Par Bargach Larbi
La tenue de tables rondes en présence de représentants officiels algériens n’arrange pas non plus le gouvernement algérien. Ce n’est pas en adéquation avec leur discours ni avec les contradictions de leurs postures. Ils se disent non concernés et uniquement impliqués dans la défense du droit des peuples de disposer d’eux même. Pourtant, en dehors de toute consultation populaire, ils ont créé la soi-disant République Arabe Sahraoui Démocratique. Une pseudo république qu’ils ont fait reconnaitre par un grand nombre de pays. Ces pays, pour donner de la crédibilité a leur démarche n’ont pas manqué d’ouvrir des ambassades, à Alger ou Tindouf et ont contribué à l’admission de cette entité à l’OUA, aujourd’hui Union Africaine. On se demande parfois pourquoi l’Afrique, indépendante depuis les années 60, est mal partie ? La réponse est sous nos yeux.
Pour les personnes de bonne foi, qui ne connaissent pas le dossier, ce conflit relève du droit international, ce qui revient à dire que sa solution doit tenir compte de la réalité du terrain et de la volonté des populations concernées. C’est normal pour un dossier inscrit sur l’agenda de la 4ème commission de décolonisation de l’ONU. Ils ne savent pas que son maintien dans cette commission est, en grande partie, le résultat de l’activisme de la diplomatie algérienne. Elle peut compter sur des alliés nostalgiques de la guerre froide et l’ultra gauche occidentale. Cette dernière s’engage souvent sur la base de principes idéologiques déconnectés de la réalité.
Sur le plan international ce conflit est catalogué de basse intensité, tous les rapports de l’ONU en conviennent, seuls quelques communiqués de l’agence de presse algérienne et de sa filiale du Polisario prétendent le contraire. Pascal Boniface, un géopoliticien respecté dans les tous les milieux y compris à gauche, ne classe pas le sujet du Sahara parmi les principaux conflits. Dans son livre « La géopolitique. 50 fiches pour comprendre » il parle de tous les conflits préoccupants, Gaza, Liban, Ukraine, Iran, Syrie, Yémen, Libye, Taiwan, Corée, Soudan, Mali et même de l’Inde et du Pakistan mais pas un mot sur le Sahara. Il ne lit décidément pas les journaux algériens et n’écoute pas leur ministre des Affaires Etrangères qui, toute honte bue, font le parallèle avec le conflit du Proche Orient. Un rapprochement indigne et disqualifiant pour ceux qui en font un argument. C’est une insulte pour les nombreux marocains qui expriment régulièrement leur solidarité avec le peuple palestinien, en toute liberté. Ce n’est pas le cas de la plupart des autres pays arabes, empêchés par leurs régimes de manifester. Ils craignent certainement que les éventuels manifestants se retournent contre leur propre autorité.
C’est une question de droit international, disent-ils, sans définir ce droit et surtout sans préciser le pourquoi de la situation. Le droit international régit les relations entre états et organisations internationales. Il se distingue structurellement des autres systèmes juridiques. Il ne dispose pas de juridiction coercitive et chaque état est libre de consentir ou pas à une décision, quelle qu’elle soit. Cela veut dire en langage courant, que le droit international ne s’impose pas et n’a aucun moyen de s’imposer sauf si les deux parties se mettent d’accord. On retrouve souvent la phrase « une solution mutuellement acceptable » à la fin des résolutions onusiennes. On ne peut être plus clair. Les états qui se respectent acceptent de soumettre leurs litiges à des instances internationales et négocient leurs différents sous leur égide.
C’est le cas du Maroc qui, en 1962, a sollicité l’ONU pour trancher deux questions de décolonisations avec l’Espagne : Sidi Ifni et le Sahara dit « espagnol » à l’époque. C’est donc le Maroc qui a introduit le dossier au sein de la 4ème commission de décolonisation. Il l’a fait parce que ces deux territoires n’ont pas fait l’objet de l’accord de fin de protectorat du 7 avril 1956 signé avec l’Espagne.
