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Elections 2021 Nizar Baraka : « Le Maroc a besoin de mesures pour rétablir la confiance et redynamiser l’investissement »




Par Yahya Benabdellah

C'est une interview riche en propositions et en analyses que Nizar Baraka a accordée à Médias24. Le secrétaire général de l'Istiqlal ambitionne de faire de la souveraineté nationale, au sens large, l'axe central du programme de son parti pour les prochaines élections. Vidéo et Verbatim. Pour ce deuxième rendez-vous avec les chefs de partis politiques, Médias24 donne la parole à Nizar Baraka, secrétaire général du parti de l’Istiqlal. Répondant aux questions de Mehdi Michbal, il a montré une certaine capacité à aborder les différents sujets tant économiques que politiques. Retrouvez la vidéo de l’interview en intégralité ci-dessous :

Verbatim :

Bilan de l’Istiqlal au gouvernement : le déficit budgétaire,…

Évoquant l’aggravation du déficit budgétaire lors de son passage au gouvernement jusqu’en 2013, il explique : « C’était une période difficile à gérer où la priorité était donnée à la stabilité du pays. Et nous avons bien fait car, grâce à cela, la confiance est revenue et le Maroc est considéré aujourd’hui comme un pays stable ».

« En 2012, à cause de ces décisions, le déficit budgétaire avait atteint 7,4% du PIB. En 2013, nous avions pris la décision de l’alléger de 15 milliards de dirhams, prélevées sur les crédits de reports, relatifs à des projets d’investissement qui n’allaient pas être exécutés, ce qui a diminué le déficit de 1,5 point », poursuit-il.

…, et la décompensation

Sur la contribution de l’Istiqlal à la politique de décompensation, il précise : « On n’a pas fait de décompensation, on a fait une indexation partielle. On considérait que l’État pouvait supporter jusqu’à 3% de PIB de compensation. Au-delà, il fallait répercuter le supplément sur le prix à la pompe. Avec l’arrivée du RNI, le gouvernement s’ inscrit dans un mouvement de décompensation totale, puis de libéralisation des prix. C’est ce qui a engendré une augmentation des marges bénéficiaires des entreprises aux dépens des citoyens ».

« C’est la classe moyenne qui a payé le prix de ces politiques. C’était aussi le cas au niveau des prix de l’eau et de l’électricité, on a vu des factures passer de 150 DH à 500 DH. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé dès 2008, d’introduire un référentiel de façon à plafonner les prix, sur la base des marges commerciales. Nous sommes maintenant au Maroc sur des marges commerciales qui atteignent 30%, alors que dans le monde, c’est autour de 7 à 10%  », ajoute-t-il.
 
 

« On se retrouve avec un conseil de la concurrence qui a du mal à émerger et des résultats qui peinent à sortir. Ces problèmes de concurrence constituent des éléments de blocage par rapport au développement économique du pays. A l’Istiqlal, nous appelons à libérer les énergies et à lever les barrières à l’entrée des marchés », réclame-t-il.

L’alliance tripartite de l’opposition

Expliquant la raison pour laquelle il n’a pas accepté de parler d’alliance avec le PAM et le PPS, il précise : « je ne peux pas parler d’alliance au nom de l’Istiqlal sans revenir au conseil national du parti. Cela n’empêche pas que nous avons pris des initiatives avancées dans le cadre de la coordination. L’alliance se matérialise par un document qui est basé sur un terrain d’entente et qui stipule qu’on sera tous dans le gouvernement ou tous dans l’opposition, afin de mettre en œuvre le programme commun. A aujourd’hui nous n’avons pas de terrain d’entente ou de programme commun. On ne peut pas anticiper cela et parler d’alliance à ce stade ».

D’autre part, il n’a pas souhaité prendre une position quant à la prochaine coalition. « Tout dépend des priorités du programme gouvernemental et de la capacité à l’exécuter » tient-il à .

La souveraineté nationale

« Le programme électoral de l’Istiqlal est axé sur le concept du renforcement de la souveraineté nationale. Avec la crise liée au covid, il est apparu qu’il est important de donner la priorité à la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire et la sécurité hydrique. Il est également question de la souveraineté économique pour garantir notre indépendance des institutions internationales, » révèle-t-il.

La préférence nationale

En matière d’économie, Nizar Baraka propose de « changer le concept de préférence nationale, pour privilégier l’entreprise qui crée le plus d’emplois au Maroc et qui a un contenu en devises le plus faible, qu’elle soit marocaine ou étrangère, à condition qu’elle soit installée au Maroc. Cela va favoriser indirectement la création d’emplois et de valeur ajoutée au Maroc ». 

