Par Aziz Boucetta
Rarement, voire jamais, une date d’élection a été aussi problématique… date et non calendrier d’élection car c’est en une seule journée que l’affaire sera réglée. En effet, le 8 septembre, les Marocains iront voter pour leurs conseillers communaux et régionaux et aussi leurs députés. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes s’il n’y avait cette pandémie qui n’en finit pas de ne pas finir…
Le 8 septembre est un mercredi, et de mémoire de Marocain, on n’a jamais connu cela, ou alors il y a longtemps, ou alors on a oublié… Le 8 septembre, c’est la première semaine du mois de septembre, celui de la rentrée, celui de la reprise, celui des grandes décisions et des fournitures scolaires, des frais de scolarité et autres dépenses. Le mois de septembre n’est pas le meilleur mois pour une élection dont personne, quelques semaines avant, ne semble vraiment se soucier.
On dit toujours et depuis toujours que telle élection est historique, que toutes les élections sont cruciales, primordiales, spéciales. Ils l’ont toujours dit et nous l’avons toujours entendu, mais cette fois, cela est exact. Pour plusieurs raisons : Dix ans de « gouvernement » PJD, une pandémie qui s’étire en longueur, une relance économique préoccupante, d’immenses chantiers ouverts (au national ou en diplomatie), un modèle de développement qui attend preneur gouvernemental… mais aussi des mesures restrictives qui sont reconduites pour un temps indéterminé, minant les campagnes qui devront se tenir durant le très chaud mois d’août, des gens qui ne paraissent pas irrésistiblement attirés par leur classe politique, et une classe politique qui s’étripe et fait tout sauf véritablement convaincre.
En effet, on entend à Fès que l’Istiqlal vit une cruelle saga familialo-politique sur fond de chabatisme ressuscité, et on apprend à Agadir qu’Aziz Akhannouch aimerait en être maire, pendant que partout ailleurs le mercato bat son plein et que les partis font le plein de candidats plus ou moins notables, plus ou moins louables. Le PAM, perdant ses jeunes espoirs et aussi tout espoir de briguer quelque rang intéressant, l’a mauvaise et le PJD tente tant bien que mal de masquer sa mauvaise gestion des villes. Et avec le nouveau quotient électoral, les petits partis caressent le fol espoir de conquérir un siège quelque part…
Résultat ? Maintenir des élections dans ces conditions est sans doute une chose heureuse pour les institutions, mais périlleuse pour le taux de participation. Car, pour résumer, il ne faudra pas attendre dans les bureaux de vote de la bousculade de populations prises dans leurs tourments habituels de la rentrée et de leurs craintes de la circulation d’un virus teigneux qui s’arcboute et s’accroche, de l’aveu même des autorités.
Il est certes exact de penser que puisque le scrutin est général, les communales attireront du monde qui votera également et par la même occasion pour les listes législatives, mais faire ce pari reste aléatoire car en cas de désintérêt des populations, le Maroc entamera ces cinq prochaines années avec une classe politique tout à fait légale mais peu légitime. Et Dieu sait que nous avons besoin d’institutions élues fortes et légitimes…
Maintenir cette élection sans contenir le Covid est hasardeux. Aussi, et face à ces mauvais présages, penser à reporter le scrutin de quelques semaines ou mois serait sage. Et peut-être qu’à Rabat, certaines voix sages pourraient se faire entendre.
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