En fait l’Espagne, qui a rejoint la France dans sa volonté de mettre fin au système de protection prévalant sur les territoires conquis en 1912, a dissocié ces territoires de ceux qu’elle avait conquis auparavant. C’est ainsi que Sidi Ifni et les provinces sahariennes Cap Juby, Saquia El Hamra et Oued Eddahab sont restées sous domination espagnole avec la promesse d’en discuter rapidement la restitution. Deux ans plus tard, la situation n’a pas évolué. On sait aujourd’hui que les deux anciens protecteurs, France et Espagne se sont alliés pour maintenir le dossier en l’état. L’Espagne a découvert du phosphate à Bou Craa et voulait garder un pied à terre en Afrique et la France engagée dans la guerre d’Algérie a compris qu’elle avait plus intérêt à un voisinage espagnol, au sud de l’Algérie française, qu’à une présence marocaine qui ne manquerait pas d’offrir une base arrière au FLN. Avec la même logique la France va favoriser la création de la Mauritanie, une ancienne province marocaine. Elle soutiendra à cet effet l’indépendantiste Mokhtar Ould Daddah au détriment des partisans du rattachement historique au Maroc, Fall Ould Oumeir et Dey Ould Sidi Baba.
C’est dans ce contexte que la révolte de l’armée de libération de 1958 s’est enclenchée. Elle sera matée par une riposte militaire conjointe franco-espagnole connue sous le nom d’opération Écouvillon. L’armée de Libération sera dissoute et ses troupes intégrées au sein des Forces Armées Royales. En contrepartie le Maroc va obtenir la restitution immédiate de Cap Juby, c’est-à-dire Tarfaya et sa région et l’ouverture de négociations pour la restitution de Sidi Ifni et les deux autres provinces sahariennes.
Ces négociations ne seront jamais engagées. Le gouvernement espagnol, sous divers prétextes, va multiplier les demandes de reports. Ces atermoiements vont obliger le Maroc, deux ans après la restitution de Tarfaya, à recourir à l’ONU et à introduire le dossier au niveau de la 4ème commission de décolonisation. Depuis il n’en est plus sorti alors que le motif de son entrée n’est plus d’actualité. Le dossier présenté par le Maroc visait la restitution, par l’Espagne, de Sidi Ifni et les deux provinces sahraouis restantes. C’est fait depuis. Cette demande marocaine sera polluée par une demande additive émise par la Mauritanie, indépendante depuis 1960. Cette dernière s’est porté candidate à la restitution des provinces sahariennes. Est-ce une suggestion française ? Personne ne peut le dire avec certitude. Il reste que De Gaulle nourrissait une rancœur persistante à l’égard du Maroc. Probablement la conséquence du soutien sans faille du Maroc à la résistance algérienne. Une partie de l’armée des frontières était hébergée au Maroc et les armes destinées au FLN, transitaient par le port de Casablanca et Figuig avant d’être remises à l’armée de libération algérienne de l’intérieur.
Cette démarche mauritanienne compliquait le dossier de parachèvement de l’indépendance nationale. L’ONU en 1965, après 3 ans de reports et de négociations, va demander à l’Espagne de restituer Sidi Ifni et d’organiser un référendum d’autodétermination pour les deux provinces sahariennes. Une décision logique mais complétement injuste à l’égard du Maroc. Le référendum n’a été demandé ni pour la restitution de Cap Juby (Tarfaya) ni pour celle de Sidi Ifni.
