Par Mustapha Sehimi
Sur les conditions de la préparation, il y a évidemment beaucoup à dire: la forme présentielle couplée à la digitale. Par suite des contraintes de la Pandémie, cela n'assure pas - qu'on le veuille ou non - un climat de forte ferveur militante: tant s'en faut.
Le processus de préparation et de désignation des quelque 1.300 congressistes n'échappe pas à la critique : il a été en effet contesté par des candidats avec une bonne quinzaine de procédures judiciaires en annulation - sans succès; le travail de la commission préparatoire pâtit de ce fait d'un déficit de crédibilité et surtout de légitimité. Enfin, ce qui n’est pas le moins préoccupant: la candidature du Premier secrétaire actuel qui a déjà accompli deux mandats pour un troisième a posé problème. Les statuts ont été modifiés suivant une procédure sujette à caution par un conseil national de circonstance alors que seul le congrès peut le faire.
Des règles de jeu ont donc été changées en pleine partie - pas de quoi plastronner en matière d'éthique politique alors que cette formation se présentait naguère comme un parangon de la moralisation des mœurs partisanes et politiques. Si bien que tout est joué, Driss Lachgar ne pouvant dans ces conditions qu'être de nouveau investi par les présentes assises à l’"africaine »…
Pas de valeur ajoutée
Un congrès donc pour Driss Lachgar. Mais a-t-on affaire un congrès pour l'USFP ? Ce Premier secrétaire a un profil qui présente bien des traits particuliers. Il a été député durant vingt-trois ans (juin 1993 - octobre 2016). Il a été aussi membre du cabinet Abbas El Fassi, en charge des Relations avec le Parlement (janvier 2010- janvier 2012). Depuis, il n'a plus, semble-t-il, qu'une seule ambition: le retour à la ministrabilité. Abdalilah Benkirane (2012-2016) n'en a pas voulu; son successeur à la tête de l'exécutif, Saâdeddine El Othmani (2017-2021) non plus. Il paraît inconsolable, surtout que le nouveau Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, ne l'a pas proposé dans son équipe.
Plus encore: la formation socialiste qui avait retrouvé une place d'allié dans le cabinet PJD sortant, n'a pas été retenue en octobre 2021 dans la nouvelle majorité. Une leçon bien amère pour cette formation historique issue du mouvement national: elle n'apporte plus aucune valeur ajoutée. Déjà corsetée comme allié supplétif dans le cabinet sortant, la voilà aujourd'hui -et pour la présente législature -traitée comme des partis dits "administratifs" tels l'UC et le MP rejetés, eux aussi dans l'opposition.
Comment rebondir ? Quel souffle peut donc bien avoir et retrouver ce XIème congrès? La référence à la fidélité ? Le parcours de cette formation depuis plus de deux décennies n'incline pas à donner une réponse affirmative. Où est en effet le référentiel socialiste original ? Le parti s'est gouvernementalisé après le cabinet avant d'alternance (1998-2002). A cette date, la "ligne" Abderrahmane El Youssoufi, n'avait pas été validée par les caciques de cette formation: celle d'un retour à l'opposition. "La méthodologie démocratique" n'ayant pas été respectée alors avec la nomination de Driss Jettou à la tête du cabinet.
Puis, ce fut une ligne participationniste, à tout prix, jusqu'à janvier 2012. Pourquoi une telle évolution ? Les aisances des "statuts" octroyés alors; un déclin des ferveurs militantes, tant de profils n'en pouvant plus d'être en liste d'attente ; un fort déficit de militantisme de proximité et de terrain par suite de la gestion confortable des postes et des responsabilités dans le champ institutionnel. Autant de piste,... Mais cela suffit-il pour autant ? Rien n'est moins sûr.
Il faut bien faire référence à la gouvernance de ce parti telle qu'elle a été pratiquée surtout par Driss Lachgar depuis dix ans. Avait-il la légitimité nécessaire ? A-t-il été un rassembleur ? Son action ne s'est-elle pas apparentée à des actes et à des ressorts de chef de clan ? Nombreux, dans les rangs socialistes, sont ceux qui lui font ce procès et ce depuis des années. Il a en effet beaucoup fait pour prendre en main l'appareil; pour placer les siens ; et pour écarter tous ceux qui pouvaient faire de la "résistance" et être de potentiels « frondeurs ».
En tout cas, la majorité d'entre eux ont quitté le parti, avec amertume. Et tristesse - un déchirement parce qu'un ittihadi a un patriotisme partisan historique. Ils n'ont pas rejoint d'autres formations, Par nature et par cohérence avec leurs convictions. Et Driss Lachgar, de son côté, n'a rien fait pour une politique de main tendue de réconciliation. Et de dialogue. Ce XI ème congrès va-t-il changer cette donne ? Ce serait une divine surprise en tout cas…
Profession de foi
Autre difficulté tout aussi importante: que peut être l’USFP en 2022 et au-delà? Elle se fixe comme cap l'agenda électoral 2026. Elle compte alors se classer dans le peloton de tête. Reste la faisabilité de cette profession de foi. Le document politique soumis aux présentes assises est intéressant à relever. Le projet politique d'hier n'a pas été renouvelé- ce texte le reconnaît; le projet sociétal revendiqué est porté par d'autres formations (PPS, PSU, FGD) ; et deux partis comme le RNI et le PAM se positionnent également dans ce périmètre. Le retour à l'opposition aujourd'hui n'est pas inscrit dans une dialectique politique mais procède du "niet" d’Aziz Akhannouch.
Enfin, quelle peut être l'offre USFP ? Au plan économique et social, peu d'identité; au plan institutionnel, pas davantage de relief, tous les acteurs demandant la pleine application de la Constitution de 2011 et la consolidation des droits humains. Un périmètre investi par d'autres formations qui sont pratiquement sur le même registre.
Au fond, le militantisme USFP accuse une forte chute. Le projet socialiste a été supplanté par un référentiel social-démocrate passablement invertébré et inorganique. La mouvance progressiste s'est déplacée sur l’échiquier, aspirée par la gauche progressiste (PPS) et la gauche radicale (PSU, FGD,...) sans parler de certaines organisations de la société civile "activistes". Réinventer l'USFP et ses valeurs : voilà le challenge!...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid