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Un répit hydrique qui interroge plus qu’il ne rassure


Rédigé par le Jeudi 3 Avril 2025

Une hausse des réserves hydriques qui redonne espoir mais ne règle rien
La reprise agricole sous surveillance pour éviter une rechute hydrique
Une opportunité pour réformer en profondeur la gouvernance de l’eau



Et l’eau revint, mais pour combien de temps ? L’embellie qui pourrait nous endormir

Depuis quelques mois, les visages se détendent. Les barrages marocains, après des années de sécheresse implacable, se remplissent à nouveau. On entend même certains parler d’un « tournant ». Faut-il s’en réjouir ? Sans doute. Mais faut-il baisser la garde ? Certainement pas.

Le dernier bilan communiqué par le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, révèle une hausse significative des ressources en eau depuis septembre dernier : plus de 3,2 milliards de mètres cubes ont été enregistrés, portant les réserves à un niveau suffisant pour assurer l’approvisionnement en eau potable pendant environ 15 mois. Ce n’est pas rien. C’est même 2 milliards de plus qu’à la même période l’année dernière. Pour un pays qui vit depuis près d’une décennie sous la menace permanente du stress hydrique, c’est une véritable bouffée d’oxygène.

Mais ce répit, aussi bienvenu soit-il, doit être perçu comme une pause, pas une victoire.

L’étude « Water Insights 2025 » confirme une évolution importante : les Marocains sont désormais plus conscients de la rareté de l’eau et de l’urgence d’en faire bon usage. Mais cette conscience se heurte à deux murs : le coût et la culture. Pour de nombreux ménages, surtout dans les zones rurales ou en périphérie urbaine, s’équiper d’installations économes en eau ou adopter des systèmes de récupération reste inaccessible. Le prix des technologies dites “vertes” demeure un obstacle réel, et les habitudes enracinées dans des gestes anciens – souvent gaspillants – résistent au changement.

La promesse du ministre est claire : pas de coupures cet été. « Grâce à Dieu, nous pourrons surmonter les difficultés dans la distribution d’eau potable dans certaines régions pendant l’été », a-t-il déclaré sur 2M. Certes, cela fait du bien d’entendre ces mots dans un pays où, chaque été, les habitants de plusieurs villes et douars se préparent à vivre au rythme des coupures.

Mais que cache réellement cette assurance ? La météo a été généreuse, mais la situation reste fragile, d’autant que la demande augmente sans cesse, portée par l’urbanisation, le tourisme et l’agriculture intensive. Et c’est précisément là que le bât blesse.

Les agriculteurs, jusqu’ici à sec, voient enfin s’ouvrir la porte d’une reprise. En 2023, ils n’avaient eu droit qu’à 900 millions de m³ d’eau pour l’irrigation, loin des 3 milliards habituels. Cette année, la réouverture des vannes est progressive, presque timide : seuls 55 % des ressources mobilisables ont été utilisées, contre 85 % en période normale.

Le ministère mise sur une approche prudente. Et il a raison. Car chaque litre alloué à l’agriculture est un litre qui n’ira pas dans les robinets des ménages. L’équation est connue, mais devient de plus en plus explosive.

Ce que les experts martèlent, c’est que l’abondance ponctuelle ne doit pas faire oublier la tendance lourde : le Maroc est et reste un pays structurellement vulnérable au changement climatique. La guerre de l’eau n’est pas finie. Elle vient à peine de commencer.

Si cette embellie peut être une opportunité, elle ne peut en aucun cas justifier un relâchement. Il est temps d’accélérer la modernisation des réseaux d’eau, de renforcer les infrastructures de dessalement et de réutilisation, mais aussi de mieux réguler les usages agricoles. Et surtout, il faut instaurer une vraie pédagogie de l’eau, qui parle aux citoyens avec honnêteté : ce n’est pas parce que les barrages débordent aujourd’hui qu’ils ne se videront pas demain.

L’eau coule à nouveau, mais l’histoire récente nous a appris à nous méfier des miracles climatiques. Gérer ce répit avec intelligence, c’est préparer l’avenir sans naïveté. Car au Maroc, l’eau a souvent le goût de la précarité.

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Jeudi 3 Avril 2025


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