Quels sont les raisons qui ont poussé le ministre Chakib Benmoussa à mettre en place ces conditions ? Sont-elles légales ? Le ministère a-t-il basé ses décisions sur des études et des données scientifiques ? S'agit-il de « solutions novatrices » promises par le ministre aux contractuels mécontents de ne pas être rattaché à la fonction publique ? Quel est le sort de milliers de candidats potentiels de plus de trente ans, ou de diplômés qui ne trouvent pas d’emploi ? Le ministère a-t-il pensé aux conditions de travail du personnel enseignant et à leurs salaires limités ?
Les raisons de la circulaire
Avant de détailler les conditions contenues dans l'annonce d'ouverture d'un concours pour l'embauche de 15 000 enseignants, Benmoussa appelle à prendre en considération le contexte dans lequel s'inscrivent ces conditions afin que les grands objectifs ne se perdent pas dans une discussion stèrile sur les mesures d'accompagnement.
Selon Benmoussa : « Ces conditions font partie d’une réforme globale ». Le ministre a souligné le fait que « le gouvernement s'est engagé à répondre aux attentes des citoyens, au cœur desquelles se trouve le besoin d'une école de qualité, qui contribue à la diffusion des valeurs citoyennes, contribue au progrès social, et permet aux citoyens actifs d’obtenir des diplômes et ainsi participer au développement du pays ». Il explique que « cet engagement découle des résultats du nouveau modèle de développement, qui est l'expression des attentes de tous les Marocains, qui disent que l'école publique a perdu leur confiance et a besoin d'une réforme globale ».
Cette réforme porte sur les conditions d'accueil, le cadre de la scolarisation, les méthodes pédagogiques adoptées, et l'ouverture de l'école sur son environnement. Le personnel enseignant a, selon lui, le droit de bénéficier de la considération requise, d’un soutien constant, d’une formation continue et d’une assistance pour faire son devoir de la meilleure façon possible.
Benmoussa assure à ce titre que ses « nombreuses sorties sur le terrain, alors qu'il étudiait l'opinion des enseignants, qu'une grande partie d'entre eux n'est pas satisfaite des conditions de travail, de l'image de l'établissement d'enseignement, qui a perdu beaucoup de son attrait, et des résultats médiocres, exprimant le besoin urgent de réforme dans le secteur ».
Pour accéder à « l'école de la qualité », le ministre estime que le métier d'enseignant doit retrouver son attractivité, afin qu'il devienne « un métier que les gens choisissent par conviction, comme cela arrive avec tous les métiers nobles, comme la médecine, l'ingénierie ou l'aviation ». Pour atteindre cet objectif, « nous ne pouvons pas brûler les étapes. Au contraire, les hommes et les femmes de l'éducation doivent être la pierre angulaire de la réforme, en les choisissant parmi les meilleurs étudiants », a-t-il expliqué.
Conscient que cette seule condition n'est pas suffisante pour avoir le corps enseignant souhaité. Ceux qui seront sélectionnés passeront un concours afin d’accéder aux centres de formation, et « ils passeront la plus longue période possible, c'est-à-dire de 6 à 7 mois, pour être dans les établissements en septembre 2022. Après une évaluation positive de leur formation, et en tant que stagiaires, ils doivent passer un an de pratique sous la supervision de professeurs et de superviseurs, après quoi ils deviennent officiellement des enseignants ».
Ce à quoi le ministre s'est engagé, c'est « que ce processus se passe en toute transparence pour tous ceux qui souhaitent accéder à ces centres, que toutes ses étapes soient réglementées, et que l'on sélectionne les meilleurs étudiants qui choisissent le métier d'enseignant, avec un rappel constant des objectifs, qui sont de restaurer la confiance en l'école publique ». Pour cette raison, le ministère a préparé « une équipe spéciale chargée d'organiser ce concours afin qu'il se déroule dans les conditions appropriées ».
L’argument légal
Certains soutiennent que les décisions de Benmoussa ne sont pas en accord avec la loi fondamentale de la fonction publique, qui fixe l'âge légal d'embauche à 45 ans, et le règlement de base des académies régionales d'éducation et de formation, qui le fixe à 40 ans. Selon la lecture juridique du ministre de ces lois, « rien n'empêche que ces mesures soient prises. Chaque profession a besoin de ses propres règles, et vous retrouverez les mêmes conditions fixées lors des concours pour les juges ou le personnel sécuritaire ». Il argumente entre autres que « cette condition d’âge limite à 30 ans était auparavant pratiquée dans les centres régionaux et, pour diverses raisons, cet âge a été relevé dans un contexte spécifique ».