« La situation actuelle encourage l’importation plus que la production. Le cas des nouveaux bus de Casablanca le prouve, il a fallu une seule autorisation pour les 700 bus importés de Turquie et 200 autorisations pour les 200 bus produits au Maroc. On a aussi des droits de douane sur les produits intermédiaires qui sont plus élevés que sur le produit fini, ce qui encourage l’importation plutôt que la production nationale ». Dans la même logique, il condamne ce qu’il appelle une aberration, « l’Etat donne un avantage qui est l’exonération d’impôts totale aux promoteurs immobiliers qui produisent du logement économique et ils partent acheter des matériaux de construction de l’étranger ». 

Par ailleurs, il a tenu à soutenir Moulay Hafid Elalamy, « pour la politique de substitution aux importations qu’il est en train de mener, en dehors du programme gouvernemental. Mais ce n’est pas une affaire d’un département précis au sein d’un ministère, cela doit être la responsabilité de tout le gouvernement ».

La couverture sociale

Au sujet du grand chantier de la couverture médicale et de la protection sociale, il précise sa préférence : « Il y a deux choix, soit on compte sur l’étranger pour importer les médicaments, soit on compte sur l’industrie pharmaceutique locale. Avant on couvrait 80% de nos besoins en médicaments par l’industrie locale, maintenant on est à 54% seulement, si on continue dans ce sens avec ce chantier de la couverture médicale, on risque de tomber à 30%. Ce que nous privilégions, c’est de donner la priorité à l’industrie nationale ».

« Il faut aussi que les hôpitaux publics soient plus compétitifs, afin que la couverture sociale profite également au secteur public  ».

L’agriculture
 
Au sujet du plan Maroc vert, il déclare : « La substitution de la céréaliculture par l’arboriculture dans les zones montagneuses était nécessaire, parce que le revenu était de 600 DH/ha par an, ce qui n’était pas suffisant. Par contre, ce qui était dans le plan Maroc vert et qui n’a pas été mis en place, c’est l’amélioration de la productivité de la céréaliculture au Maroc, notamment dans les zones irriguées. L’objectif était qu’on arrive à 60 millions de quintaux par an, quelle que soit la pluviométrie, chose qui n’a pas été réalisée. Dans notre programme de souveraineté alimentaire, c’est l’un des axes fondamentaux ». 

Il ajoute : « L’autre problème, c’est qu’on a axé la stratégie sur la production et on a oublié la commercialisation. C’est le cas de la pastèque, dont la production dépasse la demande du marché et a fait que les prix s’effondrent. La même chose est arrivée dans les agrumes, il y a deux ans. On va avoir le même problème demain sur les dattes de type Majhoul. Il y a donc un grand problème de suivi et de contrôle, on ne peut pas continuer à subventionner la surproduction dans des filières qui courent à leur perte ».

Les objectifs électoraux

L’ambition de Nizar Baraka pour ces prochaines législatives est d’« augmenter le nombre de parlementaires de 40 à 50%, pour atteindre 75 à 80 députés. Nous agissons pour arriver premiers. On est un parti de cadres et un parti de masses, on a tout pour convaincre et mobiliser la population dans le sens des réformes que nous voulons ».

« Les provinces du sud constituent effectivement une force pour notre parti, grâce à notre attachement historique à la cause de l’intégrité territoriale. Mais nous faisons également le pari de reprendre les grandes villes. Dans les dernières élections, nous avons échoué dans plusieurs grandes villes, y compris des villes qui étaient des fiefs du parti comme Marrakech et Fès. Nous comptons aussi sur la région du nord et l’ensemble du territoire marocain » annonce-t-il.

La crise économique

« Nous aurons en 2021 une croissance moins forte que la moyenne internationale, qui ne permettra pas de revenir aux niveaux d’avant pandémie. La croissance potentielle du Maroc a baissé. Cela est dû à la rentabilité des investissements publics qui a baissé de moitié, le contenu en emplois de la croissance a diminué de moitié et pire encore la dynamique de l’investissement n’est plus au rendez-vous, car la confiance a été perdue » regrette-t-il.

« Si on enlève les crédits Damane Oxygène et Damane Relance qui ont permis à quelques entreprises de résister, les crédits d’équipement ont accusé une baisse à deux chiffres. Nous avons aussi beaucoup d’argent qui est sorti des banques, c’est de l’ordre de 45 milliards de DH. Nous avons aujourd’hui besoin de mesures pour rétablir la confiance et redynamiser l’investissement ».