En 1969, Sidi Ifni était restituée au Maroc. Les deux autres le seront en 1976 et en 1979 sans effet sur le dossier à l’ONU, toujours pendant au sein de la 4ème commission de décolonisation. En 1976 le retour de Saquio El Hamra fera l’objet d’un accord entre le Maroc, la Mauritanie et l’Espagne, c’est-à-dire les deux parties demanderesses à l’ONU et la partie occupante l’Espagne. La Mauritanie « récupérait », l’entre guillemet à toute sa place dans ce dossier, Oued Eddahab. Une récupération logique si l’on se fie à l’énergie qu’ils ont mis dans leurs prétentions mais complétement irrationnelle, ils vont y renoncer très vite. C’est la preuve que leur démarche n’avait rien de patriotique et qu’elle était télécommandée de l’extérieur. Quelques années plus tard la télécommande va changer de propriétaire. C’est l’Algérie, sortie particulièrement renforcée des deux crises pétrolières de 1973 et 1979, qui va l’utiliser.
Dès 1979 elle obligera la Mauritanie à se retirer des accords de Madrid. Un coup d’état fomenté en juillet 1979 mettra au pouvoir un nouveau président, très sensible aux arguments d’Alger. A l’époque les changements de régimes par coup d’état étaient courants et acceptés par la communauté internationale. C’est toujours le cas mais aujourd’hui on condamne l’action avec hypocrisie et beaucoup d’aplombs. Le nouveau pouvoir s’est empressé de reconnaitre la RASD, une république aussi crédible que les titres fonciers du « Monopoly », à la différence que ses dirigeants et leurs enfants bénéficient de beaucoup de moyens et de logistiques. Faut-il rappeler que ce soi-disant « pays » est membre de l’Union Africaine et qu’il produit zéro dollar de PIB. Il dispose de beaucoup plus de moyens que l’autorité palestinienne dont le PIB est de 15 milliards de dollars. Cette reconnaissance s’est accompagnée de la signature des accords d’Alger du 5 août 1979 qui stipulent le retrait de la Mauritanie de Oued Eddahab et son remplacement par le Polisario. Hassan II a eu vent de cet accord, il a envoyé des troupes pour protéger Dakhla et s’est appuyé sur l’extraordinaire résistance d’un bataillon installé à Bir Anzarane.
La bataille de Bir Anzarane est sans aucun doute la plus importante de l’histoire militaire récente de l’armée royale. En remportant cette bataille le Maroc a pu libérer Dakhla le 12 août et ramener les chouikhs de la ville pour prêter allégeance à Hassan II le 14 août 1979.
Elle aura une suite militaire avec des incursions par le Polisario, sous mode guérillas, dans des villes marocaines, Tantan sera même occupée une semaine, jusqu’à la construction du mur et la signature d’un cessez-le-feu.
Depuis le dossier est entre les mains du Conseil de Sécurité de l’ONU. Des propositions de règlement, y compris à travers une consultation populaire, ont toutes échouées. Le blocage ne provenait ni du Maroc ni du Polisario. Un nombre important de membres du bureau politique du mouvement l’ont quitté pour rejoindre le Maroc lorsqu’ils se sont rendus compte que leur direction jouait une partition algérienne, plus exactement en phase avec le vrai détenteur du pouvoir l’armée. Bouteflika a compris qu’il était dans une impasse et a senti, avant tout le monde, le vent tourner.
L’arrivée de Mohammed VI au pouvoir a changé la donne. Il a déchargé les walis des responsabilités sécuritaires pour les orienter vers le développement des infrastructures économiques et logistiques. Laâyoune, Dakhla, Smara et les autres villes du sud marocain prenaient leur envol pour devenir des villes modernes attrayantes en décalage absolu avec les campements en dur de Tindouf. Bouteflika savait que le match était fini, il a tenté d’ouvrir une brèche et a proposé à James Baker le partage du Sahara. Une tentative vaine mais qui a le mérite de souligner l’impasse dans laquelle était en train de s’enfermer le régime algérien. Une fois encore la prétendue volonté de faire respecter les droits des peuples était bafouée.