Benmoussa se défend par deux piliers principaux de sa conviction qu'un jeune âge est une bonne condition d'exercer la profession d'enseignant. Le premier est, ce que disent les experts spécialisés dans les centres de formation, que l'âge a un impact sur le degré de rendement des différentes formes de formation, et même sur les performances futures. « La profession à un âge avancé n’est pas exempte d’effets négatifs », soutient-il.
« Un certain nombre de professeurs quittent l'enseignement dans le cadre d'une retraite anticipée, et un certain nombre d'entre eux quittent lorsqu'ils atteignent l'âge légal de la retraite. Devant cela, nous ne serons pas confrontés au même cheminement ni aux mêmes résultats lorsque nous embauchons des trentenaires, comme c'est le cas des plus de quarante ans. Dans le premier cas, les résultats sont meilleurs » argumente-il.
« Il s'agit d'un aspect de réforme lié aux ressources humaines, qui est essentiel, mais sans négliger d'autres aspects qui concernent la gouvernance du système, l’action pédagogique, les moyens, et les conditions d'accueil… » poursuit-il. Le ministre promet « qu'un moment viendra où il présentera une « vision intégrée de réforme du système d'éducation et de formation », en concertation avec les syndicats et les acteurs, et en collaboration avec les parties prenantes, et avec la société civile.
Les programmes gouvernementaux précédents ont-ils été vains ?
Une question pertinente se pose avec urgence. Le gouvernement précédent a adopté deux programmes pour compléter la formation. Le premier concerne la formation de 10 000 cadres avec un coût qui a atteint plus de 16 milliards de centimes, et le deuxième devait compléter la formation de 25 000 licenciés dans 13 métiers de l'enseignement avec environ 60 milliards de centimes, alors ces programmes et ces fonds sont-ils allés en vain ?
Selon le ministre : « le nombre de cadres exerçant dans les sciences de l'éducation est très peu nombreux aujourd'hui au Maroc, ne dépassant pas 1500, ce qui est un chiffre faible ». C’est la raison pour laquelle ils doivent avoir un certain avantage. C’est aussi pour cela qu’ils ont été exclus des nouvelles conditions. Nous allons travailler avec le ministère de l'Enseignement supérieur pour augmenter les inscriptions dans ces centres de formation pédagogiques ».
Cependant, des milliers de diplômés seront sidérés de voir s’évanouir la dernière chance qu'ils attendaient pour sortir du chômage. A ceux-là, le ministre répond que « cette problématique est essentielle, et que nous devons créer des opportunités d'emploi au sein du tissu économique du pays, en facilitant les investissements nationaux et étrangers, et en accompagnant, encourageant et en finançant les initiatives privées dans ce domaine ». A cet égard, il donne l'exemple du programme 250 000 offres d'emploi qui permet aux personnes, y compris celles qui n'ont pas de diplôme, d'entamer un cheminement de carrière, leur permettant d'acquérir de l'expérience, et conclut que « quels que soient les efforts de la État, la fonction publique ne peut pas créer suffisamment d'emplois ».
Un nouveau système pour l'éducation des femmes et des hommes
Le ministre a évoqué l'existence de solutions innovantes qui attendent les professeurs, les cadres des académies. Il y a lieu de se demander quelles seront ces solutions. « Il y a des solutions immédiates, et d’autres qui ont besoin de temps pour être mises en place », explique-t-il.
Benmoussa aspire à parvenir, avec les syndicats, à un « nouveau statut pour le personnel de l’enseignement », ainsi que des solutions innovantes à la situation des cadres des académies, « parce qu'il y a une prise de conscience que les conditions de travail du corps éducatif sont importantes et essentielles pour atteindre la qualité souhaitée.
Quel budget pour la réforme ?
Benmoussa estime que le chemin de la réforme dans le secteur de l'éducation est long, et son début doit être construit sur des bases solides qui contribuent à faire de ce chemin un succès à chaque étape. Cela engagera un effort de financement que nous demanderons au gouvernement. Ces moyens doivent être utilisés à bon escient. Une partie ira bien entendu au corps enseignant, mais l’autre concernera les aspects pédagogiques et les moyens de travail.
