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Tribune : Un ministre peut-il encore dire la vérité au Maroc ?

Par Adnane Benchakroun


L’Istiqlal reste fidèle à lui-même, au gouvernement comme dans l’opposition



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Qui pourrait reprocher à un ministre de dénoncer les hausses illégitimes des prix ?

La vie chère est sur toutes les lèvres au Maroc. Chaque passage au marché devient un casse-tête pour les ménages, étranglés par des prix qui s’envolent. L’opposition en fait son cheval de bataille, mais lorsqu’un ministre en exercice pointe du doigt la spéculation, la situation prend une autre tournure.

C’est précisément ce qu’a fait Nizar Baraka, secrétaire général du Parti de l’Istiqlal et ministre de l’Équipement et de l’Eau. Lors d’un meeting à Ouled Frej, il a ouvertement dénoncé les pratiques spéculatives sur les produits alimentaires, notamment la viande rouge et le poulet. Ses mots sont tranchants, son ton sans appel : certains acteurs du marché profitent des subventions publiques sans que les consommateurs en ressentent les bénéfices.

Baraka a révélé ce que beaucoup soupçonnaient : des importations subventionnées qui finissent sur le marché à des prix prohibitifs. « Lors de l’Aïd Al-Adha, nous avons autorisé l’importation de moutons avec une aide de 500 dirhams par tête. Pourtant, certains les ont fait entrer à 2.000 dirhams pour les revendre à 4.000 ! » s’est-il indigné sous les applaudissements de son auditoire.

Le ministre ne s’est pas arrêté là. Il a interpellé directement les producteurs de viande rouge et de volaille, les appelant à réduire leurs marges au nom de la justice sociale. « Nous sommes en Chaâbane, craignez Allah ! Arrêtez de vous enrichir sur le dos des Marocains et réduisez vos profits. » Une phrase lourde de sens qui reflète la frustration populaire face aux inégalités croissantes.

Mais au-delà du coup d’éclat comme certain le pense, une question cruciale se pose : comment un ministre peut-il critiquer une situation dont il est en partie responsable ? Moins de trois semaines auparavant, la majorité gouvernementale menée par Aziz Akhannouch affichait un front uni, affirmant sa détermination à combattre l’inflation. Pourquoi cette soudaine dissonance ?

La réponse est simple : le Parti de l’Istiqlal a toujours été fidèle à lui-même, que ce soit au gouvernement ou dans l’opposition.

Son histoire politique est marquée par une posture équilibrée entre engagement institutionnel et indépendance d’esprit. En prenant la parole aussi frontalement, Baraka ne trahit pas la ligne de son parti : l’Istiqlal a toujours été un acteur pragmatique, prêt à dénoncer les abus, même de l’intérieur du pouvoir.

En dénonçant la spéculation et la flambée des prix, Baraka assume un positionnement clair : il défend l’intérêt des citoyens avant la solidarité gouvernementale. Cette prise de parole, loin d’être un simple calcul politique en vue de 2026, reflète la pression exercée sur son électorat, particulièrement touché par la crise économique.

Mais cette indépendance affichée peut-elle fragiliser la coalition actuelle ? Non, L’Istiqlal cherche simplement à rappeler que son engagement ne signifie pas aveuglement ?

Une chose est certaine : en prenant ses distances avec le discours officiel, Baraka remet sur la table une question essentielle : le gouvernement a-t-il réellement les moyens et la volonté de juguler l’inflation et de protéger le pouvoir d’achat ?

Fidèle à son ADN politique, le parti continue de se positionner en garant d’un équilibre fragile entre gouvernance et contestation. Dans un Maroc où les tensions sociales montent, cette stratégie ne peut que s'avérer que réaliste politiquement parlant



Mardi 18 Février 2025

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