Par Aziz Boucetta
Nouveau coup de chaud entre Alger et Rabat, très chaud cette fois ! Sitôt nommé à la tête de la diplomatie algérienne, Ramtane Laamamra a dégainé et repris son antienne favorite sur le « peuple sahraoui », sa « libération », son « droit à l’autodétermination », etc… L’ambassadeur marocain Omar Hilale à l’ONU, en réponse, détricote l’argumentaire de l’Algérien, puis monte d’un cran, évoquant le cas de la Kabylie. A Alger, tous les voyants rouges s’allument et le sang bouillonne…
Il semblerait que le très (trop ?) énergique Omar Hilale ait touché un point faible en Algérie, la Kabylie. En titillant Ramtane Laamamra sur cette question, le Marocain a sans doute forcé la dose, mais son raisonnement reste dans sa logique. Alger soutient le droit des peuples à l’autodétermination, soit… mais alors, explique M. Hilale, pour tous les peuples du coin, sans exclusive, Kabyles compris.
A l’instant même de l’annonce du retour de Ramtane Laamamra à la tête du ministère des Affaires étrangères, on pouvait s’attendre à un puissant clash entre lui et son homologue marocain Nasser Bourita ; les deux hommes sont des « durs » et sont connus pour cela, et leurs « retrouvailles » ruinent définitivement tout espoir de rapprochement entre les deux Etats, déjà très hypothétique. Mais, pour autant c’est la première fois que la position marocaine est aussi clairement et officiellement affichée à l’égard des Kabyles. Mais après tout, cette position est logique : « Amis et faux-frères Algériens, vous soutenez le Polisario ? Fort bien, et la Kabylie, qu’en faites-vous à part massacrer ses habitants, en silence ? ». Simple question marocaine, branle-bas de combat à Alger.
Il fallait s’y attendre et le prévoir. Cette fois, le gouvernement algérien pourra mobiliser sa population, lui expliquant que le Maroc en veut et s’en prend à son intégrité territoriale. On peut même dire que la sortie de M. Hilale est un précieux cadeau pour les généraux d’Alger, dans leur fol espoir de créer enfin une symbiose nationale, un rassemblement autour de fondamentaux nationaux, après 30 mois de hirak et de juste contestation de leur fausse légitimité.
L’opinion publique marocaine, pour sa part, constate que son pays est plus insulaire que jamais, sans ambassadeur à Madrid et à Berlin, avec une représentation hachurée à Paris, gérant une indélicate ingérence américaine, manipulant avec précaution les Chinois, guettant les Russes auxquels les Algériens ouvrent leurs cœurs et leurs bases navales… Et voilà qu’Alger rappelle son ambassadeur à Rabat qui ne semble pas vouloir répondre à l’injonction algérienne demandant une clarification de la position marocaine sur la Kabylie, arbitrairement rattachée jadis par la France à l'Algérie.
Les Marocains ont montré leur enthousiasme et très patriote adhésion à la stratégie diplomatique de leur gouvernement (et plus haut encore), boycottant l’Espagne et doutant de l’Allemagne, soutenant la reprise avec Israël et la bascule anglosaxonne qui s’opère et s’accélère. Aujourd’hui, ils ont plus que jamais besoin de comprendre les enjeux et d’apprendre de la bouche de leurs dirigeants ce qui se prépare car, nous voulons le penser et y croire, la saillie d’Omar Hilale n’est pas un simple coup de sang mais une stratégie méticuleusement pensée et soigneusement lancée.
Et si c’est une stratégie, des arguments doivent exister, et une partie d’entre eux (une partie seulement) doit être exposée, expliquée à une population qui ne demande qu’à être impliquée pour y adhérer. La question kabyle est importante, évoque l’Histoire et convoque la France, maîtresse de la genèse de cette Histoire et éventuellement, si elle veut, si elle comprend son implication et même désormais son exposition, grande-prêtresse d’un nécessaire rapprochement maghrébin.
Cela étant, la carte sécessionniste est toujours périlleuse entre les mains d’un Etat qui, pour la brandir, doit encore une fois mobiliser son opinion et la convaincre. Et pour mobiliser son opinion, il doit lui parler, lui expliquer, l’attirer à lui.
Le Maroc doit le faire parce que l’Algérie ne le fait ni ne le fera. Rabat a un avantage moral, qui pourrait être de courte durée si l’effort de communication n’est pas sérieusement entrepris et inscrit dans le temps.
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