En définitive, les arguments du ministre à ce sujet demeurent flous, voire pas très convaincants, pour les cohortes de diplômés chômeurs qui voient une autre porte se fermer devant eux dans leur quête d’un emploi stable. Il y a lieu de croire que cette réforme fera couler beaucoup d’encre, et sera sujette à de nombreuses contestations. Wait and see…
Les raisons de la circulaire
Avant de détailler les conditions contenues dans l'annonce d'ouverture d'un concours pour l'embauche de 15 000 enseignants, Benmoussa appelle à prendre en considération le contexte dans lequel s'inscrivent ces conditions afin que les grands objectifs ne se perdent pas dans une discussion stèrile sur les mesures d'accompagnement.
Selon Benmoussa : « Ces conditions font partie d’une réforme globale ». Le ministre a souligné le fait que « le gouvernement s'est engagé à répondre aux attentes des citoyens, au cœur desquelles se trouve le besoin d'une école de qualité, qui contribue à la diffusion des valeurs citoyennes, contribue au progrès social, et permet aux citoyens actifs d’obtenir des diplômes et ainsi participer au développement du pays ». Il explique que « cet engagement découle des résultats du nouveau modèle de développement, qui est l'expression des attentes de tous les Marocains, qui disent que l'école publique a perdu leur confiance et a besoin d'une réforme globale ».
Cette réforme porte sur les conditions d'accueil, le cadre de la scolarisation, les méthodes pédagogiques adoptées, et l'ouverture de l'école sur son environnement. Le personnel enseignant a, selon lui, le droit de bénéficier de la considération requise, d’un soutien constant, d’une formation continue et d’une assistance pour faire son devoir de la meilleure façon possible.
Benmoussa assure à ce titre que ses « nombreuses sorties sur le terrain, alors qu'il étudiait l'opinion des enseignants, qu'une grande partie d'entre eux n'est pas satisfaite des conditions de travail, de l'image de l'établissement d'enseignement, qui a perdu beaucoup de son attrait, et des résultats médiocres, exprimant le besoin urgent de réforme dans le secteur ».
Pour accéder à « l'école de la qualité », le ministre estime que le métier d'enseignant doit retrouver son attractivité, afin qu'il devienne « un métier que les gens choisissent par conviction, comme cela arrive avec tous les métiers nobles, comme la médecine, l'ingénierie ou l'aviation ». Pour atteindre cet objectif, « nous ne pouvons pas brûler les étapes. Au contraire, les hommes et les femmes de l'éducation doivent être la pierre angulaire de la réforme, en les choisissant parmi les meilleurs étudiants », a-t-il expliqué.
Conscient que cette seule condition n'est pas suffisante pour avoir le corps enseignant souhaité. Ceux qui seront sélectionnés passeront un concours afin d’accéder aux centres de formation, et « ils passeront la plus longue période possible, c'est-à-dire de 6 à 7 mois, pour être dans les établissements en septembre 2022. Après une évaluation positive de leur formation, et en tant que stagiaires, ils doivent passer un an de pratique sous la supervision de professeurs et de superviseurs, après quoi ils deviennent officiellement des enseignants ».
Ce à quoi le ministre s'est engagé, c'est « que ce processus se passe en toute transparence pour tous ceux qui souhaitent accéder à ces centres, que toutes ses étapes soient réglementées, et que l'on sélectionne les meilleurs étudiants qui choisissent le métier d'enseignant, avec un rappel constant des objectifs, qui sont de restaurer la confiance en l'école publique ». Pour cette raison, le ministère a préparé « une équipe spéciale chargée d'organiser ce concours afin qu'il se déroule dans les conditions appropriées ».
L’argument légal
Certains soutiennent que les décisions de Benmoussa ne sont pas en accord avec la loi fondamentale de la fonction publique, qui fixe l'âge légal d'embauche à 45 ans, et le règlement de base des académies régionales d'éducation et de formation, qui le fixe à 40 ans. Selon la lecture juridique du ministre de ces lois, « rien n'empêche que ces mesures soient prises. Chaque profession a besoin de ses propres règles, et vous retrouverez les mêmes conditions fixées lors des concours pour les juges ou le personnel sécuritaire ». Il argumente entre autres que « cette condition d’âge limite à 30 ans était auparavant pratiquée dans les centres régionaux et, pour diverses raisons, cet âge a été relevé dans un contexte spécifique ».
