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Transferts de la diaspora menacés : le cri d’alarme de Jouahri face à l’Europe


Rédigé par La Rédaction le Dimanche 30 Mars 2025



Podcast économique de Adnane Benchakroun : Une directive qui pourrait coûter cher à la souveraineté financière marocaine

C’était un coup de semonce venu de Bruxelles. Le 19 juin 2024, le Parlement européen avait  adopté la directive FISMA (Financial Stability, Financial Services and Capital Markets Union), transposant dans le droit européen les nouvelles normes dites « Bâle III ».

Présentée comme un mécanisme de renforcement de la résilience bancaire sur le Vieux Continent, cette réforme risque paradoxalement d’ébranler la stabilité financière d’un pays tiers : le Maroc. Et pour cause : la directive ne se limite plus aux seules banques européennes. Elle s’attaque désormais aux établissements bancaires étrangers opérant sur le sol européen, y compris les banques marocaines actives dans la diaspora.

Historiquement, les normes de Bâle III ont été conçues après la débâcle financière de 2008. Leur objectif était clair : rendre les banques plus solides face aux crises systémiques. L’Union européenne s’est emparée de ce chantier pour encadrer plus strictement son secteur bancaire, surtout après le Brexit, qui a rebattu les cartes de la supervision financière sur le continent.

Mais dans leur volonté d’imposer des standards communs, les autorités européennes semblent désormais ignorer les réalités et les partenariats économiques noués avec les pays du Sud, en particulier le Maroc. Or, le royaume dispose d’un réseau bancaire dense dans plusieurs États membres de l’UE, notamment la France, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Ces filiales et succursales, souvent au service des communautés marocaines à l’étranger, assurent une fonction vitale : le transfert régulier de milliards d’euros de la diaspora vers le Maroc.

Jouahri tire la sonnette d’alarme

Face à cette évolution réglementaire, Abdellatif Jouahri, Gouverneur de Bank Al-Maghrib, n’a pas mâché ses mots. Lors de sa dernière conférence trimestrielle, il a dénoncé un « glissement dangereux » qui pourrait aboutir à « l’interdiction pure et simple des activités bancaires marocaines en Europe ». Derrière cette formule choc, un risque systémique : l’affaiblissement brutal d’un canal financier vital pour l’économie marocaine.

Selon les chiffres officiels, les transferts des Marocains du monde ont dépassé les cent milliards de dirhams en 2023. Ce flux constitue une source essentielle de devises, mais aussi un soutien aux familles, à la consommation et à l’investissement immobilier. En bloquant l’accès des banques marocaines aux systèmes de paiement européens, la directive FISMA pourrait ralentir, complexifier, voire interrompre ces flux. À long terme, cela reviendrait à asphyxier un pan entier de l’économie informelle structurée par la finance de proximité.

Les grandes banques marocaines — Attijariwafa Bank, la Banque Populaire et Bank of Africa — ont investi depuis des décennies dans le développement de réseaux bancaires dédiés à la diaspora. Leurs bureaux en Europe permettent aux Marocains résidant à l’étranger de gérer leurs comptes, d’épargner, d’investir dans leur pays d’origine, et d’envoyer de l’argent en toute sécurité à leurs proches. La directive FISMA, en les forçant à obtenir des licences européennes plus coûteuses et contraignantes, pourrait les pousser vers un repli stratégique, voire un abandon du marché européen.

Face à cette menace, le Maroc pourrait être contraint de réagir sur plusieurs fronts. D’abord en entamant un dialogue diplomatique avec les institutions européennes pour obtenir des clauses dérogatoires ou un statut de coopération renforcée. Ensuite, en accélérant la digitalisation de ses services financiers pour contourner les circuits bancaires classiques. Enfin, en créant des passerelles réglementaires via des accords bilatéraux avec les pays de résidence de sa diaspora.

La directive FISMA révèle les limites d’un système mondial de plus en plus fermé aux économies émergentes. Ce que Bruxelles présente comme une avancée en matière de résilience bancaire pourrait se traduire, pour le Maroc, par un recul en matière de souveraineté financière, de développement social et de stabilité monétaire. Le combat qui s’annonce ne sera pas uniquement technique. Il sera aussi diplomatique, stratégique et symbolique : celui de préserver le lien vital entre une nation et ses enfants dispersés à travers le monde.

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Dimanche 30 Mars 2025

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