Alors que les tensions commerciales entre Washington et Pékin connaissent un nouveau regain d’intensité, l’annonce d’une nouvelle vague de droits de douane par l’administration américaine a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans les milieux industriels. Pourtant, une catégorie d’appareils de haute technologie, cruciale pour l’économie mondiale, échappe à ces hausses tarifaires : les smartphones, les ordinateurs, ainsi que les composants électroniques comme les semi-conducteurs, les cellules solaires et les cartes mémoire.

Cette exclusion stratégique interroge. Pourquoi viser la Chine sans toucher à l’essentiel du quotidien numérique ? Que cache cette indulgence ciblée ?

Les États-Unis, tout en affichant une posture de fermeté à l’égard de la Chine, semblent calibrer leurs mesures de manière à éviter de se tirer une balle dans le pied. Taxer les smartphones ou les puces électroniques, c’est prendre le risque d’asphyxier Apple, Intel, Qualcomm et d'autres géants américains dont les chaînes de production dépendent en partie des composants chinois ou taïwanais.

C’est également mettre en péril l’ensemble de l’écosystème numérique américain, tant du côté de l’offre (industries high-tech) que de la demande (consommateurs).

Aujourd’hui, plus de 70 % des semi-conducteurs utilisés aux États-Unis sont produits ou assemblés en Asie, souvent avec des matériaux ou technologies américaines. Le monde numérique repose sur une chaîne de valeur mondialisée, où les rôles sont distribués : recherche et innovation aux États-Unis, production massive en Asie, notamment en Chine, en Corée du Sud et à Taïwan.

Taxer les semi-conducteurs ou les appareils électroniques revient à fragiliser cette architecture mondialisée, alors que les États-Unis cherchent justement à maintenir leur avance dans l’intelligence artificielle, les télécoms et l’automobile électrique.

L’exclusion des cellules photovoltaïques répond à une autre logique : ne pas freiner la transition énergétique. En effet, les États-Unis importent massivement des panneaux solaires chinois à bas coût pour répondre à leurs objectifs climatiques. Une taxe aurait ralenti l'adoption de l'énergie solaire, et accru le coût pour les ménages et les entreprises engagés dans la décarbonation.

Un signal aux marchés et aux alliés ?

En laissant ces produits hors du champ des hausses tarifaires, l’administration américaine envoie aussi un message rassurant aux marchés financiers et aux partenaires industriels. Elle montre qu’elle peut affirmer sa souveraineté économique tout en préservant l’innovation, la stabilité des prix et l’appareil productif.

Mais cette décision n’est pas exempte de contradictions : elle souligne à quel point la déconnexion technologique entre les deux premières puissances mondiales reste encore partielle, voire improbable à court terme.

Cette stratégie démontre que la guerre économique menée par les États-Unis contre la Chine est plus ciblée que brutale. Elle vise à contenir l’expansion chinoise dans des secteurs stratégiques comme les batteries, les véhicules électriques ou l’intelligence artificielle, tout en ménageant les intérêts immédiats de l’économie américaine.

En épargnant les smartphones, les ordinateurs et les semi-conducteurs, Washington ne renonce pas à la confrontation — mais elle choisit ses batailles.