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Et si Trump voulait siphonner l’épargne européenne pour payer la dette américaine ?




Et si les provocations de Donald Trump à l’égard de l’Europe n’étaient pas seulement électoralistes ? Et si elles répondaient, à leur manière brutale, à une stratégie économique plus large des États-Unis visant à attirer l’épargne étrangère – notamment européenne – avant de la faire fondre sous l’effet d’un dollar affaibli ? Derrière cette hypothèse se cache un mécanisme géoéconomique aussi ancien qu’efficace : utiliser la puissance monétaire et militaire pour financer son déficit aux dépens des autres.

Les États-Unis vivent depuis des décennies au-dessus de leurs moyens. Leur dette publique dépasse désormais les trente-cinq mille milliards de dollars, soit bien plus que leur PIB. Or cette dette doit être financée. Comment ? En émettant des obligations du Trésor, ces fameux « Treasuries » que le monde entier continue d’acheter, persuadé que l’Amérique est le placement le plus sûr de la planète.

Mais cette croyance est elle-même un actif stratégique pour Washington. Elle permet aux États-Unis de trouver des acheteurs pour leur dette à des taux relativement bas, malgré les risques budgétaires et politiques internes. Et qui achète ? Des investisseurs privés, des banques centrales, des compagnies d’assurance… principalement en Europe, en Asie et dans les pays du Golfe.

La logique de Trump – qui dépasse sa seule personne – consiste à jouer avec l’instabilité du monde pour renforcer l’attractivité du dollar. En menaçant de quitter l’OTAN, en suggérant que les États-Unis pourraient ne plus défendre les pays européens, en soufflant le chaud et le froid sur les conflits en Ukraine ou au Moyen-Orient, il instille l’idée que l’Europe est vulnérable.

Et que fait l’épargne lorsqu’elle a peur ? Elle se réfugie là où elle pense être en sécurité. C’est-à-dire aux États-Unis. Résultat : les investisseurs européens retirent leurs capitaux de la zone euro pour les placer en dollars, notamment dans les obligations américaines.

Derrière la brutalité politique, un raffinement économique : plus le monde a peur, plus l’Amérique peut vivre à crédit.

La deuxième phase de cette stratégie est plus subtile, mais tout aussi redoutable : laisser le dollar se déprécier progressivement.

À première vue, cela semble contre-productif. Pourquoi attirer l’épargne étrangère si c’est pour faire baisser la valeur de la monnaie dans laquelle cette épargne est libellée ? Mais l’idée est justement là : drainer les capitaux mondiaux vers des actifs libellés en dollars, puis, une fois captifs, laisser glisser la monnaie pour rembourser moins cher.

C’est ce qu’on appelle une restructuration douce de la dette : plutôt que faire défaut, on laisse l’inflation ou la dépréciation monétaire faire le travail.

Les États-Unis, par leur taille, leur domination technologique, leur puissance militaire et le rôle central du dollar dans le commerce mondial, peuvent se permettre ce que d'autres ne pourraient pas. Aucun pays du Sud n’aurait pu se comporter ainsi sans subir une fuite massive des capitaux. Mais l’Amérique est toujours perçue comme "too big to fail".

Et cela fonctionne à merveille :
 
  • L’épargne européenne est drainée vers les actifs en dollars.
  • Les Treasuries sont achetés massivement, ce qui finance les déficits américains.
Puis, la baisse du dollar allège le poids de la dette, rend les exportations américaines plus compétitives, et affaiblit les partenaires commerciaux.

Et pendant ce temps, les épargnants européens voient la valeur réelle de leurs investissements fondre, sans recours possible.

Si ce scénario se confirme, l’Europe se retrouve piégée sur deux fronts :

Sur le plan financier, elle transfère son épargne vers une puissance qui l’utilise pour consolider son hégémonie budgétaire et géopolitique.
Sur le plan monétaire, un dollar plus faible implique un euro plus fort, ce qui pénalise les exportations européennes et aggrave la désindustrialisation du continent.

Ajoutons à cela la dépendance énergétique, la fragilité militaire et les divisions internes, et l’on comprend pourquoi certains parlent d’une Europe vassalisée, contribuant à la puissance américaine contre ses propres intérêts économiques.

Ce que l’on croyait être un chaos trumpien est peut-être une doctrine économique implicite : créer l’instabilité géopolitique pour attirer l’épargne mondiale, puis utiliser le levier monétaire pour diluer le coût de la dette. Cela ressemble à une stratégie de transfert de richesse à grande échelle, des épargnants étrangers vers le Trésor américain.

Et ce piège, l’Europe s’y jette les yeux ouverts, faute de vision stratégique unifiée.

Une crise comme stratégie délibérée, pas comme accident

Contrairement à la plupart des crises – financières, sanitaires, politiques – que les États tentent généralement d’éviter, d’endiguer ou de subir à contrecœur, la doctrine Trumpiste repose sur un postulat inverse : la crise est utile, voire nécessaire, pour réorganiser l’ordre mondial à l’avantage des États-Unis.

Ce n’est pas la crise comme échec, mais la crise comme outil. Ce n’est plus la logique du pompier mondial, mais celle de l’incendiaire lucide : créer un désordre maîtrisé qui pousse les autres à la panique, pendant que vous, vous récoltez les bénéfices de leur désorientation.

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Lundi 7 Avril 2025


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