Le différend avec Chabat

Répondant à une question sur la situation du parti à Fès, il déclare :« J’ai été élu au 17ème congrès de l’Istiqlal sur un programme qui vise à tourner la page de la phase précédente, à en finir avec le populisme, les insultes et les pratiques qui ne s’inscrivent pas dans les valeurs de notre parti. Heureusement, pendant ces quatre ans de mon mandat, on a rectifié le tir, en donnant plus d’importance à la pensée, à la proposition d’alternatives, au renforcement de l’action politique et du plaidoyer en faveur des citoyens. Nous nous sommes ainsi mobilisés au parlement en faveur de projets de lois, telle que celle sur les conflits d’intérêt qui malheureusement n’a pas été soutenue par le gouvernement ».

« L’investiture du parti est conditionnée par l’action politique du militant et notamment pour un député, par son rendement au parlement et par son image dans l’opinion publique », poursuit-il,.
 
« A Fès on a aujourd’hui plusieurs militants qui ont déposé leurs candidatures à l’investiture aux prochaines élections, une commission spéciale se penchera dessus et se prononcera prochainement. A aujourd’hui Hamid Chabat n’a toujours pas déposé sa candidature. Il a jusqu’à lundi [5 juillet 2021] pour le faire », révèle-t-il.

La course aux notables

Avouant que ce phénomène est fort présent dans tous les partis, il affirme que « les notables ont encore une importance dans le pays. C’est dû à la culture ambiante dans la société, mais aussi au mode de scrutin. Quand on est passé d’un scrutin uninominal à un scrutin de liste, on a élargi les circonscriptions électorales, ce qui a fait que pour réussir, il faut avoir des moyens conséquents et une présence sur le terrain assez large. Ceci a créé un problème, puisque le citoyen se sent plus proche de son élu, ce qui a des conséquences sur le niveau de participation aux élections ». Il a toutefois tenu à préciser que « les personnes qui ont rejoint l’Istiqlal, l’ont fait par conviction, on n’a rien à leur donner en retour ».

Sa candidature aux prochaines élections

A la question de savoir s’il compte se présenter encore une fois à Larache, il annonce : « Je me présenterai si je suis investi par le parti. Mais nous préférons trouver celui qui a le plus de chance de réussir, si quelqu’un a plus de chances de l’emporter à Larache , alors on l’appuiera. 

Interrogé sur la raison du choix de Larache, il explique « Je suis moi-même originaire de Moulay Abdeslam Ben Mchich, qui fait partie de la circonscription de Larache. Pour la famille El Fassi, il faut se rappeler du rôle essentiel qu’a joué Abou Mahassine El Fassi Fihri, dans la bataille de Oued El Makhazine, qui s’est déroulée près de Ksar El-Kébir. Les habitants se souviennent aussi du bilan positif de Abbas El Fassi dans cette circonscription. Nous entretenons, donc, un attachement familial et historique avec ce territoire ».

Les propos de Jouahri

En réaction aux propos de Jouahri, il répond : « le choix démocratique signifie qu’on ne peut plus faire appel aux technocrates pour sauver le pays, car ils ne sont pas faits pour assumer la responsabilité politique auprès d’un citoyen qui ne les a pas élus. On ne peut pas bâtir cette démocratie sans partis politiques forts. Le point important pour nous est d’affirmer que les partis possèdent des cadres compétents. Nous sommes ouverts à ce que davantage de compétences intègrent les partis, pour qu’ils aient une vision politique et qu’ils puissent mettre en œuvre cette vision sur le terrain. C’est ce qu’on appelle le techno-politique ».

« Jouahri est une personnalité éminente qui a beaucoup donné au pays, qui a une grande expérience que ce soit dans le domaine politique, ou dans le domaine des finances. Ce qu’a dit Abdellatif Jouahri, on l’avait aussi dit à plusieurs reprises, quant à la crise de confiance vis-à-vis des partis, elle existe, c’est indiscutable », concède-t-il.

« Mais en même temps, nous considérons que cette crise, il faut la surmonter, en faisant une auto-critique et en mettant à niveau les partis politiques. Le PI l’a fait depuis le 17ème congrès, en faisant une croix sur le discours populiste, les insultes et la personnalisation des problèmes, pour aller vers un discours réaliste qui propose des solutions et des alternatives pour le développement du pays », explique-t-il. 

Il continue : « Nous donnons une grande importance à la crédibilité de notre discours qui signifie qu’on tient à honorer nos engagements. Nous ne ferons de propositions que si nous pouvons la réaliser sur le terrain ». « Jouahri, depuis sa position comme gouverneur de BAM, a le droit de défendre les équilibres macro-économiques dans notre pays » ajoute-il.

« Nous sommes ouverts aux technocrates pour qu’ils intègrent le parti », tient-il enfin à rappeler.

Rédigé par Yahya Benabdellah sur https://www.medias24.com



Lundi 5 Juillet 2021


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