Le Maroc va lui offrir une porte de sortie. Dans un souci de règlement définitif de cette question, le Maroc va proposer l’autonomie sous souveraineté marocaine. Une autonomie négociée par les parties en présence et soumise au vote populaire avant sa mise en œuvre. Cette proposition, très généreuse au demeurant, ne peut que satisfaire les sahraouis, y compris les indépendantistes d’entre eux. Ceux qui ne sont pas soumis au dictat algérien l’ASVDH et la CODESA l’ont bien compris. Le refus algérien a plusieurs explications : ils se voient privés définitivement d’un territoire qu’ils convoitaient et craignent d’avoir à intégrer tous les faux sahraouis et les mercenaires qu’ils ont recruté pour créer un semblant de réalité autour de l’arnaque « RASD ».
Le drame pour eux, c’est que cette proposition prospère et qu’elle engrange des soutiens puissants, auprès des membres du Conseil de Sécurité mais aussi de puissances économiques reconnues. Le risque de voir cette affaire définitivement pliée est grand. La diplomatie algérienne n’a jamais été autant active et autant explicite. Elle a obtenu une décision judiciaire condamnant les accords économiques entre l’UE et le Maroc. Une victoire à la Pyrrhus, elle sanctionne l’Europe, ce que les européens ont bien compris. Plus grave, l’armée algérienne se déploie du côté de Tindouf. Ce n’est pas pour faire la guerre mais pour faire pression sur les instances internationales. Le monde occidental craint l’ouverture d’un nouveau front et fera tout pour l’empêcher, l’Algérie fait miroiter ce risque pour éviter que le Conseil de Sécurité ne se prononce définitivement en faveur du Maroc. Il n’y aura pas de guerre, selon toutes vraisemblance, on ne s’engage pas dans une guerre sans être sûr de la gagner d’une part et, on ne fait pas la guerre pour autrui sans mandat onusien d’autre part. L’Algérie ne prendra pas, non plus, le risque de voir une partie de son territoire occupé en cas de victoire marocaine. L’incertitude du résultat découragera tous les décideurs.
La perte de sang-froid est palpable chez les voisins. Ils se sont engagés dans une guerre médiatique sans précédent, tous médias confondus. Les journaux télévisés ne manquent aucune occasion d’évoquer le Maroc. Jusqu’à 3 sujets peuvent être consacrés au Maroc au cours d’une seule édition. Les journaux ne sont pas en reste, ils titrent régulièrement sur l’actualité marocaine. Les arrestations de marocains résident en Algérie se multiplient pour espionnage et trafic de drogue.
Une campagne destinée à la consommation locale parce qu’en réalité tous les marocains ne sont pas indésirables. L’instauration des visas s’est accompagnée d’une campagne téléphonique invitant les artisans à régulariser rapidement leurs situations. Ils contribuent, par leur travail, au récit d’une culture algérienne ancestrale que le Maroc aurait volé. Des caricatures ignobles sont publiées sur des sites officiels, c’est un comportement indigne, de voyous sans aucune relation avec la culture et les traditions algériennes.
La question du Sahara était pour le régime algérien une manœuvre pour accéder à l’atlantique et de s’assurer un leadership sur la région. C’est devenu une question existentielle.
Des chiffres affolants circulent sur les réseaux sociaux. Ils émanent de Wikileaks. Ils disent que l’Algérie aurait dépensé en pure perte 280 milliards de dollars pour maintenir en vie le dossier. Il faudra qu’un jour les responsables, de cet énorme gâchis, rendent des comptes. Ceux aux commandes n’ont qu’un objectif retarder l’échéance. En face, le Maroc est droit dans ses bottes, il n’a pas bougé d’un iota lorsque les Etats Unis ont voulu lui imposer la solution proposée par Christopher Ross, l’homme d’Alger. Il a su résister à l’Espagne, à la France et tant d’autres pays et de régimes légitimes. Attendre une année de plus ne lui fait pas peur.
Bargach Larbi