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Réconciliation franco-algérienne : Un pacte de réalignement aux conséquences sahariennes


​Après huit mois de brouille diplomatique, Paris et Alger ont choisi de relancer leur partenariat bilatéral. Si cette détente annonce un retour à la coopération, elle soulève d’importantes interrogations quant à la recomposition stratégique du Maghreb et la place du Maroc dans l’équation saharienne.



Une géopolitique du compromis asymétrique

En renouant avec Alger, la France espère restaurer une influence fragilisée dans la région. Mais cette tentative d’équilibrisme diplomatique entre Rabat et Alger ne va pas sans concessions implicites, notamment sur la question du Sahara Marocain et occidental. Dans ce contexte, le Maroc observe avec une vigilance croissante les signaux envoyés par l’Élysée.

Le 6 avril 2025, Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, foulait le sol d’Alger pour y rencontrer les plus hautes autorités de l’État, actant ainsi la reprise officielle du dialogue bilatéral suspendu depuis l’été 2024. À l’époque, la reconnaissance publique par Emmanuel Macron du plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental avait suscité l’ire d’Alger, qui n’avait pas hésité à rappeler son ambassadeur et à geler plusieurs canaux de coopération stratégique.

Derrière les sourires de circonstance et les formules polies évoquant une « nouvelle phase » des relations, ce déplacement traduit une tentative de recomposition diplomatique. Il s’agissait moins de sceller une entente que de contenir une fracture dont les répercussions, en matière de sécurité régionale comme de rapports euro-méditerranéens, deviennent difficilement soutenables pour Paris.

Dans ce contexte, la France a entrepris une série de gestes d’apaisement à l’égard d’Alger : reprise des mécanismes de coopération sécuritaire sur le Sahel, relance du dialogue migratoire, agenda économique partagé avec la tenue prochaine d’un forum des patronats à Paris, sans oublier la relance symbolique des travaux de la commission mixte d’historiens. À cet égard, l’invitation adressée à Benjamin Stora revêt une portée autant mémorielle que diplomatique.

Cependant, cette reprise s’est opérée sans contrepartie apparente sur le plan des droits humains. De surcroît, plusieurs ONG de la diaspora algérienne ont dénoncé, dans une lettre ouverte au ministre Barrot, une « normalisation aveugle » qui fait fi de la répression politique en Algérie. La détention de l’écrivain Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison, illustre la crispation du régime face à toute voix dissidente, dans un climat de verrouillage croissant.

En engageant le dialogue avec Alger, Paris cherche manifestement à rétablir un fragile équilibre dans sa politique maghrébine. Mais cette tentative de symétrie intervient après un tournant décisif : l’alignement français sur la position marocaine à propos du Sahara occidental. Pour Rabat, ce soutien représentait une victoire diplomatique majeure, consacrant une reconnaissance de facto du caractère irréversible de son ancrage saharien.

Dès lors, la relance du partenariat franco-algérien pourrait être interprétée comme un recalibrage stratégique, voire comme une volonté de ne pas aller plus loin dans le soutien à Rabat afin de ne pas compromettre la relation avec Alger. En effet, la question du Sahara demeure le prisme structurant de la politique étrangère algérienne, et toute position française jugée ambivalente pourrait être perçue au Maroc comme un retour à une politique de double jeu.

À cet égard, Paris joue une partition d’équilibriste, cherchant à préserver des liens forts avec Rabat, tout en apaisant un partenaire algérien indispensable à la stabilité régionale, notamment dans la gestion des flux migratoires et des crises sahéliennes. Pourtant, cette logique de conciliation, si elle garantit un minimum de coopération institutionnelle, pourrait à moyen terme saper la crédibilité de la France auprès des deux capitales maghrébines.

Car dans cette recomposition à bas bruit, le Maroc pourrait voir son partenariat stratégique relativisé. De surcroît, l’absence de prise de position claire sur la question des droits humains en Algérie envoie un signal paradoxal au voisin chérifien, où Rabat n’a cessé d’invoquer la légitimité démocratique de son modèle de gouvernance saharienne face aux dérives autoritaires du Polisario, soutenu par Alger.

Ainsi, la réconciliation franco-algérienne, loin d’être une simple relance diplomatique, s’inscrit dans un jeu d’équilibres régionaux profondément instables. En choisissant de ménager Alger sans froisser Rabat, la France s’expose au soupçon d’ambiguïté stratégique. Or, dans une région marquée par la compétition des récits, le poids des symboles et la résurgence des souverainetés nationales, la neutralité n’est plus une posture tenable.

En effet, une politique étrangère construite sur des compromis silencieux finit toujours par heurter ceux qui, dans l’ombre, en paient le prix. À ce titre, les peuples, mieux que les chancelleries, savent reconnaître les trahisons maquillées en équilibres. La stabilité recherchée risque alors de se transformer en instabilité prolongée — et la réconciliation annoncée, en illusion diplomatique.

Rédigé par : Hajar Dehane



Samedi 12 Avril 2025


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