Podcast de Adnane Benchakroun sur la Web Radio R212
Mesdames, Messieurs, chers invités, bonjour.
"L’Occident n’est pas composé de génies, et nous ne sommes pas des imbéciles. Ils soutiennent simplement l’échec jusqu’à ce qu’il réussisse."
À travers cette phrase, ce n’est pas seulement un constat qu’on fait.
C’est une blessure collective qui s’exprime. Un ressentiment lucide, une interrogation lourde :
Pourquoi eux avancent ? Pourquoi nous stagnons ?
Et non, ce n’est pas parce qu’ils sont plus doués que nous.
C’est parce qu’ils ont compris quelque chose que nous n’avons pas encore complètement intégré : la valeur du soutien. La légitimité de l’échec. L’importance du droit à l’erreur.
Le génie occidental est un mythe bien entretenu
On croit parfois que les Américains, les Allemands, les Coréens ont une sorte d’ADN du succès. Qu’ils sont nés avec une puce du génie dans la tête. Mais en réalité, ce sont des gens ordinaires, comme vous et moi. Ce qui fait la différence, c’est le système autour d’eux.
Un système qui permet d’échouer sans être détruit.
Un système qui finance les idées même quand elles sont encore bancales.
Un système qui voit un potentiel là où nous voyons une erreur.
Et nous ? Nous avons été les pionniers… puis nous avons oublié comment soutenir
Le monde arabe a produit des savants, des philosophes, des poètes, des astronomes, des médecins. Ibn Sina. Al-Khawarizmi. Ibn Khaldoun. Ibn Rushd… Nous avons enseigné à l’Europe quand elle cherchait encore sa lumière.
Mais aujourd’hui ?
Combien d’idées brillantes étouffons-nous dans l’œuf ? Combien de jeunes porteurs de projets finissent par abandonner… non par manque de talent, mais par manque d’écoute, de patience, de confiance ?
Chez nous, l’échec est une faute morale
Un étudiant qui redouble est une déception. Un entrepreneur qui fait faillite est un raté. Un projet qui n’aboutit pas devient un sujet de moquerie.
Nous jugeons vite. Nous critiquons fort. Nous valorisons la conformité, pas la tentative.
Et le pire ? C’est que cela commence souvent très tôt. Dans nos écoles. Dans nos familles. Par nos propres mots.
Là-bas, l’échec est un tremplin, pas une fin
Aux États-Unis, en Allemagne, en Scandinavie, un entrepreneur peut rater trois fois et obtenir un financement pour sa quatrième idée.
Pourquoi ? Parce qu’il est vu comme quelqu’un d’expérimenté. Parce qu’on valorise la résilience, pas seulement la réussite immédiate.
Des incubateurs, des conseillers, des politiques publiques accompagnent, forment, encouragent.
Ils ne récompensent pas seulement ceux qui brillent.
Ils soutiennent ceux qui tombent… et se relèvent.
Ce qu’il nous manque, c’est l’écosystème du courage
Le talent, nous l’avons. Les idées, nous les avons. Mais le terreau pour faire pousser ces graines manque cruellement.
Il nous faut une culture du risque mesuré. Un droit au deuxième essai. Un encouragement à la tentative, même imparfaite.
Le soutien n’est pas une faiblesse. C’est le carburant de l’audace.
Et l’audace, c’est ce qui crée les sociétés qui avancent.
Alors… et si on changeait ?
Et si on décidait, collectivement, de soutenir ceux qui essaient, même s’ils se trompent ?
Et si nos écoles enseignaient que l’erreur est un apprentissage ?
Et si nos administrations acceptaient qu’un projet peut ne pas marcher… et quand même mériter d’être relancé ?
Et si nos familles disaient à leurs enfants : “Je suis fier que tu aies osé” au lieu de dire “Je t’avais prévenu que tu allais échouer” ?
Nous ne sommes pas condamnés à regarder les autres avancer
Nous ne sommes pas moins intelligents.
Nous sommes une civilisation blessée, parfois résignée… mais jamais morte.
Il nous manque juste un petit quelque chose : la foi dans nos échecs. Le courage d’accompagner nos erreurs.
L’Occident ne fabrique pas des génies. Il cultive l’échec jusqu’à ce qu’il devienne du génie.
À nous de réapprendre cela.
À nous de protéger nos graines, même si elles poussent de travers.
Parce qu’un jour, elles pourront donner des forêts.