Le moins que l’on puisse dire dans la zone Afrique du Nord est que les événements s’accélèrent, singulièrement, basculent les équilibres et bousculent les agendas de tous les pays de la région : Algérie, Maroc et Tunisie bien évidemment, mais aussi Espagne et France spécialement, et d’autres nations accessoirement.
L’année 2021, depuis son début, est particulièrement mouvementée au Maghreb. Le Maroc élargit son champ des possibles partenariaux, prend des risques en se projetant sur un axe anglosaxon tout en essayant de maintenir ses alliances traditionnelles européennes, qui se trouvent sérieusement bousculées en raison de la crispation de ces dites alliances anciennes face aux évolutions (silencieuses) de la diplomatie marocaine. L’Algérie officielle ne réussit pas à se mettre en place, avec un président faible de nature et un chef d’état-major affaibli par son histoire personnelle et son passé criminel. Quant à la Tunisie, elle plonge dès l’été dans une incertitude institutionnelle dont elle ne sort toujours pas.
Côté européen, les deux grands pays que sont la France et l’Espagne sont encore dans une incapacité de lire la nouvelle politique américaine de Joe Biden. L’UE comprendra plus tard, vers la fin de l’été que la politique de l’actuel président s’aligne sur celle de son prédécesseur, avec seulement des différences de forme. Au-delà de la zone indopacifique, l’Amérique s’intéresse désormais à l’Afrique, y déplace ses pions et œuvre à y placer ses champions.
Résultat : neuf mois après l’installation de Joe Biden, les crises dans cette région du monde sont multiples… Rabat en crise sérieuse avec Madrid et Berlin, bruits de bottes entre le Maroc et l’Algérie, coups d’Etat en cascade en zone Sahel et annonce de l’allègement de la présence française au Mali, accompagnée/précédée/justifiée par une arrivée massive des Russes et une installation militaire US, coup de force institutionnel en Tunisie et, récemment, coup de froid entre Paris et les trois capitales maghrébines et brutale crispation des relations algéro-françaises.
Tout cela ne peut être le fruit du hasard ou de la coïncidence, et il ne l’est pas car la région est devenue une priorité géopolitique des grandes puissances (Etats-Unis, Chine et Russie) qui effectuent une relecture de l’Histoire et une redistribution des alliances, et cela crée du remous ! Globalement, et pour résumer, l’Europe recule, les autres avancent. Il appartient à chaque pays de lire les défis qui se posent et de bien décrire les atouts des uns et des autres.
Pour sa part, le Maroc détient une position géographique d’importance. Jadis, dans les siècles passés, c’était le passage de Gibraltar. Aujourd’hui, c’est l’articulation du pays entre les différentes zones européenne, nord-africaine et sahélienne qui lui confère une importance géostratégique certaine. Le royaume est de fait au cœur d’une compétition mondiale encore peu connue voire méconnue : la lutte pour la conquête de terres rares, de cobalt, de lithium, de thallium… indispensables pour les hautes technologies et, en grande partie, pour les activités industrielles de pointe, les industries de l’armement et le grand remplacement de la voiture électrique…
Cela explique le soudain intérêt des Américains pour le Maroc et son Sahara, riche en terres rares, sachant que la Chine dispose d’une très longue avance sur ce marché et sur les sites d’extraction et de transformation. Et cela explique également l’énervement croissant de l’Algérie dont les ressources s’amenuisent pour l’export à mesure que sa production augmente et que les besoins domestiques continuent leur hausse.
Ainsi, Rabat occupe une position extrêmement sensible, à double titre : géopolitique, avec l’intérêt croissant des Américains pour une région où la présence de la Chine doit être combattue, et géostratégique avec les perspectives industrielles tributaires des terres rares, dont le royaume dispose en quantité considérable au Sahara et au large du Sahara.
Nous assistons donc à une brutale accélération de l’Histoire dans cette région qui, économiquement, devient aussi importante que l’indopacifique l’est sur le plan militaire. Les Etats-Unis l’ont compris, le Maroc l’a aussi compris, s’accrochant à l’Oncle Sam (et à ses alliés Anglais et Israéliens) … Reste à l’Union européenne de l’admettre, elle dont les quatre premières puissances sont en instabilité politique, plongées dans une incertitude face à ce monde qui change si vite…
Rédigé par Aziz Boucetta https://panorapost.com