Par Hicham EL AADNAN
La loyauté : fil conducteur des nominations
L’une des particularités marquantes de cette nouvelle administration est le choix de personnalités ayant fait preuve d’une loyauté indéfectible envers Donald Trump durant son premier mandat et sa campagne de 2024. Plus qu’une simple préférence, cette exigence traduit une stratégie visant à asseoir solidement l’influence du président et à éviter les frictions internes observées lors de son premier mandat.
Ainsi, Stephen Miller, conseiller politique de longue date et architecte des politiques d’immigration controversées de l’administration Trump, est désigné chef de cabinet adjoint pour la politique. Connu pour son rôle dans la mise en place de la politique de « tolérance zéro » en matière d’immigration, Miller symbolise un retour à une ligne dure en matière de contrôle des frontières et de régulation de l’accès au territoire américain. Cette nomination envoie un message fort : l’immigration sera un domaine où les restrictions seront amplifiées, à l’image de la nomination de Tom Homan, ancien directeur par intérim de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), au poste de « tsar des frontières ». Fervent partisan de la répression migratoire, Homan s’est engagé publiquement à mener une politique d’expulsions massives.
Dans le même esprit, Elise Stefanik, représentante républicaine de New York, est nommée ambassadrice des États-Unis auprès des Nations Unies. Trump la décrit comme une « combattante acharnée de l’Amérique d’abord », une expression qui laisse entrevoir une posture critique vis-à-vis des organisations internationales, accusées d’éroder la souveraineté américaine. Stefanik, qui s’est montrée très critique envers l’ONU, qualifiant l’organisation de « repaire d’antisémitisme », incarne parfaitement cette volonté de rupture avec le multilatéralisme.
Le choix de Mike Waltz au poste de conseiller à la sécurité nationale est lui aussi significatif. Ancien béret vert et représentant républicain, Waltz est un fervent critique de la Chine et un soutien déterminé à l’alliance avec l’Inde pour contrer l’influence chinoise. Il rejoint ainsi les rangs de cette nouvelle équipe resserrée, au profil martial et sans concessions, prête à affronter des adversaires de longue date sur la scène internationale. Ces nominations révèlent une administration plus homogène que lors du premier mandat, centrée autour de figures loyales et idéologiquement alignées avec les priorités du président.
Politique étrangère : vers un isolationnisme affiché, mais sélectif
Sur le plan international, l’administration Trump II adopte une ligne dure, marquée par un scepticisme profond envers les organisations multilatérales et un retour aux politiques de confrontation, notamment avec la Chine. La nomination actée de Waltz au Conseil de sécurité nationale et probable de Marco Rubio au poste de secrétaire d’État met en lumière cette tendance. Rubio, un autre critique de la Chine, incarne la vision américaine de « l’Amérique d’abord » appliquée aux relations internationales, avec un soutien affirmé à Taïwan et un engagement à protéger les intérêts américains dans la région indopacifique.
L’orientation de cette politique étrangère devrait se traduire par une guerre commerciale encore plus exacerbée avec la Chine, avec l’imposition de droits de douane élevés sur les importations chinoises. Cette ligne, soutenue par des conseillers comme Robert Lighthizer, annonce une phase de tensions commerciales et économiques qui pourraient affecter les chaînes d’approvisionnement mondiales et accroître les incertitudes économiques à l’échelle internationale.
Par ailleurs, l’administration Trump promet un soutien inconditionnel à Israël, un choix qui prend forme à travers la nomination d’Elise Stefanik. Sa critique virulente des institutions multilatérales, notamment de l’ONU, reflète le rejet par l’administration Trump des organisations jugées « hostiles » aux intérêts américains et israéliens. Concernant l’Iran, Trump envisage de durcir la ligne diplomatique avec la nomination de Brian Hook a été nommé à la tête de l’équipe de transition au département d’État, connu pour ses positions anti-iraniennes, laissant présager une politique de confrontation. Cette stratégie inclurait un renforcement des sanctions et un « chèque en blanc » pour Netanyahu à recourir à d’éventuelles frappes militaires ciblant les installations nucléaires iraniennes.
Une politique économique protectionniste et dérégulatrice
Au cœur de la stratégie qui consiste à "redonner sa grandeur à l'Amérique", se trouve la relance de la guerre commerciale avec la Chine. Dès son premier mandat, Trump avait instauré des tarifs douaniers élevés sur les importations chinoises, arguant que cette mesure était nécessaire pour rétablir l'équilibre commercial. Cette fois, il semble vouloir pousser encore plus loin cette logique protectionniste, en élargissant les secteurs visés et en s'attaquant davantage aux pratiques commerciales que son administration juge déloyales.
Avec des figures comme Robert Lighthizer et tout probablement Marco Rubio dans son équipe, Trump sera entouré de personnalités prônant une politique ferme face à Pékin, visant non seulement à réduire le déficit commercial mais aussi à garantir la sécurité économique des États-Unis. Les ambitions protectionnistes de Trump pourraient toutefois se heurter aux intérêts des entreprises américaines ayant des chaînes d'approvisionnement mondiales. La délocalisation étant un point névralgique de l'économie américaine, la politique de Trump pourrait créer des tensions au sein même du secteur privé.
