Adnane Benchakroun
Alors que le pays tourne à la viande de rêve et que le débat broute dans tous les sens – télé, cafés, réseaux sociaux, taxis – notre ministre délégué reste plus introuvable qu’un gigot bon marché. On l’imaginait au cœur de la tempête, expliquant chiffres à l’appui pourquoi importer des moutons australiens coûteraient moins cher que nourrir les nôtres. Mais rien. Pas un mot. Pas même un tweet.
Et pourtant, treize milliards de dirhams ont été mobilisés – oui, treize, pas trois – pour remettre du steak dans nos assiettes. Résultat : la viande est toujours aussi chère, et la colère, elle, est bien rouge. L'opposition, elle, a flairé le bon filon, criant à la spéculation et aux copinages fiscaux. Dans la majorité, c’est ambiance Titanic : certains envisagent déjà d’abandonner le navire pendant que d’autres écopent en expliquant que "c’est compliqué".
Il faut dire que les explications, justement, deviennent une denrée rare. On entend tout et son contraire : il y aurait des pertes fiscales… ou pas. La TVA aurait sauté… ou peut-être pas. Les importateurs seraient des proches du pouvoir… ou de simples professionnels. Bref, c’est plus flou qu’une promesse électorale en fin de mandat.
Mais pendant qu’on débat des têtes ovines espagnoles et des bœufs australiens, le Marocain moyen lui, fait la queue chez le boucher, calcule, soupire… et repart parfois avec deux merguez au lieu d’un vrai repas. Car à la fin, les plus impactés ne sont ni les ministères ni les chambres parlementaires, mais ceux qui comptaient fêter l’aïd avec dignité.
Et pendant ce temps-là, M. Zidane médite peut-être. Sur la convergence ? L'évaluation ? Ou la discrétion absolue ? Ce ministère créé de toutes pièces auprès du chef du gouvernement semble avoir été pensé pour donner du sens aux politiques publiques. Mais sans discours, sans clarification, sans bilan… quel est l’intérêt ?
On n’attend pas des ministres qu’ils tweetent en vers ou qu’ils cuisinent eux-mêmes le couscous du vendredi. Mais quand tout le monde parle sauf vous, sur un sujet aussi chaud que la viande, on finit par croire que soit vous n’avez rien à dire, soit que ce qu’il y a à dire serait trop indigeste.
À un an et demi des élections, ce silence pourrait coûter plus qu’un steak Wagyu. Et faire grossir cette affaire, qui, pour l’instant, n’a toujours pas trouvé de réponse à cette simple question : où est passée la viande, et où est passée la parole publique ?