Par un coach d’entreprise en chair, en os, et en conscience qui vous écris en tant que professionnel de terrain
Les entreprises investissent massivement dans des outils d’IA pour “booster” le développement de leurs leaders. Chatbots-coachs, plateformes d’analyse comportementale, algorithmes de recommandations de formations... tout y passe. L’IA apprend, détecte, suggère, corrige, évalue. Elle est partout. Et je vois des DRH fascinés, des dirigeants séduits, des collaborateurs perdus dans une jungle d’outils numériques censés leur dire qui ils sont et comment s'améliorer. Le tout, sans interaction humaine, sans regard bienveillant, sans silence partagé.
Laissez-moi être clair : je ne suis pas un technophobe. Je sais que l’IA peut nous aider, notamment dans le traitement de données, l’analyse des dynamiques d’équipe, ou encore la détection de signaux faibles. Mais l’IA ne peut pas accompagner. Car accompagner, c’est écouter sans juger. C’est sentir ce qui ne se dit pas. C’est accueillir une émotion, une hésitation, un soupir. C’est poser une question qui fait mal mais qui libère. C’est offrir un espace de confiance pour que la transformation intérieure puisse avoir lieu.
Or, dans cette nouvelle vague d’automatisation du coaching, on réduit l’humain à une série de données interprétées par des algorithmes. On demande à des outils “intelligents” de faire le travail d’un regard, d’un mot juste, d’une présence. On remplace le dialogue par un questionnaire, l’introspection par des KPIs, et le cheminement personnel par un tableau de bord.
Ce n’est pas seulement un contresens sur ce qu’est le coaching. C’est une dérive. Une dérive dangereuse. Car à force de vouloir tout optimiser, on oublie que l’humain est justement non-optimisable. Il est complexe, contradictoire, imprévisible. Il évolue dans le temps, en fonction de ses douleurs, de ses élans, de ses résistances. Et ce n’est pas une IA, aussi performante soit-elle, qui pourra le comprendre dans sa profondeur.
Je proteste donc contre cette course effrénée vers l’IA “coacheuse”, qui risque de déshumaniser un métier dont la force réside précisément dans l’intime, le subtil, le relationnel. Je déplore que les décideurs oublient que le développement d’un leader passe d’abord par une relation vraie, pas par un simulateur de leadership.
Le coaching ne doit pas devenir une prestation automatisée comme une autre. C’est un acte d’engagement humain, une alliance fondée sur la confiance, la vulnérabilité et la co-construction. Si l’IA peut être un soutien, elle ne sera jamais un substitut.
À tous mes collègues coachs, je dis : restons debout. Ne cédons pas à la tentation du tout technologique. Formons-nous, bien sûr. Comprenons les outils. Mais gardons notre essence : être des passeurs, des témoins, des éveilleurs.
Et à vous, dirigeants, DRH, responsables de la transformation : posez-vous la question. Que voulez-vous vraiment pour vos collaborateurs ? Une illusion d’accompagnement ou une vraie rencontre ? Un miroir froid et calibré ou un regard humain et vivant ?
L’IA peut être une alliée. Mais elle ne remplacera jamais une main tendue.
Et au Maroc, comment garder l’humain au centre ?
Pour préserver l’essence humaine du coaching, les entreprises marocaines gagneraient à considérer l’IA comme un outil d’appoint, et non comme un substitut au lien humain. Les DRH et responsables formation peuvent par exemple utiliser les analyses de données issues de l’IA pour enrichir les séances de coaching, mais sans jamais se priver de la richesse d’un entretien en face-à-face, où le regard, le silence, et même la posture corporelle transmettent des informations impossibles à capturer par un logiciel.
Il est également fondamental d’organiser des espaces de dialogue déconnectés des outils numériques. Une simple réunion d’équipe sans ordinateur, une marche de coaching en plein air, ou un cercle de parole mensuel peuvent faire plus pour la cohésion que n’importe quel outil technologique. Ces pratiques résonnent particulièrement bien dans le contexte marocain, où la parole partagée et la présence réelle sont encore fortement valorisées.
Enfin, gardons à l’esprit que la culture d’entreprise au Maroc est traversée par des spécificités que l’IA peine à intégrer : les jeux de pouvoir implicites, la hiérarchie symbolique, la force du collectif et les valeurs de loyauté ou d’honneur. Un coach humain formé au contexte local saura naviguer dans ces subtilités. Une IA, aussi performante soit-elle, n’a ni intuition, ni mémoire émotionnelle, ni ancrage culturel.
Pour faire court, au Maroc comme ailleurs, la technologie peut accompagner. Mais c’est l’humain qui transforme. Ne l’oublions pas.