Par Aziz Boucetta
Le peuple a placé sa formation politique en tête des législatives, et du reste, avec une participation record… le Roi l’a choisi au sein de son parti pour rassembler une majorité et former un gouvernement, et il ne lui manque que l’investiture du parlement pour devenir un chef du gouvernement parfaitement, totalement et entièrement légitime. Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture depuis 14 ans et homme d’affaires depuis toujours, dirigera l'exécutif pour les cinq années à venir. Que de chemin parcouru en quatre ans !...
Aziz Akhannouch est un homme méthodique et pressé. Il a pris la tête du RNI en octobre 2016, sans que personne ne s’y attende, à commencer par lui-même, qui déclarait quelques mois auparavant qu’à la fin de la législature 2011-2016, il s’en irait. Mais le destin est ainsi fait que, capricieux et espiègle, il imprime sa marque et détourne les trajectoires des uns et des autres.
Pourquoi a-t-il décidé, ce mois d’octobre 2016, de reprendre le flambeau d’une Colombe déprimée et passablement déplumée ? Lui seul (ou presque) le sait, mais ce que tout le monde a constaté, c’est sa débauche d’énergie pour esquisser l’ébauche d’un parti qui ressemble à quelque chose, un parti passé d’un bleu pâle à un bleu roi aussi éclatant que triomphant.
Le Maroc, aujourd’hui, s’inscrit dans la logique universelle voulant que les partis connus et reconnus comme vrais partis reculent, au profit de nouvelles formations (LREM, Syriza, Podemos…) ou de personnages emblématiques (Trump, Bolsonaro…). Le RNI, ci-devant morne et terne parti d’appoint, est devenu cette force irrésistible conduite par un homme qui a mis les moyens nécessaires pour atteindre ses fins, et on sait que la fin justifie les moyens, tous les moyens. Et en soutien aux moyens financiers jetés dans la bataille politique qu’il a gagnée, la restructuration du parti, la rationalité d’une action de longue durée et la discipline de fer imprimée à ses membres ont modifié le visage du RNI, et sont en passe d’imposer sa marque aux autres.
Et voilà qu’Aziz Akhannouch devient ce que beaucoup (dont l’auteur de ces lignes) ne voulaient, ou ne pouvaient, voir, en l’occurrence un chef politique de premier plan qui aurait contribué à une maturation de l’électorat marocain, lequel a cette fois moins signifié sa désaffection, moins voté par affection et plus par intérêt. M. Akhannouch est aujourd’hui chef du gouvernement d’un royaume qui, quoi que l’on en dise et malgré ses nombreux problèmes, se porte bien, malgré 10 ans de mandatures idéologiques islamistes, modérées certes mais islamistes et qui, mal menées et encore plus malmenées, ont ralenti la marche du royaume.
Mais comme le dit si élégamment Ali Bouabid, les Marocains ont prononcé leur divorce avec l’islamisme, mais ont entériné les noces du pouvoir et de l’argent, ce que la Commission Benmoussa dénonçait précisément, dans sa note sur la gouvernance : « La collusion et le conflit d’intérêts demeurent une préoccupation des différents acteurs. Ce chevauchement du pouvoir politique et de l’argent, néfaste à l’économie comme à la gouvernance est dénoncé vigoureusement par les citoyens, et pointé du doigt par les acteurs politiques et économiques » (Notes thématiques, pp 279/280). Il faut croire que les citoyens, par millions, ont décidé de passer outre, sans que cela signifie qu’ils accepteront les éventuelles, voire potentielles, outrances.
M. Akhannouch a gagné la bataille électorale, il lui appartient aujourd’hui de remporter celle de la confiance. Quelle que soit la configuration politique qu’il choisira pour gouverner, il n’aura pas de forte opposition politique, la vraie et seule étant celle de la rue et de l’opinion publique, ce qui est aussi reposant à court terme que porteur de risques à moyen et long termes. Les électeurs lui ont donné carte blanche pour appliquer son programme, sans pour autant lui remettre un blanc-seing. Il aura à remonter sa cote de popularité et de confiance, faire oublier les affaires en suspens (à défaut de les régler, ce qui entre nous soit dit serait mieux), et donner immédiatement des gages de bonne gouvernance. Car ce sont ces mêmes électeurs qui, voici trois ans seulement, avaient mené cette très dure campagne de boycott contre lui dirigée, il ne doit pas l’oublier. Aujourd'hui, ils lui ont confié une très large majorité, nationale, régionale et communale, ce qui le condamne à gagner !
La bonne gouvernance se verra dans ses premières décisions, dans l’audace qu’il montrera dans la composition de son gouvernement et dans la qualité de ses membres. Le gouvernement ne devra pas être un clan mais une équipe, ouverte sur la société. Aziz Akhannouch ne devra pas agir uniquement en capitaine d’industrie habitué à commander et à être obéi, mais aussi en chef politique astreint à écouter et contraint de s’exprimer, avec tous et sans langue de bois.
En plaçant le PJD aux affaires, les électeurs en attendaient une moralisation de la vie publique. Ils ne l’ont pas eue, ils ne l’ont pas vu, et ils l’ont sèchement renvoyé. Aujourd’hui, ils attendent de l’efficacité économique, de l’emploi, de la création de richesse collective ; s’ils ne voient rien venir, ou s’ils perçoivent des inégalités dans les traitements des problèmes, le péril guettera. L’opinion publique a semble-t-il oublié la moralisation, mais le prochain gouvernement ne doit pas la démoraliser.
La Colombe s’est envolée, elle est sur un nuage. Elle devra bien en redescendre et retourner aux réalités terrestres. Faisons confiance à Aziz Akhannouch, ne jugeons ni ne préjugeons à l’avance… et croisons les doigts, car effectivement, nous méritons mieux !
Bon courage à tous.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com