Pour "Make America Great Again", Trump envisage une politique de réindustrialisation visant à revitaliser les industries locales et à encourager les entreprises américaines à rapatrier leurs activités sur le sol national. Ce retour à une production "made in America" pourrait prendre différentes formes, y compris des incitations fiscales pour les entreprises relocalisant leurs usines aux États-Unis, ainsi qu'un soutien accru aux secteurs stratégiques comme la métallurgie, l'automobile, et la technologie.
Les critiques affirment que cette réindustrialisation pourrait toutefois s'avérer coûteuse pour les contribuables et provoquer une hausse des prix pour les consommateurs, en raison de coûts de production plus élevés que dans les pays à main-d'œuvre bon marché. Mais l'administration Trump, elle, mise sur l'idée qu'une production locale forte permettrait de diminuer la dépendance des États-Unis vis-à-vis des importations étrangères et de renforcer la résilience économique du pays. Le message de Trump est clair : pour que les États-Unis retrouvent leur grandeur, ils doivent pouvoir produire ce qu'ils consomment.
En parallèle, l'un des enjeux cruciaux de la politique économique de Trump est la défense du dollar comme monnaie de référence mondiale. En effet, face aux tentatives des BRICS+ de promouvoir une monnaie alternative, Trump adopte une position ferme, affirmant vouloir "punir les pays qui se dédollarisent". Cette protection du dollar vise à préserver l'avantage économique des États-Unis sur la scène mondiale, car une dédollarisation progressive pourrait affaiblir la position américaine en rendant ses importations plus coûteuses et en diminuant son pouvoir d'influence sur les échanges internationaux.
Cette orientation monétaire se traduit par des nominations stratégiques comme celle de Mike Waltz, chargé de renforcer les alliances avec des pays comme l'Inde, perçus comme des partenaires potentiels contre l'influence croissante de la Chine. En outre, Trump envisage des sanctions économiques contre les pays et les blocs économiques qui tentent de contourner le dollar. Cette politique, bien que risquée, s'inscrit dans une volonté de faire du dollar un pilier de l'économie mondiale, assurant ainsi une influence durable des États-Unis.
L'autre composante essentielle du programme de Trump est la déréglementation, en particulier dans le secteur énergétique. Sous le slogan de "Make America Great Again", Trump veut libérer l'économie des "contraintes inutiles" qui, selon lui, freinent la croissance. La nomination de Lee Zeldin à la tête de l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA) reflète cette volonté de revenir à une régulation minimale, en mettant fin aux restrictions imposées par l'administration Biden. Zeldin est en effet chargé de démanteler les normes environnementales et de soutenir activement les industries des énergies fossiles.
Pour Trump, cette déréglementation est un outil essentiel pour favoriser l'indépendance énergétique des États-Unis, réduire les coûts pour les entreprises et stimuler l'emploi dans les secteurs du pétrole et du gaz de schistes. Le président affirme que la croissance économique ne doit pas être sacrifiée au nom de l'écologie, une position qui, bien que controversée, vise à redonner aux entreprises américaines une flexibilité maximale pour se développer.
Immigration : un durcissement considérable
La politique migratoire de Trump II marque un tournant vers des mesures encore plus restrictives, avec une priorité donnée à la répression des flux migratoires et aux expulsions massives. Sous la direction de Tom Homan, nommé « tsar des frontières », l’administration prévoit une intensification des contrôles frontaliers, notamment par la relance du mur à la frontière mexicaine et l’augmentation des effectifs de la police des frontières.
Par ailleurs, la nomination de Stephen Miller, partisan d’une politique d’immigration ultra-restrictive, reflète une volonté de durcir l’accès au territoire et de réduire significativement l’immigration légale. Miller est reconnu pour son approche stricte, incluant la séparation des familles et la détention de migrants dans des camps provisoires en attente de leur expulsion. Sous cette nouvelle administration, l’immigration légale devrait également être limitée, notamment par des restrictions d’accès aux visas et à la citoyenneté. Trump a même envisagé de remettre en question le droit du sol, un principe fondamental de l’identité américaine.
En somme, ce second mandat de Donald Trump s’annonce sous le signe du durcissement et de la confrontation, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières américaines. Les nominations de personnalités connues pour leur loyauté et leur adhésion à la ligne « America First » soulignent une politique de recentrage sur les intérêts américains, quitte à fragiliser les alliances traditionnelles et à bouleverser l’équilibre géopolitique. L’administration Trump II pourrait ainsi voir les États-Unis se replier davantage sur eux-mêmes tout en adoptant une approche sélective et pragmatique des interventions extérieure.
Cette administration, où l’expérience et la technocratie semblent céder le pas à la loyauté, marque une rupture claire avec les politiques qui ont façonné jusque-là la diplomatie américaine. Les mois à venir s’annoncent déterminants, et les choix de Donald Trump, qui entend privilégier une approche unilatérale, bilatérale voire même transactionnelle des relations internationales à la tête de la Maison-Blanche, auront des répercussions profondes, tant sur le plan intérieur que dans le paysage international. Le monde devra s'adapter à cette nouvelle ère de l'« Amérique d'abord », marquée par des politiques unilatérales et un protectionnisme revendiqué.
Rédigé par Hicham EL AADNAN