L'ODJ Média




Clint Eastwood: Le héros d'une Amérique triomphante...


Trois périodes peuvent être distinguées : celle de l'aventurier des trois westerns de Sergio Leone, chasseur de primes sans foi ni loi; celle des cinq épisodes de l'inspecteur Harry Callaghan, policier marginal mais intégré au système; celle enfin du vieil homme solitaire et rejeté devenu trafiquant de drogue se dressant face à l'adversité



A lire ou à écouter en podcast :


Par Mustapha Sehimi

Quelle carrière! Clint Eastwood a été acteur, réalisateur, producteur aussi : il a exploré les multiples facettes du métier. Il est perçu comme une métaphore des États-Unis des décennies écoulées, brutaux, cyniques, virilistes, cupides - à la fois triomphants et fragiles. Mais toujours avec de bonnes raisons...

 
Voilà bien un héros américain ! Cow-boy, aventurier ou justicier, inspecteur Harry, vieil homme; toujours Clint Eastwood semble né pour incarner les tropismes américains -individualisme, virilité, loyauté, puissance, confrontation avec l'ennemi, courage, et puis triomphe final... Il résume bien en sa personne, avec sa longue carrière et sa filmographie, le héros américain, transgressif et juste, hors la loi mais profondément moral. Il vit et agit dans un monde d'hommes, et le cas échéant, il protège les femmes. Mais à distance. Il se distingue par bien des aspects d'un autre héros américain, Woody Allen. A l'inverse en effet, ce dernier tranche avec le profil taciturne, introverti, volontiers violent de Clint Eastwood qui peut perdre mais gagne toujours. Il est plutôt un champ de ruines psychologique, extraverti, exposant longuement à tous ses difficultés. Ses souffrances. Et ses contradictions. Il faut y ajouter ceci : l'un est l'homme des grandes plaines, des villages miteux et poussiéreux, en somme un bloc rudimentaire; l'autre, un homme de Manhattan, de la ville, un sédentaire, un intellectuel tourmenté.
 

Un bloc compact

Au cours de ses divers films, Eastwood est tout d'un bloc: fermé, compact, sans états d'âme apparents, sans peur sinon sans reproche, sans fissures. Mais le personnage connaît cependant une profonde évolution psychologique qu'il convient d'interroger. Il est ainsi d'abord animé par des pulsions sommaires et brutales; puis, il se met progressivement au service de normes sociales jusqu'à en devenir même une forme d'incarnation. Une éthique personnelle. 
 

Trois périodes peuvent être distinguées à cet égard: celle de l'aventurier des trois westerns de Sergio Leone, chasseur de primes sans foi ni loi; celle des cinq épisodes de l'inspecteur Harry Callaghan, policier marginal mais intégré au système; celle enfin du vieil homme solitaire et rejeté devenu trafiquant de drogue se dressant face à l'adversité.
 

Pour ce qui est de la première période, celle de l'aventurier chasseur de primes, il faut rappeler le traitement que Sergio Leone, réalisateur italien, a fait subir au western, ce joyau du récit national américain : des hommes seuls face à l'ennemi aux multiples visages, ne connaissant que la Bible et le... Colt! Les héros y sont moraux et contribuent à faire régner la loi contre des malfrats. Avec la "trilogie du dollar (Pour une poignée de dollars", 1964; et "Pour quelques dollars de plus",  1965; Le Bon, la Brute et le Truand, 1966), Leone en prend le contrepied et déconstruit ce récit. Des aventuriers, sales et pouilleux, se battent sans règle et sans merci; prédateurs, ils s'entretuent pour des trésors qui restent invisibles. L'on ne voit pas le vainqueur ; la quête est sans fin et les meurtres s'enchaînent au long des films.

Ces trois films montrent un homme entièrement soumis à des pulsions, sans surmoi, une sorte de machine à tuer. Dans d'autres westerns, l'esprit est différent: dans Pendez-les haut et court (1968), il poursuit des bandits pour son compte comme pour la communauté. Il y ajoute un rôle de justicier privé, comme une rédemption, dans Impitoyable (1992), avec la vengeance d'une jeune veuve qu'il protège.

 


Individus supérieurs à l'État

La deuxième période - l'inspecteur Harry contre le crime - comporte cinq films sur dix-sept ans. Leurs scénarios sont très différents les uns des autres. Mais tous, ils montrent un policier peu apprécié de ses pairs du fait de ses méthodes personnelles éloignées des procédures officielles. Il est profondément individualiste. Et solitaire aussi. Il manque d'originalité et relève d'un genre classique du cinéma américain, un filon surabondamment exploité dans les films noirs de série B.
 

La dernière période est celle du vieil homme isolé et délaissé. Ce qui domine c'est la diversité. Deux films, entre autres, réalisés par ses soins sont ainsi révélateurs d'une vieillesse active (La Mule, 2018; et Le Cas Richard Jewell, 2019). Dans le premier, Clint est un vieillard surendetté qui devient passeur de drogue avant d'être démasqué ; dans le second, où il n'apparaît pas, un agent de sécurité est accusé d'un attentat qu'il n'a pas commis - le film est consacré à la lutte pour faire reconnaître son innocence. Deux films en miroir : un homme simple est victime du système. Une dimension libertarienne se retrouve - les individus sont supérieurs à l'État. Et d'ailleurs, ils n'en font qu'à leur tête; ils sont volontiers transgressifs, ils agissent en fonction de leur morale personnelle; ils sont devenus leur surmoi, qui s'impose face à l'adversité.

Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid 




Vendredi 22 Novembre 2024

Billet | Chroniqueurs invités | Experts invités | Quartier libre | Chroniques Vidéo | Replay vidéo & podcast outdoor



Bannière Lodj DJ

Avertissement : Les textes publiés sous l’appellation « Quartier libre » ou « Chroniqueurs invités » ou “Coup de cœur” ou "Communiqué de presse" doivent être conformes à toutes les exigences mentionnées ci-dessous.

1-L’objectif de l’ODJ est de d’offrir un espace d’expression libre aux internautes en général et des confrères invités (avec leurs accords) sur des sujets de leur choix, pourvu que les textes présentés soient conformes à la charte de l’ODJ.

2-Cet espace est modéré  par les membres de la rédaction de lodj.ma, qui conjointement assureront la publication des tribunes et leur conformité à la charte de l’ODJ

3-L’ensemble des écrits publiés dans cette rubrique relève de l’entière responsabilité de leur(s) auteur(s).la rédaction de lodj.ma ne saurait être tenue responsable du contenu de ces tribunes.

4-Nous n’accepterons pas de publier des propos ayant un contenu diffamatoire, menaçant, abusif, obscène, ou tout autre contenu qui pourrait transgresser la loi.

5-Tout propos raciste, sexiste, ou portant atteinte à quelqu’un à cause de sa religion, son origine, son genre ou son orientation sexuelle ne sera pas retenu pour publication et sera refusé.

Toute forme de plagiat est également à proscrire.

 






Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html




Revue de presse










Iframe Responsive Isolée