Benmoussa se défend par deux piliers principaux de sa conviction qu'un jeune âge est une bonne condition d'exercer la profession d'enseignant. Le premier est, ce que disent les experts spécialisés dans les centres de formation, que l'âge a un impact sur le degré de rendement des différentes formes de formation, et même sur les performances futures. « La profession à un âge avancé n’est pas exempte d’effets négatifs », soutient-il.
« Un certain nombre de professeurs quittent l'enseignement dans le cadre d'une retraite anticipée, et un certain nombre d'entre eux quittent lorsqu'ils atteignent l'âge légal de la retraite. Devant cela, nous ne serons pas confrontés au même cheminement ni aux mêmes résultats lorsque nous embauchons des trentenaires, comme c'est le cas des plus de quarante ans. Dans le premier cas, les résultats sont meilleurs » argumente-il.
« Il s'agit d'un aspect de réforme lié aux ressources humaines, qui est essentiel, mais sans négliger d'autres aspects qui concernent la gouvernance du système, l’action pédagogique, les moyens, et les conditions d'accueil… » poursuit-il. Le ministre promet « qu'un moment viendra où il présentera une « vision intégrée de réforme du système d'éducation et de formation », en concertation avec les syndicats et les acteurs, et en collaboration avec les parties prenantes, et avec la société civile.
Les programmes gouvernementaux précédents ont-ils été vains ?
Une question pertinente se pose avec urgence. Le gouvernement précédent a adopté deux programmes pour compléter la formation. Le premier concerne la formation de 10 000 cadres avec un coût qui a atteint plus de 16 milliards de centimes, et le deuxième devait compléter la formation de 25 000 licenciés dans 13 métiers de l'enseignement avec environ 60 milliards de centimes, alors ces programmes et ces fonds sont-ils allés en vain ?
Selon le ministre : « le nombre de cadres exerçant dans les sciences de l'éducation est très peu nombreux aujourd'hui au Maroc, ne dépassant pas 1500, ce qui est un chiffre faible ». C’est la raison pour laquelle ils doivent avoir un certain avantage. C’est aussi pour cela qu’ils ont été exclus des nouvelles conditions. Nous allons travailler avec le ministère de l'Enseignement supérieur pour augmenter les inscriptions dans ces centres de formation pédagogiques ».
Cependant, des milliers de diplômés seront sidérés de voir s’évanouir la dernière chance qu'ils attendaient pour sortir du chômage. A ceux-là, le ministre répond que « cette problématique est essentielle, et que nous devons créer des opportunités d'emploi au sein du tissu économique du pays, en facilitant les investissements nationaux et étrangers, et en accompagnant, encourageant et en finançant les initiatives privées dans ce domaine ». A cet égard, il donne l'exemple du programme 250 000 offres d'emploi qui permet aux personnes, y compris celles qui n'ont pas de diplôme, d'entamer un cheminement de carrière, leur permettant d'acquérir de l'expérience, et conclut que « quels que soient les efforts de la État, la fonction publique ne peut pas créer suffisamment d'emplois ».
Un nouveau système pour l'éducation des femmes et des hommes
Le ministre a évoqué l'existence de solutions innovantes qui attendent les professeurs, les cadres des académies. Il y a lieu de se demander quelles seront ces solutions. « Il y a des solutions immédiates, et d’autres qui ont besoin de temps pour être mises en place », explique-t-il.
Benmoussa aspire à parvenir, avec les syndicats, à un « nouveau statut pour le personnel de l’enseignement », ainsi que des solutions innovantes à la situation des cadres des académies, « parce qu'il y a une prise de conscience que les conditions de travail du corps éducatif sont importantes et essentielles pour atteindre la qualité souhaitée.
Quel budget pour la réforme ?
Benmoussa estime que le chemin de la réforme dans le secteur de l'éducation est long, et son début doit être construit sur des bases solides qui contribuent à faire de ce chemin un succès à chaque étape. Cela engagera un effort de financement que nous demanderons au gouvernement. Ces moyens doivent être utilisés à bon escient. Une partie ira bien entendu au corps enseignant, mais l’autre concernera les aspects pédagogiques et les moyens de travail.
En définitive, les arguments du ministre à ce sujet demeurent flous, voire pas très convaincants, pour les cohortes de diplômés chômeurs qui voient une autre porte se fermer devant eux dans leur quête d’un emploi stable. Il y a lieu de croire que cette réforme fera couler beaucoup d’encre, et sera sujette à de nombreuses contestations. Wait and see…