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Un partenariat bilatéral, c’est un peu comme un ménage ; c’est dans les disputes que chaque membre se révèle… par ses mots et le niveau de son animosité. Le Maroc, dans sa relation avec l’Union européenne, a péché par naïveté, croyant avoir des amis déclarés là où il n’y a que des ennemis dissimulés. On le voit aujourd’hui dans le déchaînement de violence verbale et médiatique suite à la question de l’accueil de Brahim Ghali par l’Espagne.
Lors de l’éclatement de cette affaire, et alors même que le gouvernement Sanchez avait décidé de recevoir cet homme pourtant recherché pour des motifs aussi sérieux que graves, les Européens regardaient ailleurs. Dans la logique de l’Union, il semblerait que chaque pays garde la main sur son ancien pré-carré colonial, sans être questionné par ses pairs, et même quand il s’agit de droits humains, de justice et d’équité. Ainsi de la France au Tchad ou en Côte d’Ivoire, de la Belgique au Rwanda ou, aujourd’hui, de l’Espagne au Sahara.
Dans toutes ces affaires, la dissonance entre le discours de l’UE et de ses membres et leur pratique devient assourdissante. En un mot, la démocratie, les droits de l’Homme, le jugement de crimes de guerre peuvent très bien attendre, dès lors que les intérêts européens sont préservés. Et pour protéger ces intérêts, les Européens chassent en meute, dans une solidarité qui rappelle celle qui fut à la fin du 19ème siècle et tout au long du 20ème. Il en appellent à la dignité des peuples, foulant aux pieds celle des Etats…
Il aura donc simplement fallu que quelques milliers de migrants franchissent la frontière de Sebta (Ceuta en espagnol) pour qu’officiels allemands, belges, espagnols et même grecs entérinent d’un claquement de langue une présence intemporelle d’un pays sur le territoire d’un autre. Cela explique aujourd’hui clairement la position de l’UE dans la question du Sahara. Les enjeux économiques ne remettent aucunement en cause le double-jeu diplomatique ; on parle décolonisation pour le Sahara, mais on ne dit rien pour Sebta et Melilla.
Nous sommes certes en partie responsables de cette situation, par une économie inéquitable, par une répartition des richesses médiocrement ruisselante, par une classe politique timorée, par de larges franges de la société résolument, indiscutablement et inconditionnellement pro-européenne, ignorant ou feignant d’ignorer qu’ils sont aussi méprisés que les autres… Quand le Monde, ci-devant journal de référence internationale devenu avec le temps journal de préférence européenne, se permet de déverser volubilement sa bile sur le Maroc… quand d’autres médias européens et nombre de dirigeants du Vieux Continent usent de mots ou d’expression du type « chantage marocain », « agression marocaine », « pays sous-développé » à l’égard du Maroc qui leur accorde tellement d’avantages, cela est de notre faute ! Il nous appartient, à nous autres Marocains et à nos dirigeants, de remédier aussi profondément qu’urgemment à cet état de fait, sur les plans économique, social et politique.
2021 devrait constituer un tournant dans la perception que nous avons des Européens. Il n’y a rien de plus dangereux qu’un faible qui le sait. Face aux Russes, les Européens font de gros moulinets et s’inclinent. Face aux Chinois, ils se prosternent. Face aux Américains, ils sont, en dépit de leurs propos virils, très dociles. Face aux Israéliens, ils ferment les yeux, bouchent leurs oreilles, et cousent leur bouche, osant parfois un discret froncement de sourcil. Mais quand il s’agit du Maroc, par exemple, ils redeviennent ce qu’ils furent, une puissance dominante, et agissent comme ils le firent, en puissance prédatrice. Et dangereuse.
En un mot, comme en cent, pour convenir à nos « partenaires », il ne faut jamais s’énerver, se révolter… il est important de rester docile, gentil, muni d’un solide esprit de sacrifice et d’une louable propension à l’abnégation, et encore plus important de s’accommoder de ce plafond de verre de la contestation !
Et pourtant, nous avons bien des atouts à faire valoir et prévaloir, pour ceux qui veulent y croire : légitimité historique et politique (n’en déplaise au Monde et au monde), position géographique stratégique, richesses naturelles, présence diplomatique… Autant d’atouts pour faire oublier ces images des jeunes nageant vers Sebta, désastreuses pour notre fierté nationale avant que de l’être pour l’opinion mondiale… Nous avons les moyens de retenir nos jeunes et nos moins jeunes et, si nous savons y faire, nous avons des arguments pour faire revenir tant des nôtres à l’étranger.
Le seul problème que nous avons, en fait et dans les faits, ce ne sont pas les Européens, mais nous-mêmes, notre front interne, fait d’inégalités à corriger, de trop de prisonniers à élargir, ou juger, de trop de rentes à réviser, de trop d’insuffisances économiques structurelles à redresser.
Ce devra être la tâche du Maroc des années 2020.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com