Par Aziz Boucetta
Faut-il croire que le PJD est plus démocrate qu’une partie des démocrates de ce pays ?... Car malgré avoir reconnu sa cuisante défaite aux élections du 8 septembre, il n’aura pas empêché le déversement de propos injurieux et méprisants contre ses cadres battus. Après la déroute du PJD aux dernières élections, un nombre considérable de commentateurs connus ou anonymes, tous se revendiquant de modernité, se sont acharnés contre Saâdeddine Elotmani et ses ami(e)s.
« Vae victis *» (malheur aux vaincus !), semble être le cri de guerre de ces gens, une fois le PJD à terre, foulé aux pieds et affublé, lui et ses dirigeants, des pires épithètes et de sobriquets humiliants qu’on est allé puiser dans notre darija, très riche en la matière. On peut certes plaisanter des malheurs d’un adversaire politique, c’est de bonne guerre, mais la guerre politique a aussi ses règles. Le PJD est arrivé triomphalement par les urnes, il l’a quitté piteusement de la même manière, et cela suffit !
Le PJD a conduit le gouvernement, bon an mal an, durant dix ans. Ses chefs ont représenté le Maroc dans des cénacles et aréopages mondiaux et ses ministres ont signé des accords et des conventions en notre nom à tous. Ce parti est arrivé premier par trois fois, aux législatives de 2011 et de 2016 et aux communales de 2015.
L’insulter et mépriser ses dirigeants revient à nous insulter et nous dévaloriser nous-mêmes. Accabler ses électeurs est annonciateur de tensions sociales dont nul n’a besoin, étant entendu que ces mêmes électeurs ont admis la défaite, et pour dire vrai la débâcle de leurs champions. A l’inverse, reconnaître que le PJD et ses ouailles ont intégré leur défaite (même en râlant un peu) est signe de maturité politique de la part de celles et ceux qui ne les aiment pas.
Il est important d’intégrer que la frange conservatrice religieuse existe dans notre société et que comme les progressistes, les libéraux ou d’autres encore, à la condition qu’ils respectent la loi, elle a parfaitement le droit d’être représentée dans les institutions élues. Et la démocratie est ainsi faite qu’elle assure l’alternance dans les fonctions de responsabilité. C’est à ce prix que nous pourrons avoir une société apaisée, tolérante envers l’Autre, intégrant les différences et gérant les différends.
Le PJD est un parti démocratique, on doit en convenir et le saluer pour cela. Le lendemain de sa défaite, son ancien chef Abdelilah Benkirane a appelé à la démission de ses dirigeants, et le Secrétaire général, avec son bureau, ont de fait annoncé leur démission le jour même, appelant à la tenue d’un conseil national extraordinaire, lui-même prélude à la convocation d’un congrès tout aussi extraordinaire, et c’est ainsi que cela se produit dans les grandes démocraties.
Ignorer cela, humilier le vaincu et mépriser ses électeurs sont des actes et actions qui empêcheront l’intégration du PJD dans le tissu politique, sachant qu’ils furent une partie importante de notre électorat et qu’ils pourraient le redevenir à l’avenir, si Aziz Akhannouch et sa future équipe ne font pas le travail.
Il est vrai que le PJD fit autrefois montre d’arrogance et d’hégémonisme, alors qu’il n’était que le simple vainqueur d’une élection dans un système politique complexe… Il est bon de rappeler que M Benkirane avait lié la stabilité du royaume au magistère de son parti, mettant en avant l’intégrité de ses membres et exaltant leur ancrage au sein de la société. Il oubliait que l’honnêteté est pourtant la règle et la norme et qu’être intègre ne saurait remplacer un programme et une action politiques. De l’immaturité politique, de l’inexpérience pratique ? Sans doute, et cela a valu au PJD cette cuisante défaite du 8 septembre dernier, quand les électeurs ont massivement voté pour l’efficacité… car son succès provenait de la désaffection des électeurs ; il aura suffi que le taux de participation augmente pour que le score du PJD s’effondre.
Quant à Saâdeddine Elotmani, il a su montrer en fonction l’ascétisme que tout le monde lui reconnaît. On peut même soutenir que le jour même où il s’est installé à la Primature, il a accepté de sacrifier ses convictions sur l’autel de l’intérêt supérieur du pays, ainsi que nous l’avons constaté à maintes reprises. Son œuvre restera dans les esprits associée aux dizaines de couleuvres qu’il a avalées, acceptant de signer l’accord avec Israël pour éviter un camouflet international au pays, entérinant la loi sur le cannabis pour ne pas freiner le développement des provinces du Nord et, surtout, laissant ses ministres partisans se pavaner devant les télévisions durant la crise Covid en acceptant en toute conscience de jouer les mauvais rôles qui lui ont tant coûté en popularité ! Dans cette crise et dans les grands événements que le Maroc a connus cette dernière année, M. Elotmani a su privilégier l’éthique à la politique.
Le PJD est aujourd’hui anéanti et déchiqueté, en lambeaux et fragmenté ; il paie le prix de son immaturité politique. Laissons-le se relever sans l’accabler et, ce faisant, nous soutiendrons et renforcerons notre démocratie en transition éternelle.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com