieu et Bossuet, des esprits sages et éclairés, un homme de notre époque viendra saisir les lois et leur sens. Le doux commerce passe aujourd’hui entre ses mains, l’essentiel est devenu la livraison, exit l’humain et sa relation avec l’autre. Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, n’est pas plus qu’un livreur. Rien n’est parfait, rien n’est idéal.

Ce modèle n’est pas porteur d’échanges comme on pouvait l’espérer. Il n’est pas culturel mais transactionnel. A terme, avec le concours de ces nouveaux industriels que sont les géants du web, il risque même de nous acheminer vers le nivellement et la dépersonnalisation de notre propre culture.

Rédigé par Gabriel Banon sur Gabriel Banon 

 



Mardi 30 Août 2022


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